Les dernières inondations? On n'a jamais vu ça !

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Capture d’écran 2013-06-27 à 09.58.03Les événements dramatiques que la région vient de vivre sont considérés comme exceptionnels: «Une crue du Gave historique» est titrée dans la presse.

C’est peut-être le cas, de mémoire d’habitant, mais pas de mémoire d’historien et de géographe. Trois Maîtres de conférences à l’Université de Pau ont pu retracer, grâce aux archives publiques, certaines dates, concernant des inondations. L’événement le plus ancien relevé date de 1875 avec plus de 500 morts dans le bassin de la Garonne. La crue des 3 et 4 octobre 1937 marquera à jamais la Soule où le Saison en atteignant 2,3 m à Tardets, 4m à Mauléon, causant d’importants dégâts.

Il me revient à l’esprit la lecture de l’ouvrage cité en référence (1). J’en transcris intégralement deux passages pour conserver la «saveur» du texte de l’époque.

«Le 17 août 1651, le Gave d’Orthez devint fort grand et si haut qu’il passait par dessus le pont d’Orthez et rompit les murailles du dessus ledit pont et emporta plusieurs personnes et maisons et meubles et fruits, tellement que jamais homme vivant ne l’avait pas jamais vu si grand, ni qui eut fait un si grand dommage; il emporta moulins, terres, arbres, tellement qu’il fit un incroyable dommage. Un homme de Sainte-Suzanne nommé Grassion du Capdan, m’a dit et assuré qu’il était à Orthez pour lors, et qu’il voyait que la Gave emportait 14 barriques de vin l’une après l’autre.
A la fin août 1651, une barrique de vin valait 35 livres et n’en y demeura pas une seule barrique du vieux à vendre.»

«Le 15 dudit juillet 1653, le gabe d’Hourthèz est devenu fort grand, il est passé par desus le pont d’Orthez et a fait de grands dommages au pont d’Orthez et aux maisons de la rue des Augustins; il y avait aygue plus haut que la hauteur d’un homme, et on boyait passer les bros chargés de gerbes de froment capbat le Gabe. Il a rompu le bout du pont d’Orthez; il est allé aussi haut comme il avait fait en l’an 1651, et ce coup a fait plus grand dommage; il est monté jusqu’au pourtal de Baure, cette fois-ci, tellement qu’il a fait fort grand dommage au froment qui estait au long du Gave, il demeura l’espace de vingt heures que aucun ne pouvait passer par dessus le pont d’Orthez.»

Pour qui connaît le pont d’Orthez, c’est impressionnant !

Si «la routine» du gave n’a pas été respectée ces jours derniers, ses débordements «gascons» ont déjà été vécus de nombreuses fois. Cette situation devient même normale si on remonte le temps, sur des périodes plus longues que celles programmées pour autoriser la création d’un lotissement dans le lit du Gave!

>A chaque fois, comme pour les tempêtes meurtrières, l’origine se situe dans la confluence de plusieurs facteurs climatiques; cette fois, c’est :

  • La présence d’une quantité très importante de neige.
  • Une température relativement basse au printemps suivie d’une hausse brutale entraînant une fonte rapide donc un afflux d’eau dans les torrents.
  • Une pluviométrie importante et continue depuis des semaines .

>En ce qui concerne l’importance des dégâts, du fait de la hausse démographique et de la concentration de l’anthropisation de plus en plus grande près des gaves, le montant économique des dommages est de plus en plus élevé à chaque fois.

Le goudronnage et le bétonnage ont été les deux mamelles de la modernité; l’eau s’écoule et ne s’enfonce pas; les gouttières ont l’avantage d’éviter de se laver les pieds mais l’eau envahit les canaux d’évacuation et se déverse dans la rivière.

>D’un point de vue humain, la mise en commun de la technologie, la discipline individuelle améliorée par l’expérience, la solidarité officielle et bénévole, la sensibilisation à l’hygiène, permettent de limiter au minimum, par rapport au passé, les pertes en vies humaines et le développement d’épidémies.

>Après chaque catastrophe, il est habituel de rechercher des solutions pour éviter la répétition. Devant l’ampleur des dépenses indispensables, devant la résistance pour changer un mode de vie, le désarroi et la fureur bien compréhensible des victimes, «électeurs», des indemnisations sont versées mais les nécessaires aménagements ne sont pas faits.

On n’enseigne plus maintenant qu’il faut réfléchir avant d’agir !

On agit par intérêt immédiat, on réfléchit, (parfois !) après, et on s’apitoie, à juste titre, sur le sort des victimes et de l’économie locale! Les médias ne sont jamais aussi empressés pour étaler le malheur humain, nous transformant en voyeurs souvent friands plus qu’en sauveteurs! Les images étaient conformes à celles des précédentes catastrophes naturelles: cyclones, orages, tempête Klaus, Xynthia, etc.

Bien des constatations mériteraient pourtant l’attention :

  • Les saligues, ces zones de rétention naturelles édifiées par le gave au cours des milliers d’années précédentes, ne sont plus entretenues, comme avant, par les habitants des communes (droit au bois et au pacage). Au piémont, elles ont été progressivement éliminées pour de multiples raisons: élargissement de routes, édification de campings, de lotissements, de zones de loisirs ou commerciales, etc. Aux endroits les plus stratégiques on les remplace par des bassins de rétention artificiels, coûteux en place et argent.La destruction des saligues est surtout sensible au piémont, là où les saligues sont les plus étendues; lors des crues importantes, l’eau ne peut plus s’étaler, elle ne peut donc que monter et du fait des rétrécissements dus au bétonnage ou enrochement des berges, elle devient plus rapide, violente et destructrice sous les coups de boutoirs des arbres ou autres objets transportés!
  • Il faut renvoyer les décideurs à l’école pour suivre les cours de géographie que l’on y donnait jadis ; on parlait de lit majeur et de lit mineur ! Combien de constructions, de lotissements, ont été autorisés tout au bord du gave ou dans le lit majeur des rivières avec des digues souvent ridicules ?
  • Dans le domaine agricole, il y a aussi de nombreuses réflexions à mener:

La mécanisation, le drainage, la disparition des haies et fossés pour réaliser de grandes parcelles, etc. a fait que les terres, à nu en cette saison, déjà gorgées d’eau, ont été ravinées et sont devenues inaccessibles pour longtemps, d’autant plus qu’il n’y a plus de bois ou de touyas pour la retenir, d’où les boues répandues partout.

Il est bien évident que l’on ne peut pas faire un lien direct entre un événement ponctuel et le réchauffement climatique mais il ne peut pas être entièrement éliminé dans les explications; il est quand même extraordinaire que le gave de Pau ait connu deux crues majeures, la dernière en oct. 2012, en moins d’un an !

  • Les pluies nombreuses et les inondations ont été assez générales en Europe.
  • N’oublions pas que la température moyenne de l’atmosphère s’élève; l’évaporation de l’eau dans les zones humides augmente, provoquant des sécheresses en certains points du globe. Cette eau va automatiquement tomber en plus ailleurs, en fonction des courants atmosphériques.

Plus de sécheresse d’un côté, plus de pluie ailleurs !

Deux études récentes publiées par la revue Nature établissent un lien direct entre le changement climatique et son impact sur des événements météorologiques extrêmes. «Le réchauffement climatique a accru l’intensité des pluies diluviennes et des inondations dans l’hémisphère Nord au cours de la seconde moitié du 20e siècle.»

Ce n’était pas la première crue, ce ne sera pas la dernière. Devant l’incertitude la précaution s’impose; face à la certitude du recommencement, la prévention, autre que des paroles, devient prioritaire.

L’homme a beaucoup emprunté à son écosystème; il n’a jamais remboursé ni le capital, ni les intérêts. Le créancier réagit peut-être, à sa manière, imposant une austérité drastique. Nos spécialistes de l’économie le comprendront sûrement.

–  Par Georges Vallet

(1) Henry de Laborde Peboué de Doazit: «Relation véritable des évènements de la Chalosse (1638-1670)».
Extrait de : Armorial des Landes Livre III-B par le baron de Cauna.
crédit photos: fr.structurae.de

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