Béarn-Bigorre: le point de vue de Gérard Trémège
Gérard Trémège, président du Grand Tarbes, tire la sonnette d’alarme à propos de « l’exigence impérative qu’ont les Béarnais et les Bigourdans à travailler ensemble, sous peine de déclin, pris en tenaille, comme nous le sommes, entre l’attractivité de la métropole toulousaine, l’attractivité de la métropole bordelaise et l’attractivité du Pays Basque. Au milieu, dans ce triangle, si nous ne faisons rien, cela va devenir un désert. »
Pragmatique, il en appelle à la mise en place d’une « Agence de Développement Economique », commune au Béarn et à la Bigorre, chargée de créer les conditions d’un développement économique harmonieux de notre région et d’en assurer le « marketing territorial ».
La proposition est faite aux grands décideurs, les présidents des communautés d’agglomération de Pau et Tarbes, ceux des conseils généraux des Hautes-Pyrénées et des Pyrénées-Atlantiques et ceux des CCI de Pau et de Tarbes. Y feront-ils écho ?
A@P – Force est de constater que pour le Béarn et la Bigorre, les liaisons aériennes, la politique hospitalière, l’arrivée de l’A65, les grands clubs sportifs, les parcs d’exposition, c’est toujours du chacun pour soi. Ces deux territoires sont-ils si différents que cela pour ne pas pouvoir travailler ensemble ?
Gérard Trémège – Oui, le Béarn et la Bigorre sont différents, mais ce n’est pas parce que nous sommes différents que nous ne pouvons pas travailler ensemble. Ces deux territoires sont différents parce qu’ils ne sont pas dans la même région administrative ; l’un est en Aquitaine, l’autre en Midi-Pyrénées.
Au niveau des hommes, les caractères ne sont pas non plus les mêmes. Pour s’en convaincre, il suffit d’assister à un match de rugby entre la Section Paloise et le Tarbes-Pyrénées-Rugby. Tous ont des caractères forts et c’est bien quand ceux-ci peuvent être ajoutés plutôt qu’opposés.
A@P – Quels sont les obstacles infranchissables dans la constitution d’une communauté d’intérêts entre nos deux territoires ?
Gérard Trémège – Le premier obstacle, déjà évoqué, est qu’ils sont dans deux régions différentes alors que nous avons une communauté économique qui est une évidence. Nous sommes, Béarnais et Bigourdans, face aux Pyrénées. Nous avons l’entité « Pays de l’Adour » qui nous réunit et avons l’exigence impérative de travailler ensemble sous peine de déclin, pris en tenaille, comme nous le sommes, entre l’attractivité de la métropole toulousaine, l’attractivité de la métropole bordelaise et l’attractivité du Pays Basque. Au milieu, dans ce triangle, si nous ne faisons rien, cela va devenir un désert.
A@P – Vous parlez d’activité économique évidente entre nos territoires. Peut-on la quantifier ?
Gérard Trémège – Je tiens d’abord à dire que ce ne sont pas les élus qui peuvent imposer des collaborations aux entreprises. Il est possible, par contre, de les favoriser comme nous le faisons au sein du « Bureau de Développement Economique des Pays de l’Adour » (BDE) que j’ai l’honneur de présider depuis 5 ans. Le BDE gère un fonds de 15 millions d’euros pour aider au développement et à la création d’entreprises. Nous y travaillons, main dans la main, Béarn, Pays Basque, Bigorre, pour le développement des entreprises de nos territoires respectifs et chaque fois que nous le pouvons, nous faisons se rencontrer les décideurs quand c’est possible, voire nécessaire. Mais, ce sont les entrepreneurs qui décident. Pas les élus.
Les élus ont une responsabilité, pour qu’il puisse y avoir un développement harmonieux et cohérent de l’économie territoriale, en faisant en sorte de favoriser les voies de communication, le « marketing territorial », les désertes aériennes, la collaboration entre les chambres consulaires, la fiscalité etc.
A@P – N’est-ce pas le simple fait que la Bigorre et le Béarn n’ont ni région, ni département, ni intercommunalité en commun qui crée l’absence de stratégie commune entre les deux territoires ? Les politiques Bigourdans et Béarnais ne se parlant pas, quel type de cadre formel et pérenne pourrait amener la Bigorre et Béarn à réfléchir ensemble au futur de notre territoire ?
Gérard Trémège – Je propose la mise en place d’une « Agence de Développement Economique » commune avec des compétences qui iraient porter nos territoires respectifs, ce que j’appelle le « marketing territorial ». Ceci étant dit, je ne suis pas sûr que nous soyons encore prêts, c’est pourquoi j’ai évoqué les collaborations entre les Chambres consulaires, les Communautés d’Agglomération dont les compétences en matière de développement économique sont importantes.
Si demain la Communauté d’Agglomération de Pau et celle du Grand Tarbes, avec les chambres consulaires, avec l’accord des comités de développement économiques des deux départements, décidaient de créer, sur le territoire Béarn-Bigorre, une « Agence de Développement Economique », ce serait alors un pas énorme.
A@P – Jean-Paul Matteï parle d’un « Conseil Economique et Social » qui regrouperait des élus, des associations, des entrepreneurs, des syndicalistes…
Gérard Trémège – Il rejoint ce que je viens de dire, sauf que je le limite à une « Agence de Développement Economique » qui, par nature, est opérationnelle. Un « Conseil Economique et Social » commun est une structure de réflexion, à mon avis non-opérationnelle.
Des structures de réflexion, il y a belle lurette qu’il en a été créés. Un exemple : au milieu des années 80, le réseau de ville Tarbes-Lourdes-Pau : résultat néant. En 2003/2004, signature d’un accord entre André Labarrère et Jean Glavany au titre des deux agglomérations : résultat néant.
C’est bien joli de créer des « comités théodule » de réflexion… moi, je préfère favoriser les structures opérationnelles.
A@P – Quelle initiative seriez-vous prêt à prendre pour conduire la Bigorre et le Béarn à travailler ensemble ?
Gérard Trémège – Déjà, en tant que Président du BDE depuis 5 ans, j’ai démontré à tout le monde, y compris ceux qui peuvent avoir des divergences dans d’autres domaines, que nous pouvions développer ensemble nos territoires respectifs. Aujourd’hui, au BDE, toutes les décisions se prennent quasiment à l’unanimité. Nous y démontrons dans l’opérationnel que nous sommes capables de travailler ensemble dans l’intérêt de l’économie de nos territoires. Il ne s’agit là pas de réflexion.
Ce n’est pas au BDE de s’engager dans la direction de l’ »Agence de Développement Economique » commune Béarn-Bigorre. Je lance l’idée en tant que Président du Grand-Tarbes. Ceux qui ont la clef, ce sont les grands décideurs : les Présidents des deux Communautés d’Agglomération, les Présidents des deux Conseils Généraux ainsi que les Présidents des deux chambres consulaires.
A@P – Comment évaluez-vous le combat pour la desserte directe du Béarn et de la Bigorre par LVG ?
Gérard Trémège – C’est déjà un combat que nous menons ensemble depuis de longs mois. Nous sommes en totale harmonie avec les élus du Béarn et notamment avec Madame la Députée-Maire de Pau. Nous avons organisé des conférences de presse et des réunions ensemble. Nous défendons le projet auprès du gouvernement et, à cet égard, nous sommes irréprochables. Le problème, c’est qu’en face, nous n’avons pas d’échos. Nous n’avons pas de réponse claire et précise, ni du gouvernement actuel comme du précédent.
A@P – A Pau, beaucoup de monde cite le renouveau de Tarbes. M. Glavany n’est pas d’accord…
Gérard Trémège – Les palois sont des gens sérieux et avisés. Si M. Glavany était plus présent à Tarbes, il verrait ce qu’il s’y passe. Ce n’est pas bien de faire de la « politique politicienne ». Il y a des réalités qui s’imposent, y compris aux gens de mauvaise foi…
Tarbes allait très mal. Au cours des 30 ou 40 dernières années, nous avions perdu 6 à 7.000 emplois industriels et 9.000 habitants. Nous avons beaucoup donné à la déprise industrielle. Nous étions tellement bas que tout ne pouvait que remonter.
Depuis une dizaine d’années, nous avons insufflé une nouvelle dynamique qui se traduit d’abord dans le renouveau de l’image de la ville. Tarbes est devenu une ville agréable, dynamique, belle. 400 façades ont été refaites dans la ville. Elle a été classée par le Journal l’Equipe 3ème Ville Sportive de France et par le site Internet « changerdeville.com » 2ème Ville où il fait le mieux vivre.
Nous avons été la deuxième ou troisième ville de France en 2003 à nous inscrire dans les opérations de rénovations urbaines du « Plan Borloo ». Cela nous a permis d’investir 120 millions d’euros dans les quartiers difficiles où ont été démolis 720 logements. Tout cela a été reconstruit. Les stades, les gymnases de ces quartiers ont été refaits ce qui a permis d’en changer l’image. Cela dit, il faut être honnête, malgré les opérations de rénovation de l’habitat, nous n’avons pu résorber qu’un tiers de l’habitat disponible et souvent insalubre du centre-ville. Il reste encore du travail à faire…
Nous avons aussi racheté le site industriel de GIAT industries, un site d’une trentaine d’hectares. J’aurais bien pu ne pas m’y intéresser ! Cela est devenu un nouveau quartier dans le centre-ville, très attractif. Des entreprises s’y sont installées avec 400 emplois sur place, aujourd’hui des structures municipales, des infrastructures de loisirs (cinéma, bowling), des infrastructures sportives. Au final, plus de 200 millions d’euros ont été investis en dehors de l’opération de rénovation urbaine évoquée précédemment. Tout cela a changé la ville.
Par ailleurs, la communauté d’agglomération du Grand Tarbes, s’est engagée dans la création de zones d’activités. Un exemple, la zone d’Ibos, à la sortie Ouest de l’autoroute en venant de Pau, s’est densifiée en 4 ans. Aujourd’hui une quarantaine d’entreprises s’y est installée et 600 personnes y travaillent.
Les projets de la ville de Pau sont très ambitieux. Souhaitons que les financements seront trouvés. Des acquisitions immobilières sont prévues. De notre côté, nous préférons accompagner d’une façon très significative les propriétaires d’immeubles plutôt que de les racheter. Nous accordons des subventions, dans le cas des OPH ou de l’OPHRU, qui peuvent aller jusqu’à 70% dans la rénovation des logements. Ce qui est énorme.
A@P – Auriez-vous un message supplémentaire à adresser aux lecteurs principalement Béarnais, mais aussi Bigourdans qui nous lisent ?
Gérard Trémège – Les temps sont difficiles. Il faut être réaliste. La crise frappe tout le monde. Beaucoup se sont enfin aperçu de cette crise, essentiellement européenne qui frappe la France. Nous sommes en difficulté. Pour autant, les collectivités sont les moteurs du développement de l’économie locale. C’est pour cela que nous nous engageons délibérément dans l’investissement pour donner du travail aux entreprises locales, préserver l’emploi et faire en sorte de garder confiance dans l’avenir. Nous devons aussi stopper les querelles de « politique politicienne » stériles qui décrédibilisent ceux qui les portent et au contraire nous donner la main, en ces périodes difficiles, pour nous en sortir de la meilleure façon.
Quant à la collaboration Béarn-Bigorre, j’y crois mais il ne faut pas que je sois le seul à y croire. Je fais une proposition importante, j’espère qu’il y aura un écho.
– propos recueillis par Bernard Boutin
le 28 janvier 2013