Cinquante nuances de gris
Sans doute préfèreriez-vous que je vous dévoile quelques passages croustillants de ce livre si prisé des ménagères américaines qui y trouvent à nourrir leurs fantasmes. Laissons-leur les menottes, cordelettes et fouets nécessaires à leurs orgasmes et considérons les cinquante nuances de gris de notre paysage politique. Les fouets n’y manquent pas.
Il est vrai que la glissade économique de la France depuis plus de deux décennies n’est pas rose. L’arrêter ou la freiner n’est pas un objectif facile, d’autant que nos clients, pour la plupart européens, sont souvent dans une situation pire que la nôtre, de sorte que nos industries ne sont pas prêtes de voir leurs carnets de commande mieux se remplir.
L’industrie aéronautique fait exception. Mais qui propose un EADS de l’automobile ou des énergies renouvelables ? Nous savons fabriquer les moteurs les plus performants pour les courses automobiles. Pourquoi serions-nous incapables de concevoir et de vendre des véhicules plus sobres, plus sûrs et plus attirants? Ce contre-exemple de l’industrie aéronautique (mais aussi des cartes à puce et de bien d’autres innovations) devrait nous inciter à plus d’optimisme ou du moins à un sursaut d’énergie. « Sursaut » est le mot employé par Edgar Morin dans une chronique du journal « Le Monde » du 3 mai. Il est singulier de trouver chez des octogénaires ou nonagénaires comme lui et Stéphane Hessel tant de foi dans les possibilités humaines. Où sont les John Lennon d’aujourd’hui qui pourraient nous chanter un nouveau « Imagine » ?
Ils sont probablement emportés par l’encre noire des éditorialistes. Il est tellement plus facile de caricaturer, de dénigrer, de se lamenter, de prévoir le pire. Pour vendre plus de papier, aller dans le sens de l’attente du lecteur. Celui-ci étant assez inconséquent, ne pas évoquer l’exemple de Ceranese ou d’Arcelor-Mittal lorsque l’on commente l’opposition à la prise de contrôle à 75% de Daily Motion par Yahoo. Peut-on penser que les intérêts de l’entreprise française pèseraient lourd dans la stratégie de Yahoo face à son rival Google ?
Personnaliser tout débat, c’est dans l’air du temps et la mode des people. Il suffit de remplacer les paillettes par des banderilles. Certains s’y prêtent, il est vrai, avec leur façon de « toréer »…
Les hommes politiques et les capitaines d’industrie en rajoutent sans vergogne. A l’instar de ce qui se passe au Vénézuela, l’élection présidentielle est tenue pour non avenue par certains ténors. On voit un ancien premier ministre qui a accumulé 600 milliards de dettes supplémentaires pour l’Etat français annoncer une catastrophe imminente. Le PDG d’une entreprise du CAC 40 qui a fait des milliards de profits sans payer un euro d’impôt à la France pendant des années donne des leçons de morale. Le parquet de Bordeaux demande des non-lieux pour des faits qui ont scandalisé une large partie de l’opinion. Une Frigide Bargeot se voit comme une nouvelle Hypathie ou une autre Jeanne d’Arc. De courageux expéditeurs envoient des balles réelles dans une lettre au maire d’une petite bourgade qui a reconnu son homosexualité lors d’un entretien et affirmé son souhait d’accéder au mariage.
Le gris n’est plus l’apanage des « pigeons ». Les « poussins » (les autoentrepreneurs) les ont rejoints et la gauche de la gauche voit rouge et se grise d’imprécations. Pauvre France ! Combien exigent plus d’elle et combien lui disent « Que puis-je faire pour toi ? »
– Paul Itologue
PI: « Il est tellement plus facile de caricaturer, de dénigrer, de se lamenter ».
C’est la base de toute campagne électorale: exciter l’opinion contre celui qui est en place en disant: il n’a pas fait ceci, il n’a pas fait cela, SANS dire où est-ce qu’il aurait fallu prendre l’argent pour réaliser ces choses-là, en restant à un niveau de réflexion infantile. C’est le cas au niveau national comme au niveau local. Bayrou dira « MLC n’a pas fait ça ni ça »… en se gardant bien de dire « il aurait fallu tailler dans l’excès de distractions dans le sport pro et la culture et dans les sur-effectifs pour posséder davantage de moyens de financement ».
« C’est la base de toute campagne électorale »: en France…
Drôle de voir un socialiste se poser ce genre de question…
Jusqu’ où faudra-t-il que nous tombions pour que la bien-pensance de gauche prenne en compte des réalités économiques qui devraient s’imposer à nous, non pas comme une forme de complot anti-français fomenté par des éditorialistes mais comme un jeu de contraintes dont nous n’avons simplement plus le choix de nous dispenser . L ‘article de Monsieur Itologue semble devoir nous indiquer que rien ni personne ne fera varier d’un iota l’ancrage idéologique d’une génération complètement déconnectée du monde dans lequel nous vivons et qui continue à nous édifier par sa naïveté et son incompréhension des mécanismes les plus élémentaires du marché. Imaginer fédérer l’industrie automobile européenne en une sorte d’ Eads.à domination française, parce que nous savons faire des moteurs de F1 nous en fournit un pathétique exemple
«une génération complètement déconnectée du monde dans lequel nous vivons et qui continue à nous édifier par sa naïveté et son incompréhension des mécanismes les plus élémentaires du marché.»
Cette naïveté et cette incompréhension sont délirantes en effet si on considère que le monde dans lequel nous vivons est incontournable comme la tornade qui risque de s’abattre si on continue cette politique.
Ce monde où nous vivons est le résultat d’une volonté de le construire pour certains, et de la naïveté des autres de le laisser prospérer.
Les mécanismes les plus élémentaires du marché sont-ils une réalité irréversible? Comme c’est culturel, tout peut s’inverser.
Certains parlent de politique courageuse, en voilà une: locale, nationale, européenne, mondiale!
Les marchés ne sont pas inscrits dans nos gènes, ce sont des «coronavirus»; il sont difficiles à combattre car très contagieux, très virulents, implantés dans la culture libérale de plus en plus incrustée dans la société.
Comme tous les virus ils se multiplient en parasite, fabriquant leur propre structure aux dépens de ceux qui les hébergent, détruisant le système immunitaire c’est-à-dire notre système de défense, et détournant ainsi toute «l’économie» interne à leurs profits.
Du fait de leur action, le diagnostic vital de la démocratie, de la société est engagé.
Solution?
Je ne vois que «la trithérapie» quand il s’agit de ce type d’invasif:
1°) Faire un état complet, indépendant, des lieux, cest-à-dire de la santé des patients: état physiologique, psychologique, culturel, social, environnemental. Il n’est pas brillant!
2°) Dire «la vérité» aux patients pour expliquer les objectifs du parasite et du traitement proposé; il peut y avoir des effets secondaires; c’est par la connaissance, la volonté politique, la justice, l’entraide, la coopération, la compétence, la chaleur humaine du personnel soignant qu’ils seront surmontés.
3°)Le traitement consiste à agir sur les enzymes indispensables au virus afin de bloquer son évolution.
L’écologie scientifique (pas politique!) peut définir des thérapeutiques pour faire évoluer négativement l’économie «coronavirienne», elle s’y connaît en enzymes!
Ce ne sont pas les politiques mais la société civile, par sa force et son efficacité, qui assurerait le transfert des médicaments; elle sera d’autant plus efficace que le patients collaboreront collectivement.
Devant ses échecs, coronavirus devra lutter contre la baisse de la production, de la consommation, des dégâts liés aux risques majeurs (climat, pollution..), qu’il a génèré.
Grâce à l’argent «de la sueur», détourné (longue liste!) de ses buts primitifs, aux pressions et à l’action (énergique!) de la société civile pour l’amélioration: de l’enseignement, des soins médicaux, de la protection sociale, de la distribution de retraites décentes, de la reconstruction nécessaire des villes pour le «logement décent pour tous», de la gestion d’une société de plus en plus multiculturelle, ses possibilités de nuisances s’affaibliront.
Quand les écologues s’éveilleront-ils!
Considérer le marché comme un virus, c’est assez novateur. Ce serait comme si la pesanteur était un mal qui s’en prend aux masses. Ou la force centrifuge un produit pour soigner les chats. C’est cher Georges faire un gros contresens, tout emporté que vous êtes contre le satan libéral, adepte du laisser-faire. Le marché n’est rien de tout ça. Ce n’est ni un virus ni une maladie. C’est un simple lieu de rencontre entre des offreurs ( de produits, de travail ou de capitaux) et des demandeurs ( de la même chose). Une halle, une agora. Une place, un marché. C’est simple pourtant. Un marché, ça se balaye si vous voulez surtout quand les marchands sont partis, mais ça ne se soigne pas.
Il vous faudra donc ranger vos fioles et vos grigris et vous en prendre non pas au marché, mais à ceux qui en régissent les règles, en fixent les conditions d’accès, les horaires, les taxes, les produits qui y sont admis etc…. A moins que vous ne teniez absolument à me distraire aimablement avec de sympatiques fariboles vertes, comme vous le faites si souvent pour mon plaisir toujours renouvelé.
Ce n’est ni un virus ni une maladie. C’est un simple lieu de rencontre entre des offreurs ( de produits, de travail ou de capitaux) et des demandeurs ( de la même chose)
Vous savez très bien que la spéculation fausse les marchés; ce n’est donc pas une simple rencontre!
« mais à ceux qui en régissent les règles, »
Si vous voulez fixer des règles, les marchés ne sont plus libres! C’est contraire à vos principes.
Que préconisez-vous comme règles pour que l’équilibre entre l’offre et la demande se rétablisse car, au fond, actuellement, si la demande y est, les possibilités financières n’y sont pas.
S’il y avait moins de pauvres, il y aurait bien plus d’acheteurs et beaucoup plus de vendeurs satisfaits! Ne serait-ce pas une bonne règle à mettre en place?
Quant à mes fioles et grisgris , je trouve que vous n’en manquez pas non plus.
Puisque j’ai l’honneur de vous distraire, je ne manquerai pas de continuer!
Les petits cadeaux empoisonnés entretiennent l’amitié….et, peut-être, l’intérêt des lecteurs du forum.
Le marché est neutre par définition. Les « spéculateurs » prennent un risque. Ils achètent à un prix qu’ils estiment ne pas être le reflet de la valeur future de ce qu’ils achètent. Ils ne faussent rien. Ils anticipent sur une évolution possible qu’ils sont les seuls à voir puisqu’ils trouvent des vendeurs contents de leur vendre à leur prix. Rien d’anormal dans tout ça. Là où les choses se compliquent en effet, c’est quand les « spéculateurs » se placent à la fois en position d’acheteurs et de vendeurs pour faire grimper ou baisser artificiellement les prix ou les cours. Il vaudrait mieux les en empêcher en effet, mais ce n’est pas la faute du marché. Mais en général, ils s’ adressent à d’autres spéculateurs qui ont à un moment donné, une vision diamétralement opposée à la leur. Sinon, il n’y aurait ni achat ni vente. Vous me direz, il pourrait y avoir du troc. Certes mais si je vous échange une belle tomate rouge dont l’intérieur est un peu pourri contre une orange à peine mure mais consommable, vous ne verrez que vous aurez perdu au change qu’en la mangeant.
Contrairement à ce que vous pensez, la primauté donnée au marché par la pensée libérale ne signifie pas que tout doit y être permis. C’est à l’autorité politique de fixer des règles qui ne doivent pas en revanche contrarier les mécanismes fondamentaux du marché qui reposent effectivement sur la rencontre d’une offre et d’une demande à u moment T dont l’accord est concrétisé par le prix. Le prix est la variable d’ajustement en économie libérale. Il est fixé a priori dans l’économie dirigée, comme nous l’ont si longtemps montré, avec le succès que l’on sait, les planificateurs soviétiques.
Dans le cas de notre tomate, l’autorité de marché pourrait indiquer facilement sans contrarier les termes de l’échange, au contraire, que les tomates pourries devront être remboursées à l’acheteur. Mais cette simple décision aurait pour effet de faire monter les cours, puisque les acheteurs n’ auraient pas à tenir compte dans leur prix (la taille de l’orange échangée) de la possibilité de récupérer une tomate pourrie.
Je suis content cher Georges que nous puissions progresser ensemble, sans aller cependant jusqu’ à vous demander de reconnaître que l’ économie puisse AUSSI être une science. N’exagérons rien.
« Je suis content cher Georges que nous puissions progresser ensemble, sans aller cependant jusqu’ à vous demander de reconnaître que l’ économie puisse AUSSI être une science. N’exagérons rien. »
Vous avez en effet raison, l’économie n’est pas une science,exacte en tout cas,sinon cela se verrait; elle joue au scientifique sérieux, pour paraître respectable.
Comme le répète Edgar Morin, » l’économie est la science sociale mathématiquement la plus avancée, mais aussi la plus arriérée socialement et humainement car elle s’est abstraite des conditions sociales, historiques, politiques, psychologiques, écologiques inséparables des activités économiques. C’est pourquoi les experts sont de plus en plus incapables d’interpréter, de prévoir et de prédire. Il est des économistes qui ont pris toute la mesure des dégâts qu’entraîne ce savoir fragmenté. C’est ainsi que le Pr. Amartya Sen, le très respecté Prix Nobel d’économie, enseigne sagement à ses étudiants de Harvard que celui qui prétend définir la pauvreté par des critères universels susceptibles d’être exprimés mathématiquement n’est pas un super réaliste « mais un super-idiot ».
Il faut mieux en rester là car il y aura, entre nous, surement bientôt une suite!
A+
Je vais vous étonner, mais je suis tout à fait d’accord avec le Professeur Sen. Mais vous par contre n’êtes pas gêné par les contradictions..Vous vous appuyez sur un sociologue pour nous asséner que l’ économie n’est en gros que billevesées et littérature…Comme s’il pouvait nous dire autre chose..
Mais est-il à vos yeux indispensable que l’économie soit parfaitement modélisable pour que son étude soit une science ? Le scientifique que vous êtes estime-t-il connaître suffisamment de SA science à lui (les coléoptères, si je me souviens bien, dont on peut prévoir le moindre mouvement grâce à une analyse mathématique rigoureuse) pour qu’elle mérite de l’être . Et est-il indispensable que vous considériez avec autant de mépris un domaine bien plus jeune et très imparfaitement connu en effet, mais qui progresse comme toute science humaine. Il est patent à ce propos que vous confondez allègrement la prévision économique qui n’est qu’un domaine de la science économique, avec l’étude de l’économie. Puisque selon vous si on ne modélisait qu’ imparfaitement les lois de l’économie , elle ne sera pas science ? Ou que les économistes qui s’efforceraient de tenter de modéliser quand-même seraient de super-idiots. Vous avez un talent de l’esquive étonnant cher Georges. Nous parlions des mécanismes élémentaires du marché et vous me balancez votre Edgar Morin favori qui en l’ occurrence ne professe que des évidences, pour renvoyer à plus tard des explications complémentaires qui j’en suis sûr feront étalage de vos compétences avérées sur ces sujets. Nous éviterons quand-même, si vous le voulez bien de qualifier d’idiots ou d’imbéciles des économistes à qui la communauté scientifique, mal conseillée sans doute, décerne chaque année un Prix Nobel non scientifique.
PS: il est très agaçant de voir un esprit qui se revendique comme scientifique, continuer de confondre le marché avec la spéculation, la science économique avec la météo et en général tout ce qui relève de l’entreprise et des entrepreneurs, comme une activité mineure réservée à des demeurés.
« Combien exigent plus d’elle et combien lui disent « Que puis-je faire pour toi ? » ».
De ce bon article, je me permets, pour sourire, de rendre au Grey son teint souris, étant moi-même une ménagère de plus de cinquante ans encore curieuse et dotée de capacités (sans brevet répertorié à l’INPI) question énergies renouvelables (…). Donc, je ne saurais également évoquer sans plaisir Henry, notre cher Henry Miller, dont le triptyque Sexus Plexus Nexus enchanta ma jeunesse, mais plus encore ce vieux Louis, Louis Calaferte, écrivain resté dans les marges de la grande littérature, dont voici, ô Paul Itologue, juste une passage aussi léger qu’un « Rag-time » (nrf Gallimard, poésies) :
Pendant que j’allumais une autre cigarette
Tu as quitté tes bas
assise au bord du lit
et maintenant tu n’oses pas
dans cette chambre où nous n’avons jamais dormi
lever les yeux sur moi
C’est soudain comme si le temps meurt ou s’arrête
un long alinéa
je m’approche du lit
et viens te prendre entre mes bras
dans cette douceur triste et qui nous engourdit
j’ai aussi peur que toi
il y a au dehors des rumeurs vagabondes
nous ne nous en irons que pour un autre monde
A Londres c’est l’automne il est presque minuit
(Louis Calaferte,1928-1994, recueil » Rag-time »)
PS: je n’ai pas retrouvé dans mes fontes « Rosa Mystica », aux textes bien plus crus…