Béarn-Bigorre: le point de vue de Georges Labazée
Pour Georges Labazée, Président du CG 64, il ne faut pas dire que le Béarn et la Bigorre ne travaillent pas ensemble. Si cela a été le cas dans le passé, « les relations entre les deux conseils se sont accélérées ces derniers temps ». Une bonne nouvelle due à des présidences de même bord au Conseil Général 64 et 65 mais aussi à « la volonté des hommes ». Pour ce qui est de mettre en place une sorte de « maison commune », il est trop tôt. « Tout cela peut cheminer… » Quant à s’inquiéter d’un éventuel retour en arrière sur les coopérations, dans l’hypothèse où les majorités ne seraient plus les mêmes lors de prochaines élections de conseillers « départementaux », il n’y aurait rien à craindre puisque les projets lancés ne pourront que continuer à suivre leurs cours. Béarn-Bigorre avance lentement.
A@P – Pour beaucoup les liaisons aériennes, la politique hospitalière, l’arrivée de l’A65, les grands clubs sportifs, les parcs d’expositions, la valorisation touristique des Pyrénées, c’est toujours du chacun pour soi entre Bigorre et Béarn. Comment faire pour enfin avancer ensemble ?
Georges Labazée – Pourtant dans les années 70 et 80, la DATAR dans ses schémas d’organisation du territoire avait pris en considération le triangle Pau-Tarbes-Lourdes. C’était des politiques auxquelles le député-maire de Pau, André Labarrère, avait adhéré et sur lesquelles nous pensions que nous allions progresser. Cela ne s’est pas fait.
Aujourd’hui, nous nous retrouvons dans le cadre du « Bureau de Développement Economique du Bassin de l’Adour » que préside le Maire de Tarbes et auquel je participe en tant que président du Conseil Général des Pyrénées-Atlantiques. Nous l’avons fait évoluer au bénéfice de nos entreprises.
Les deux conseils généraux du 64 et du 65 se voient régulièrement tous les 2 ou 3 mois, ce qui n’était pas le cas auparavant. Il s’agit de faire avancer des projets qui s’appuient sur un certain nombre de réalités si l’on veut ensuite pouvoir construire. Il y a le développement de stratégies pour les deux aéroports autour d’un produit « Pyrénées » qui consistera à faire venir sur nos stations pyrénéennes de nouvelles clientèles, notamment en Hiver, en utilisant des modes de transport comme les low-costs.
Nous nous rencontrons aussi autour des problèmes de déchets. Nous essayons d’unir nos forces sur ce sujet qui est une préoccupation pour tous. De notre côté, sur la partie Est du département, il faudra trouver une alternative au centre de Précillon en 2014/2015. Les déchets, tout le monde en produit et personne n’en veut chez soi. Nous sommes dans des territoires où l’individualisme est de plus en plus fort.
A@P – Il faut donc qu’il y ait des présidences de même bord au Conseil Général 64 et 65 pour travailler ensemble. C’est inquiétant pour la relation entre Béarn-Bigorre. Cela nous met à la merci d’élections. Ne faut-il pas essayer de formaliser les relations entre les deux territoires ?
Georges Labazée – C’est vrai que les relations entre les deux conseils généraux se sont accélérées ces derniers temps. D’autres exemples de collaboration : le laboratoire des Pyrénées à Lagor fait l’objet d’un rapprochement important avec le laboratoire des Hautes-Pyrénées – il y a 200 salariés – mais aussi bientôt avec celui des Landes. Le président Emmanuelli vient de donner son accord. Il s’agit de se battre pour maintenir un laboratoire de caractère public contre les grands laboratoires privés. Le futur centre de métallurgie que l’on réalise avec l’Ecole Nationale de Tarbes, avec le centre de formation de Turboméca et Aéropolis et aussi avec les dispositifs sur Bayonne.
A partir du moment, où ces travaux sur les déchets, le laboratoire, les synergies entre aéroports, le centre de métallurgie seront ancrés dans nos territoires, quelles que soient les majorités, on n’ira pas défaire cela ! Des majorités différentes futures ne remettront jamais en cause les coopérations mises en place. Les bases seront là.
A@P – C’est donc une chance pour notre territoire d’avoir la même majorité politique de part et d’autre…
Georges Labazée – C’est aussi un problème de volonté politique. Rien n’empêchait mes prédécesseurs d’avoir ce type de rapprochement. Il faut savoir leur donner du contenu ensuite.
A@P – Le Président du Grand Tarbes en appelle à la création d’une « Agence de Développement Economique Béarn-Bigorre » pour ensemble travailler sur les conditions du développement économique des deux régions et de ce qu’il appelle son « marketing territorial ». Est-ce là la solution pour approfondir les relations entre les deux territoires ?
Georges Labazée – Une fois que nous avons posé tous ces actes, effectivement. Le Président Trémège souhaite aller plus loin que l’outil BDE (Bureau de Développement Economique du Bassin de l’Adour) qui fonctionne et qui fonctionne bien. Tout cela peut cheminer…
A@P – Pour la desserte directe de Pau et Tarbes par LGV, il est loin d’y avoir consensus. Orthez est contre et Lourdes vient de rejoindre le bloc des opposants. Ne manque-t-il pas pour le Béarn et la Bigorre une assemblée où les décideurs travaillent sur le fond plutôt que par communiqué de presse interposés ? On sait bien que RFF n’attend que la zizanie dans les territoires pour passer à d’autres projets…
Georges Labazée – D’abord, il faut gagner Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Espagne. C’est l’enjeu actuel. Je me bats en ce moment à Paris sur ce sujet. Il y a des traités à respecter car les Espagnols seront à la frontière en 2017. Une fois que Bordeaux- Tours sera achevé en 2018, nous pourrons repartir sur Bordeaux-Espagne si les montages financiers sont faits.
Ces étapes passées, l’accroche du barreau Mont-de-Marsan-Pau-Tarbes sera soumise, selon la loi, à débat public. J’ai discuté longuement, avec M. Duron, député du Calvados et président de la commission sur le schéma national des infrastructures de transport (SNIT), pour emporter la décision. Nous ne sommes pas seuls en France avec Brest-Rennes, Lyon-Turin, Montpellier-Perpignan. L’Etat attend la décision de la commission Duron sur le SNIT Bordeaux-Espagne et Bordeaux-Toulouse pour lancer le débat public pour la desserte Pau-Tarbes.
Une fois l’étape Bordeaux-Espagne et Bordeaux-Toulouse gagnée, la deuxième étape sera bien sur la liaison vers le Béarn et la Bigorre. A ce moment-là, on regardera quelles sont les différentes options. A quoi bon le faire maintenant alors que la première bataille n’est pas gagnée !
Il n’y a pas de zizanie dans les territoires sinon nous n’aurions pas été 10 ou 12 à signer la lettre commune (ndlr : il s’agit d’une demande à être auditionnés par la Commission d’évaluation du Schéma national des infrastructures de transport). Je rajoute que nous sommes l’un des seuls départements au Sud de la France à payer pour Tours-Bordeaux : 100 millions d’euros pour rentrer dans le dispositif. Si l’on veut la desserte de Pau et Tarbes, il faut d’abord Bordeaux-Espagne. Prenons les choses dans l’ordre et soyons pragmatiques.
Pour ce qui est de Lourdes, la ville fait partie d’un tout. Comme la liaison à grande vitesse sur Tarbes-Lourdes ne se fera pas depuis Toulouse, elle viendra depuis Bordeaux. Cela se fera en son temps et vous ne serez plus à ce moment-là à Alternatives Paloises et moi à cette place…
– propos recueillis par Bernard Boutin