IDELIS: La vie de Château (2)
En recollant les morceaux pièce par pièce et à partir des derniers chiffres connus , ceux déposés pour 2011 par la STAP (qui est tenue de le faire en sa qualité de Société Anonyme) et ceux des exercices précédents, le constat est clair. La STAP avant IDELIS vivait sa vie en perdant régulièrement ses ressources, elles-mêmes alimentées par des subventions issues de la Taxe transports à hauteur d’environ 12 millions d’ € par an. Il en résultait après perception de la billetterie, une perte de l’ordre de 150 à 200K€ par an qui rongeait régulièrement son modeste capital.
Mais c’était avant que l’on ne découvre les mérites du développement durable dans les transports publics, ainsi que ceux du Transport en site propre, ce nom magique qui permet instantanément de faire passer le versement Transport de 1.05% à 1,8% et de transformer au passage une triste petite machine à transporter en un flamboyant symbole des ambitions affichées par nos élus, tant en matière de développement et de dynamisme durables, que de solidarité sociale en passant par l’intermodalité, la multimodalité, l’écomobilité, les modes doux, la qualité de ville, la lutte contre le réchauffement de la planète, contre l’individualisme automobile, la pollution asphyxiante dans les réseaux viaires (sic..) et tout plein de mots savants qui sont autant de ressources merveilleuses que nous autorisent la novlangue en matière de transport urbain vert, mais diesel quand-même. Ou plutôt Diester, ce qui est encore pire.
Et ce miracle eut pour première conséquence de transformer la pauvre citrouille cahotante en calèche dorée. Ce ne sont pas moins de 12 millions d’ € supplémentaires par an qui après avoir été prélevés sur les résultats d’exploitation des entreprises paloises, parvinrent à partir de 2010 de manière indolore et inodore, dans les comptes du Syndicat Mixte des Transports Urbains. Une véritable manne. De quoi voir les choses en grand. D’autant que les gémissements des entreprises et le silence bruyant de la Chambre de Commerce furent rapidement couverts par les roulements de tambour de l’intérêt général, de la pensée socialiste, du développement durable, de la lutte contre le réchauffement etc..etc..(voir liste plus haut) et la réduction simultanée du coût unitaire d’un ticket de transport, fixé à 1€ tout rond. Et tant pis si à la fin, c’est de toute façon le consommateur qui paye, puisqu’à l’évidence, les entreprises déjà malmenées par des coûts du travail et des charges élevées ne pouvaient qu’en retransmettre les effets sur leurs prix ou dans leurs marges dans le cas où elles se trouvaient en compétition avec des entreprises non concernées. En particulier sur l’agglo ou si l’on met à part l’éternel « Total-peut-payer » (jusqu’à quand ?) les employeurs palois concernés, essentiellement des entreprises de distribution, ne pouvaient que reporter fidèlement cette surtaxe dans leurs prix et donc dans le portefeuille de leurs clients captifs. Mais cette logique là, n’est pas celle de nos élus, puisque selon M. Duchateau, cette opération est parfaitement neutre et indolore pour les Palois. Un magicien..
Bien entendu, ces moyens nouveaux allaient permettre d’étendre le modeste réseau de transports de la STAP rebaptisé IDELIS à d’autres communes ou communautés de communes environnantes qui s’y virent d’autant plus favorables que généralement constitués de secteurs résidentiels, leur contribution à la VT était de toute façon fort modeste . Et c’est ainsi que le réseau IDELIS fut étendu de manière spectaculaire, son offre de services progressant de 40 % environ. Et pour faire moderne venaient s’y greffer des services très attendus à Pau, comme l’ IDELIB ainsi que l’ IDECYCLE dont on peut mesurer aujourd’hui l’usage. Mais les moyens nouveaux ainsi dégagés se devaient, bien entendu, d’être dépensés, en études, conseils, refontes de réseau, déplacements d’abribus, redéfinition des lignes, formation, marketing et communication. Copieux, mais hélas pas sûr que les enquêtes, les questionnaires et les nouvelles définitions de style et d’emblèmes n’aient bénéficié qu’à des entreprises locales d’ailleurs. Pas sûr non plus que les noms IDELIS, TEMPORIS, PROXILIS, COROLIS, FLEXILIS ou COXITIS aient été entièrement imaginés par nos élus en charge du SMTU . Mais il y a des entreprises pour trouver des noms modernes aujourd’hui, c’est si simple. Il suffit de payer, puis de payer encore pour les protéger, c’est bien la moindre des choses.
Loin de moi l’idée, bien entendu, de contester l’importance et la qualité du travail effectué par les responsables de la STAP ou du SMTU pour étendre et améliorer un service public indispensable. Mais comment ne pas mettre ces résultats en face des énormes moyens supplémentaires qui ont été prélevés sur l’économie locale pour y parvenir ? Les informations publiées sont maigres mais néanmoins sont disponibles pour 2011. Etrangement en revanche, l’année 2012 ne semble pas exister encore ni chez IDELIS ni au SMTU, ni à la STAP.
En 2011 et par rapport à 2009, le réseau a été étendu de 39% et on a enregistré avec 11 753 000 voyages contre 8 378 000 en 2009 une progression de 40% du nombre de voyages, qui indique une bonne adéquation du réseau à une nouvelle demande. Il est précisé que sur ce volume, 1 536 000 tickets ont été oblitérés en progression de 86%, ce qui indique également une forte progression des utilisateurs occasionnels. Un bon point.
Mais la vérité force à dire que ces résultats ne sont pas tout à fait en ligne avec les objectifs qui étaient fixés. Et pire, que chacun des 3 375 000 voyages supplémentaires obtenus sur le nouveau grand réseau d’ IDELIS a coûté (12 millions d’ € /3 375 000) , soit 3,55 €, alors que dans l’ancienne STAP, chaque voyage coûtait à la collectivité environ 1,6 € après recettes de guichet. Au total, toutes collectes confondues, chaque voyage en bus a coûté aux entreprises paloises ou à leurs clients en 2011, 2.5€ soit un supplément de 0.9€ par déplacement. Pour 2012 , il ressort d’une communication faite auprès des associations d’usagers (voir ci-dessous) que la progression du trafic n’a été que de 5,5% contre 7,8% prévus au contrat. Pas très brillant. Quant à 2013, rien de bien nouveau ou bien ?
Côté charges, la STAP s’est bien entendue gréée pour faire face à ce surcroît d’activité richement subventionné. Les effectifs ont été portés à 309 agents contre 290 budgétés et la masse salariale a été généreusement augmentée de 7,9% afin d’assurer la paix sociale dans un milieu fortement syndicalisé et prompt au double débrayage. Le plan Service Minimum reste en revanche semble-t-il en attente et en cours de concertation. Rien ne presse.
Mais tout reste à faire cependant. Car si la pompe à « phynances » amorcée par nos élus a bien été mise en route avec ardeur, il ne faut plus tarder à lui donner sa contrepartie avant 2015, sauf à risquer de l’arrêter brutalement et de mettre en péril ce fragile édifice. L’engagement en a été pris, il va falloir absolument construire une ligne de Transports en Commun en Site Propre (TCSP). Mais on nous explique que cette obligation qui résulte d’un engagement de nos élus, trouve aussi son soutien populaire attesté par un nombre toujours plus important de questions-réponses, de réunions de concertations, d’enquêtes utilisateurs, de mesure de la température ambiante au doigt mouillé et de plein d’autres sessions savantes et explicatives. Mais sans le support d’aucun rapport financier argumenté.
La phase de concertation et d’information obligatoire, dont on peut mesurer l’importance sur un rapport ad hoc ci-dessous nous donne aussi une bonne indication de son coût face à son très maigre résultat. Elle est cependant considérée par nos élus comme une « mobilisation relativement forte ». En tout 219 opinions dont 41% favorables, 18% contre et 41% hors sujet. Face à autant d’indifférence devant un projet considéré par tous les Palois comme acté et préemballé, il ne reste donc plus qu’à avancer d’un cran et de passer au gros morceau, la construction pour 65 millions d’ € d’une magnifique saignée qui permettra à des chenilles articulées de progresser gaiement sur des boulevards dégagés de toute concurrence à 4 roues.
Mais entretemps, il y a aussi à passer, le cap des prochaines élections. De quoi attendre un peu tout en meublant l’espace et les fantasmes des Palois, de magnifiques images, affiches et vue d’artiste qui nous présentent pour demain, le visage apaisé de notre bonne ville de Pau, qui aurait été tellement fière d’avoir aussi son beau tramway, mais qui devra se contenter de son Bus-Tram, plutôt Bus que Tram.
(à suivre)
Sources
Résultats IDELIS 2011 : http://reseau-idelis.com/upload/presse/dp_resultats_2011.pdf
Résultats financiers STAP: http://www.societe.com/societe/ste-des-transports-de-l-agglomeration-paloise-318055043.html
Réunion DTU portant sur les résultats 2012: http://www.dut-pau.fr/archive/spip.php?article226
Bilan de la phase de concertation: http://www.smtu-ppp.fr/documents/Documents/01-BUS_TRAM/Documentation/PPP-BHNS-bilanConcertationV5-HD-16-10-2012.pdf
Site SMTU: http://www.smtu-ppp.fr/
Je ne pense pas que le rééquilibrage des modes de déplacements (au profit des TC, de la marche ou du vélo et donc au détriment de la voiture) soit aussi dogmatique que le sous-entend avec insistance votre article. Il arrive quand même que des techniciens (*), voire des politiques ainsi que des citoyens réfléchissent aussi.
La voiture sera toujours le moyen de transport majoritaire à l’horizon 2050 (ce qui est certainement un horizon incertain pour nous, j’en conviens, mais qui donne de la marge à l’usage de la voiture). La part de la voiture plus 2 roues, de l’ordre de 70% actuellement, sera réduite. Il sera certainement difficile de passer en dessous de 50% pour une ville moyenne et de densité faible comme Pau.
Il est également admis qu’au-delà d’un certain niveau d’investissement, la part de marché des transports collectifs ne progresse que très lentement. C’est ainsi que j’interprète les chiffres que vous présentez.
C’est pourquoi, dans le cadre du développement durable (cette notion, considérée d’ailleurs comme floue, évolue aussi et s’affine), l’offre de transport a été repensée dans sa globalité (*) :
– Niveau de service. Avec la mise en place de lignes principales (4 prévues pour Pau par exemple). Il y aura inévitablement une réduction du maillage avec des accès vers les lignes structurantes optimisés. Cela sera quand même délicat à faire passer aux usagers même si le coût en sera plus acceptable pour la collectivité.
– Amélioration des ruptures de charges.
– Tracé favorisant les polarités (cas du projet actuel) et réseau global, moins dense donc, en forme de toile d’araignée.
– Cohérence avec les polarités existantes et les projets urbains (ce qui semble le cas de la ligne BHNS projetée et qui devrait s’accorder avec le PLH).
Je pense que les villes qui sauront adapter ce type de schéma seront les plus attractives. Le problème de Pau (et de son agglomération) me semble être la taille et la densité de population, relativement faibles ; 3000 hab./km2 semble un seuil pour disposer de TC efficaces et financièrement moins lourds.
(*) La mobilité fait l’objet de nombreuses publications. L’Audap est certainement une très bonne entrée. Personnellement, je m’inspire du livre de Jean Haëntjens : La ville frugale ; FYP Editions, 2011.
Une autre possibilité plutôt que d’acheter ces grands bus qui seront quasi vides la plupart du temps, est de doubler les bus actuels si besoin aux périodes de pointe.
Avec du personnel qui aurait la fonction de chauffeur aux heures de pointe et une autre fonction aux périodes creuses.
J’ai travaillé dans une PME de 60 personnes où il y avait 3 chauffeurs. 1 à plein temps, 1 à mi-temps qui faisait de l’entretien (réellement) le reste du temps et un à 10-20% du temps, qui était ébéniste le reste du temps. Ca permettait une flexibilité nécessaire pour des livraisons irrégulières dans le temps.
On imagine les possibles revendications syndicales si cela était proposé chez Idélis…, mais sur le principe, je ne vois pas pourquoi cela sera impossible.
Un excellent feuilleton avant la rentrée !
Oscar, vous êtes intéressant quand vous allez déterrer des chiffres pour les analyser, quand vous essayez de décortiquer le fonctionnement des différents organismes, beaucoup moins quand vous en profitez pour nous resservir pour la énième fois vos marottes anti-socialos, anti-écolos, etc… marottes qui en plus n’apportent rien à votre propos de fond et même le desservent si vous voulez mon avis.
Bref, je trouve fort utiles les informations que vous êtes allé chercher et que vous nous donnez ici. Je me permets néanmoins de corriger certaines de vos conclusions :
Dans vos calculs il n’est pas correct de faire comme si l’augmentation du versement transport avait été affectée en totalité au budget de fonctionnement de la STAP, car ce n’est pas le cas. La majeure partie de cette augmentation est visiblement affectée à l’investissement pour le projet de BHNS. Certes au final cela reviendra au même, c’est toujours de l’argent utilisé au subventionnement des TC locaux. Mais si vous voulez compter la partie investissement, il est plus honnête de prendre comme base de calcul non pas le nombre de voyages actuels, mais le nombre de voyages anticipés quand le nouveau réseau sera en place.
Pour une fois que des élus raisonnent à 10-15 ans et pas uniquement à court terme on ne va pas leur reprocher. Je ne suis même pas certain que le projet soit surdimensionné pour le Pau actuel, mais en admettant qu’il le soit, il ne l’est pas sûrement pour le Pau de dans 10 ans. Un TC en site propre n’est pas un luxe pour une ville comme Pau. Ce qui est peut-être luxueux dans ce projet et qui alourdit sans doute considérablement son coût sans être une priorité, c’est le réaménagement urbain prévu sur la partie du cours Lyautey/av Dufau.
Et même avec cela le coût de l’ensemble parait exagéré. Mais c’est un fait que la plupart des élus aiment à annoncer des gros montants quand ils présentent un projet. Comme si un projet équivalent en fonctionnalité mais avec des prix tirés au plus rationnel (ce qui demande un travail à la fois des élus et des services techniques pour tirer ces prix) risquait de faire trop pauvre. La comm’, toujours…
Si vous voulez raisonner en termes consolidés et en incluant les investissements, la logique est de prendre comme base le nombre de voyages prévus à terme -quitte à le discuter- et non pas le nombre de voyages actuel. Une entreprise (même si ici cela n’en est pas une) qui décide de développer fortement et d’emprunter pour investir a toujours ponctuellement des dépenses en apparences déraisonnables par rapport à sa production du moment. Je ne vous apprend rien en disant cela j’imagine.
Concernant vos marottes, si elles me déplaisent ce n’est pas forcément pour les raisons que vous semblez croire. Ce genre d’article qui décortique le fonctionnement de nos institutions locales et des organismes qui gravitent autour peut intéresser toutes les personnes dotées d’un minimum de curiosité et intellectuellement honnêtes, au-delà des querelles partisanes. A quelques réserves près que j’ai exprimées, vous présentez avant tout des faits objectifs (parfois plus ou moins, mais on va dire plutôt plus que moins).
Enfin, jusqu’au moment ou boum-patatras le naturel revenant au galop vous ne pouvez vous retenir d’une petite saillie politico-politicienne. Dont le principal effet, outre le côté désagréable de l’amabilité lancée à la figure, est sans doute de renvoyer de l’autre côté du filet ceux que vous désignez ainsi comme vos adversaires, et de repartir dans une partie de ping-pong politicien stérile. Alors qu’après tout à la base ce sont eux que vous cherchez quelque part à convaincre, et pas un EP qui est sans doute acquis par avance à votre discours quoi que vous écriviez :-).
Après je me trompe peut-être complètement sur votre motivation, qui est peut-être simplement de « remettre des couches » comme vous dîtes. Plus amusant, mais aussi nettement plus puéril.
ou est passé l’article fantôme???
en ces période de négociations de l’age de la retraite, pourquoi la gratuité seulement a 65 ans??, et pas a 60 age légal non modifié, cela ferait des vieux en plus dans les bus et en moins en balade en ville, en voiture
Ce qui compte, pour MLC est de poser devant un « grand projet » pour son image, peu importe si celui-ci est pour moitié inapproprié. Le reste de la troupe est simplement constituée de mangeurs de soupe, dont la gamelle est plus ou moins grande.
Faire de « grandes choses » pour impressionner l’électeur et aussi se faire plaisir-flatter son ego. Il est de même pour la médiathèque géante de YU ou pour le projet de grand auditorium de FB (ce dernier frôlant tout de même les 100% d’inutilité compte tenu du Zénith et de la salle de spectacle du palais Beaumont).
Je dis « grand projet »: par les grands bus articulés qui vont circuler et un terrassement spécial pour cela et par les fioritures autour de cette ligne. Les bus actuels sont-ils suffisamment remplis pour qu’il faille passer à la gamme supérieure ? Pas de ce que j’ai observé.
Petit projet pour ce qui est réellement utile: le parking relais et des réfections de chaussée de base qu’il aurait fallu faire de toutes manières.
Article documenté et intéressant.
Juste un détail de forme: ne pas donner l’impression de railler les notions de « développement durable » et de « lutte contre le réchauffement climatique ». La nécessité de cela est prouvé. C’est la manière dont en usent nos édiles qui est en cause.