Pyrénées – Record absolu de hauteur des précipitations

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lespyreneesInstallé à Bagnères de Bigorre depuis 1981, Jean-Sébastien Gion a démarré ses relevés météo dès 1982 ce qui fait qu’aujourd’hui, il dispose de 31 années de données : exactement le laps de temps indispensable pour établir une moyenne trentenaire, la seule fiable pour refléter fidèlement la climatologie d’ une station et de son environnement.Janvier 2013 vient de battre tous les records avec un cumul de pluie de 323 mm. (1 mm. = 1 litre d’eau par m2 ) soit 28 % des précipitations moyennes d’une année ! (Météo France a relevé 258 mm. à Tarbes/Ossun, un record depuis 1946). La valeur plus élevée chez nous s’explique par l’ effet du relief.
 Sur les 323 mm., 88 % (284 mm.) sont tombés en 14 jours à peine, entre le 14 et le 28, seul le Vendredi 25 Janvier a vu du beau temps avec des Pyrénées majestueuses !

Record donc de précipitations qui place Janvier en tête de tous les mois (depuis 1982 pour mes relevés) :

– 1er Janvier 2013 : 323 mm.
– 2ème Octobre 1992 : 317 mm.
– 3ème Avril 1994 : 304 mm.
– 4ème Avril 1989 : 273 mm.
– 5ème Janvier 1988 : 267 mm. (mais assez peu de neige car température douce)Février 2013 (du 1er au 13) : Au 13 Février au matin, la moyenne du mois (88 mm.) est déjà pulvérisée avec un total de 173 mm (le double de la moyenne en 13 jours !) : 45 mm. le 02, 51 mm les 04 et 05 Février et 77 mm entre le 08 et le 13.Total Janvier et Février : 496 mm. soit 43 % de la moyenne annuelle en 44 jours seulement !, 3,5 fois plus que d’habitude. Pas étonnant que les aquifères se rechargent et que les lacs collinaires se remplissent !Les hauteurs de neiges
Sans rentrer dans les détails qui demanderaient pas mal d’explications, à partir de la valeur des précipitations sous forme de pluie et de la température qu’il fait à un lieu donné, il est possible d’estimer assez précisément les hauteurs de neige qui vont s’accumuler en montagne, aux différentes altitudes
La température s’abaissant avec la montée en altitude (- 0,56 / 100 m.) la neige devient de moins en moins dense, plus aérée et le manteau devient donc plus épais. Si l’on prend l’exemple où il tombe 10 mm. de pluie franche à 500 m. d’altitude avec une température de + 3,0°, et si un automobiliste décide de monter à La Mongie il observera ceci :
– De la pluie dite « grasse »(fin de fonte des flocons) à Bagnères de Bigorre (550 m., T° : +2,7°) :
– Un saupoudrage de neige humide qui commence à tenir sur l’herbe à Arrimoula (750 m., T° : + 1,5°)
– Puis très vite : 2, 3, 4 cm. mais ne tenant pas sur la route.
– 8 cm de neige commençant à tenir sur la route vers la Chapelle St Michel, Gripp (1000 m., T° : 0°)
– 10 cm de neige fraîche et sèche entre Gripp et Artigues (1100 m., T° : – 0,6°)
– Et jusqu’à 14 à 15 cm. à La Mongie vers le « Pont de neige » (1840 m., T° : – 5°)Ce phénomène physique est réglé comme du papier à musique mais il est toujours extraordinaire de remarquer que, lorsque l’on se situe à cette limite « pluie-neige », un ou deux petits degrés en moins changent absolument tout !
C’est d’ailleurs ce qui s’est souvent passé en Janvier à Bagnères où les précipitations se faisaient à température tournant souvent autour de + 2° à + 2,5°, (tantôt pluie « grasse », tantôt neige très humide) et il suffisait de grimper de 100 ou 150 m. pour voir la neige tenir sur la végétation et voir tout tomber sous forme de neige à Ste Marie de Campan.
A ce propos, il est intéressant de remarquer qu’ il aurait suffit que la température ait été plus basse d’un seul tout petit degré, les 14 et 15 Janvier, pour qu’il se dépose 0,70 m. de neige à Bagnères, exactement comme en Janvier 1986 : 0,70 m. à Bagnères les 30, 31 Janvier et 1er Février, 1,50 m. à Gripp, à La Séoube… !
En tenant compte donc de la densité de la neige en fonction de la température on peut estimer que :
– les 323 mm. d’eau de Janvier ont produit une hauteur de neige de 3,90 m. à 1800 m. (station de La Mongie, vers le « Pont de neige »)
– les 173 mm. de Février : 2,10 m. de neige.Soit un cumul de 6,00 m. !Mais cela ne veut pas dire qu’au 08 Février on marchait sur un manteau de 5,20 m d’épaisseur comme pourraient le faire croire les chiffres annoncés par Cauterets* (5,80 m.). La neige évolue avec le temps, avec les nouvelles couches qui s’ajoutent ; elle se tasse en se densifiant et sa hauteur se retrouve plus ou moins rapidement divisée par deux dans un premier temps. Au 08 Février, on peut estimer que l’épaisseur du manteau a dû se réduire à 3 m. ou 2,50 m. ce qui est une épaisseur fort estimable.* Il faut toujours être critique par rapport aux chiffres que l’on nous annonce :
Qui a fait le relevé ? Comment ? Où ? Quelle altitude ? Les mesures ont-elles bien été prises sur des zones hors d’influence du vent ? S’agit t’il de cumul de neige ? Hauteur ou épaisseur ? car si sur une surface horizontale, les deux mesures se confondent, sur une pente, la hauteur de neige se prend verticalement alors que l’épaisseur se mesure perpendiculairement à la pente et donc la valeur « hauteur de neige » donnera une mesure plus élevée, exagérée par rapport à la réalité.En cumul, des Pyrénées atlantiques à l’Ariège, à altitude égale, il est tombé à peu près partout la même quantité de neige. Cauterets n’est pas la seule et j’espère qu’ils plaisantent avec leur record du Monde !L’ Hiver 2012-2013 (Décembre 2012, Janvier et du 1er au 13 Février 2013) : Avec Décembre 2012 (1, 40 m. de neige) le cumul de neige représente 7,40 m. à 1800 m. d’altitude. Alors que nous n’en sommes qu’au 13 Février ! L’ hiver 2013 prend évidemment la tête des 31 derniers hivers :
Classement par le cumul des précipitations (Décembre-Janvier-Février), 1800 m.
1er 2013 : 7,40 m. (au 13 Février)
2ème 2009 : 5,70 m.
3ème 1996 : 5,65 m.
4ème 2003 : 5,20 m.
5ème 1984 : 5,00 m.
6ème 2010 et 1995 : 4,70 m.
Classement par la qualité des précipitations (facteur température). Décembre-Janvier-Février. 1800 m.
Il n’est pas nécessaire de disposer d’un cumul de 5 ou 6 m. de neige pour avoir une saison de ski réussie. Un excès peut même être préjudiciable aux stations, comme en ce moment : difficultés d’accès, problème de sécurisation, inconfort sur les pistes avec les mauvaises conditions (vent, froid, visibilité)
. A preuve ce classement (remarquez 2006 et 2010) à partir d’un indice que j’ai élaboré et qui intègre, et les hauteurs de neige, et les températures.
(Point de repère : pour la période Décembre-Janvier-Février, à 1800 m., la hauteur moyenne de neige cumulée est de 4,00 m. et la température moyenne de – 1,4°)
1er : 2013 6,50 m. – 2,0° (mais problématique pour le ski)
2ème : 2009 5,70 m. – 3,1°
3ème : 2006 3,85 m. – 4,6°
4ème : 2010 4,70 m. – 3,3°
5ème : 1986 5,30 m. – 1,6°
6ème : 1996 5,30 m. – 1,1°
7ème : 2003 5,20 m. – 1,5°
• à noter la superbe 3ème place de l’hiver 2006 qui ne présente qu’un cumul de 3,85 m. de neige mais avec une moyenne de température très basse pour les trois mois considérés
• à noter également que les quatre premières places sont tenues par les hivers récents de ces 7 dernières années mais on oublie tellement vite !
Les problèmes qui nous attendent
Déjà les conditions de circulation sont très difficiles, de nombreuses coulées et avalanches se sont produites mais la suite risque d’être problématique car, pour le moment, en intégrant Décembre 2012 et en tenant compte de ce qui a déjà pu fondre (redoux du 26 au 28 Janvier), nous devons avoir quelque chose comme 350 ou 400 mm. d’eau (le 1/3 d’une année) bloquée sous forme de neige en montagne, c’est énorme et l’hiver n’est pas fini ! De plus, il peut très bien largement neigé, encore au mois d’Avril et au mois de Mai.
Si un redoux se produit par un vent à effet de foehn par exemple (vent du Sud, vent d’Espagne, Balaguère) il y aura une belle crue de nos cours d’eau. Tout dépendra de l’évolution des températures.
Le pire scénario serait un redoux accompagné de fortes précipitations comme on peut en voir en Avril ou en Mai. Les crues seraient alors très fortes. Pourrait t’on revoir les inondations du 23 Juin 1875 qui avaient été prévues par le Général de Nansouty et qui avaient affecté le Sud-Ouest à la suite de la fonte des neiges de l’hiver 1874-1875 et des précipitations du printemps ?



L’extraordinaire récit du Général de Nansouty donne une idée de la grande quantité de neige qui s’était déposée entre mi-Novembre et mi-Décembre 1874 :
Dès le 15 Novembre 1874 il y avait 4 m. d’épaisseur de neige apportée par le vent contre la façade Nord de la station Plantade (2378 m.). Du 09 au 13 Décembre : tempête de neige, véritable ouragan… la fenêtre de la station est défoncée le 11 à 23 h. puis la porte le 12 à 6 h. du matin. Il fait – 18° à l’intérieur !
Accalmie le 14 Décembre, le Général de Nansouty décide alors d’abandonner la station avec ses compagnons Brau et Baylac et suivi de son fidèle chien « Mira » ;
– Départ de Sencours le 14 Décembre à 8 h.45., « Brau ouvrait le passage avec sa poitrine, ses mains et ses genoux… » ;
– « La Roche Fendue » (Cabane de Pène Blanque » ?) à 11 h., « elle ne dépassait la neige que de 0,30 m. environ. »
– arrivé au fond du vallon d’Arize : « La neige nouvelle, sondée au moyen de mon bâton gradué, mesurait 1,80 m. à 2,20 m…. » ;
– au « Pont-de-Bois (Pont des Vaquès ?) à 15 h.,
– A Tramezaygues à 16 h.30 (cabane du sieur Brune, qui est fermée),
– A 20h15 sur le bord de route recouvert par 1,20 m. de neige ; 1 km. avant Gripp, par endroit « il fallut marcher dans la neige jusqu’au cou… » .
– Arrivée à l’Hotellerie du sieur Brau-Nogué à Gripp le 15 Décembre à 1 h. du matin !
« Nous pensions atteindre facilement Gripp en six ou huit heures ; en marchant lentement, ce même trajet peut être fait, en été, en trois heures : nous en mîmes seize »

(Lettre datée du 17 Décembre 1874 du Général de Nansouty à Mr Frossard, président de la société Ramond).

– par Jean-Sébastien Gion
le 13 février 2013


Barèges 1986

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