La Montagne
Elle m’a reçue comme à son habitude, majestueuse dans sa tenue, digne, en arborant de ses flancs, à son sommet, cette grandeur qui m’inspire tant de respect. Elle s’impose à moi si petite sous ses effets, tandis que je commence, pas à pas, à m’accrocher à elle sur des sentiers qu’elle porte en colliers d’un versant à son autre côté, d’où je vois peu à peu le monde rapetisser. Sur un sol recouvert d’une épaisse couche d’herbe que la mousse s’exerce à emprisonner, tapissée d’innombrables fougères d’où la bruyère s’évade, la Montagne me rappelle que l’été est source d’amitié. Elle me reçoit de telle manière que j’en suis flattée tandis que le soleil culmine sur ses crêtes d’où j’aperçois les rapaces tournoyer et se côtoyer. Elle est lumineuse de beauté, transformée d’une heure à l’autre à mesure que je la parcoure de mon regard émerveillé, le corps en équilibre sur son décor, sous un paysage qui me rend sage parce qu’il me fascine. Je gravis ses pentes lentement, elles qui m’incitent à aller chercher sur leur faîte de quoi me ressourcer. Comme elle est fière me dominant de tous côtés, moi qui ne la quitte pas des yeux … tant de reflets, tant de courbes posées sagement, me cernant de toutes parts, je pourrais m’envoler pour rattraper ce retard que j’ai sur elle, l’apercevoir du plus haut que mes ailes me portent sur un ciel qui n’est pas de hasard. Sur un de ses bords que j’ose affronter sans risquer d’être égratignée, je découvre des fleurs qui s’épanouissent dans les seules coulisses d’un public averti. Des fleurs habillées de longues années, des coloris par milliers, des élites que la terre porte en elle, sereines, végétant de clairières en bosquets, et que le temps fait durer. Des chardons légendaires à une certaine hauteur, si ardents qu’ils poussent vers le ciel leur prestance faite de force et de nuances estivales. Une plante épineuse mais d’une douceur confuse qui se diffuse en promenant les doigts sur leur ombrelle protégée de piquants éternels. Que dire des cercles des pierres longtemps érodées par le temps…. Des monuments ou des momies que la peur ou le courage ont rattrapées, des tumulus enfin que nos anciens soulevèrent avec force et à coups de prières pour enterrer des êtres qu’ils aimaient. Pour prendre le temps de souffler, je m’assieds à l’ombre de grands arbres, des géants se dressant sur un parterre qu’il me plait de fouler tendrement. Du houx au noisetier emmêlés pour l’éternité, tous deux symboles de l’amour et de l’amitié… que je voudrais pour nous, des arbres noueux jaugeant l’éternité dans laquelle nous irons nous baigner. Des sapins, jeunes ou anciens, pyramides naturelles s’élevant vers les cieux et qui dressent vers eux leurs aiguilles et leurs cônes gracieux afin que le vent interprète leurs vœux. Je la revois toute cette végétation m’inspirant le souffle et le soupir pour la décrire en cet instant… du chêne au châtaignier que j’entoure de mes bras et sur lesquels je dépose un baiser, en souvenir de mon passage sur cette montagne qu’il me plaît tant de raconter avant qu’elle ne soit enneigée.
– par Samie Louve
en complément du propos de B Boutin :
la montagne , le dernier étage avant le ciel
un bien bel étage 🙂
je voulais simplement exprimer un voeu qui me tient à coeur, un rêve plutôt, habiter en montagne pour y trouver le réconfort, le repos et écrire pour la décrire la vie qui l’habite … oui, c’est sûr que pour le coup, je serais plus proche de l’Ailleurs…. mais si près du coeur de la Terre …. oui, il fait très chaud .. un peu moins tout en haut 🙂 sans doute.
je la vis lorsque je la parcoure Georges … elle m’inspire tant, j’espère bien un jour finir ma vie à ses côtés …. dans la plénitude et le respect. Merci à vous. Samie.
Samie,
» finir ma vie (en montagne) »
Le plus tard possible. Mais cela a un indiscutable intérêt, la montée au Ciel sera plus rapide !!!
Courage sous le « cagnard ».
Bernard
Que la montagne est belle!
Et la sensibilité qu’elle permet d’exprimer aussi.
Ce très joli texte, plein d’émotion, ne fait que concrétiser le ressenti vécu par un naturaliste de terrain dans ses fréquentations de la montagne, des garrigues et maquis provençaux, ennivré par les couleurs, les senteurs, les chants, les comportements discrets et feutrés des habitants naturels.
Il manquait à ce naturaliste la maîtrise du verbe.
L’écologiste voit là une démonstration que la Nature est bien un tout, dans sa composition, ses relations, ses émergences, qu’elles soient scientifiques, littéraires, artistiques, philosophiques, spirituelles.