Max Moreau

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130410 Max MoreauMax Moreau observe l’économie française et mondiale depuis de longues années. Pour l’économiste-écrivain, l’affaire « Cahuzac », avec toutes ses ramifications, n’est que la pointe de l’iceberg d’un mal profond et ancien. Plus que jamais, il en appelle à combattre la corruption, sous toutes ses formes. Mais, surtout pas dans l’improvisation et la précipitation… 

A@P – Beaucoup ont le sentiment que l’affaire Cahuzac n’est que la pointe de l’iceberg. Transparency International classe la France 22è loin derrière les pays scandinaves, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande dans son indice de corruption. La transparence ne devrait-elle pas être inscrite dans le marbre de la constitution ?
Max Moreau – Les politiques s’emparent du problème de la lutte contre la corruption sous la menace de cette affaire Cahuzac mais ils n’y ont jamais réfléchi avant.
Je vous signale qu’en 1996, j’ai écrit « L’Embauchoir » où on trouve un long chapitre sur les effets pervers de la corruption sur la compétitivité. J’y explique le « harcèlement corrupteur », le « cycle de l’enrichissement canaille » et les problèmes de déontologie politique. Cela n’intéressait personne à l’époque. En 2011, j’ai étudié plus à fond le sujet, dans une réédition*, en donnant des solutions aux problèmes de conflits d’intérêt, de la corruption, des paradis fiscaux…

A@P – Par quelles premières mesures le Président de la République peut-il moraliser la vie politique de notre pays ?
Max Moreau – Le Président Hollande fait comme ses prédécesseurs. Il agit sous la contrainte avec tous les effets pervers des décisions prises dans la précipitation. Quelle que soit l’idéologie proposée, le résultat est toujours mauvais.
On annonce des mesures concernant la publication du patrimoine des élus ainsi que des dispositions concernant la déontologie. Mise en place dans la précipitation, elles n’auront pas l’effet escompté.

A@P – Une sixième République est-elle une réponse à la moralisation de la vie politique en France ?
Max Moreau – Je n’ai pas la compétence pour répondre à cette question. Si, les gouvernements quels qu’ils soient avaient fait leur travail, nous n’aurions pas de problème de déontologie, de chasse aux paradis fiscaux parce qu’on aurait trouvé des solutions. Sur la corruption, droite ou gauche n’ont pratiquement rien fait. Au contraire, on s’est protégé parce que les gouvernants ont dans leurs rangs des corrupteurs qui sont des corruptibles. Il n’est donc pas question d’engager des réformes sur ces plans là de façon à ne pas gêner certains collègues.

A@P – Mais alors, qui pour changer le fonctionnement de nos institutions si les politiques ne veulent pas le faire ?
Max Moreau – J’ai proposé la constitution d’un pool d’économistes et de scientifiques qui travaillent ensemble de façon à proposer à l’Etat, je ne dis pas au gouvernement, la mise en place d’une économie avec des objectifs à long-terme et des axes de fonctionnement de façon à ce qu’à chaque alternance politique on ne remette pas tout en question. Il s’agit de mettre en place une ligne directrice invariable.
A l’heure actuelle, il n’y a plus de confiance parce qu’il n’y a plus de perspective à long terme. Tout est remis constamment en cause : la fiscalité, le juridique…

A@P – Une fois les propositions faites par ce « pool » composé de membres issus de la société civile, qu’est-ce qui contraindra nos gouvernants à transformer le fonctionnement de nos institutions ?
Max Moreau – Sous la pression de l’opinion public, avec toutes les affaires qui sortent, les gouvernants et l’opposition vont être mis dans l’obligation de se bouger s’il ne veulent pas « se faire bouger ».

A@P – On va tous se retrouver dans la rue…
Max Moreau – Ce n’est pas la bonne solution. Je préfère la réflexion à l’agitation.

A@P – Revenons à la transparence. M. Cahuzac était membre de la Franc-Maçonnerie. Cette structure dite philosophique, vise avant tout à prôner l’entraide de ses membres. Elle est très présente parmi les « décideurs ». Qu’en pensez-vous ?
Max Moreau – A 4 ou 5 reprises dans ma vie professionnelle, il m’ a été proposé d’y rentrer. J’ai toujours refusé parce que je suis un esprit très indépendant. J’ai refusé aussi de rentrer dans des partis politiques. Comme je suis un républicain, je manifeste mes idées en votant mais ne l’annonce pas comme le veut la loi. Je suis un économiste qui n’est pas engagé ni à droite, ni à gauche. Je prends les bonne idées d’où qu’elles viennent et à mon tour essaye d’en proposer.
La Franc-Maçonnerie est comme toutes les associations. Il y a des gens qui s’investissent pour la droiture et il y a quelques « pourris » qui y rentrent pour faire des affaires. C’est la même chose au Rotary, Lions et bien d’autres clubs qui prônent l’entraide. Il y a le même pourcentage de « cons », c’est un peu trivial, qui sortent de Polytechnique que de la bouche d’un métro…

A@P – Le capitalisme n’est-il pas devenu fou, n’est-il plus sans capitaine à la barre ? Qui pour le contrôler ?
Max Moreau – Le principe de base est la cupidité des gens. C’est le mal du siècle. Dans toutes les relations internationales, pour faire des affaires, il faut « backchicher ». Cela ne vient pas uniquement d’Afrique. C’est mis en place, ce que j’appelle, la rétrocupidité, où l’on augmente artificiellement les commissions versées de façon à obtenir en retour des commissions qui servaient soit à financer des partis politiques, soit des dépenses personnelles.

A@P – La cupidité semble faire partie du fond de l’homme. Comment fait-on pour contrôler cela dans un monde global ?
Max Moreau – Alors que j’installais des éléments techniques d’une chaufferie au CET de Cajarc, le Président Pompidou m’avait dit « la corruption est à l’économie, ce que l’ombre est à l’homme ». Elle le poursuit toujours. Comme il y a besoin d’un certain montant d’argent au « black » pour faire tourner les affaires internationales. Il y a besoin de structures d’accueil pour ces sommes et c’est la raison pour laquelle on a fondé les paradis fiscaux.

A@P – Ils sont donc incontournables…
Max Moreau – Oui, mais on doit pouvoir y mettre un peu d’ordre bien que l’on soit tenu par le « marché ». Au Parti Communiste chinois, il y a 63 ou 69 milliardaires. Ici, en France, les scandales qui apparaissent ne sont en fait qu’une partie de l’iceberg. Un tas de gens, fascinés par l’argent, sont compromis dans des affaires.

A@P – Dans ces conditions, il ne nous reste qu’à travailler sur nous-même, la France…
Max Moreau – Commençons par balayer devant notre porte. Mettons en place toute une série de mesures de charte déontologiques pour que cela fonctionne à peu près normalement chez nous. Ne donnons pas de leçon à la mondialisation alors que nous même sommes mal placés dans les classements de « Transparency International ».

– propos recueillis par Bernard Boutin

PS : Une réédition de l’Embauchoir a été réalisé en 2011 suite aux événements et à la demande : Le livre est disponible auprès de l’Edition l’Harmattan.

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