« Pour les animaux, tous les hommes sont des nazis* »
Les débats sont toujours très animés quand on évoque les rapports de l’homme avec les animaux: la chasse, la corrida, l’ours, les animaux de compagnie, notre régime alimentaire de plus en plus carné, ce dernier engendrant des élevages industriels et des abattages, «en commun», que nos plus gros consommateurs de viande auraient peut-être du mal à assumer si on les obligeait à en être les acteurs.
La considération des animaux a évolué au cours des siècles.
Dans l’Antiquité, tout ce qui est « animé » possède une âme. Le latin anima est «le souffle, l’âme », d’où vient le terme animal.
À l’avènement des trois religions du livre, seule la «grâce de Dieu distingue l’homme des autres êtres animés; peu à peu, la rupture entre l’homme et la nature, comme entre l’âme et le corps, est devenue un paradigme, encore tenace d’ailleurs.
On humanise l’animal dans les fables de La Fontaine, on animalise l’homme dans les portraits de Lebrun; les procès animaux sont fréquents au Moyen-Âge, ils ont même droit à un avocat, on excommunie chenilles ou mulots à la pelle!!
Avec Descartes, la rupture est consommée; il développe la théorie de l’animal- machine, lui dénie toute forme de conscience.
Des failles apparaissent avec les naturalistes comme Buffon et Linné. Même si les croyances chrétiennes sont toujours présentes, Buffon évoque «l’effet miroir».
Observer l’animal, une façon de s’interroger sur nous.
Après Darwin, il ne devenait plus possible d’isoler l’homme de l’animal. Pour Pascal Picq, paléoanthropologue, «L’homme est un singe qui refuse de se voir comme tel»
Au XVIIIéme siècle, en réaction aux pratiques de la chasse traditionnelle, naissent la reconnaissance de la souffrance et de l’intelligence animales.
Le premier à avoir évoqué l’exigence morale est le britannique J.Bentham (1748-1832). Son raisonnement utilitariste consiste à dire qu’on ne sait si une action est bonne ou mauvaise qu’en se demandant si ses conséquences sont bonnes ou mauvaises pour les êtres sensibles ou, pour garder le mot anglais, les «sentient being», soit un être capable d’une expérience subjective. Or, la douleur est la première de ces expériences subjectives.
Pour Bentham, nous devons choisir nos actions en fonction de leurs conséquences sur les hommes, mais aussi sur les animaux.
C’est de plus en plus d’actualité!!
Dans l’ensemble du monde animal, où se situe la limite du mal ? Le degré de certitude diminue au fur et à mesure que l’on s’éloigne de l’être humain. Nos connaissances du système nerveux ont fait des progrès considérables; la douleur semble bien liée à la centralisation des influx sensitifs au niveau d’un cerveau qui analyse, synthétise, intellectualise. Quand on se brûle un doigt, c’est le cerveau qui a mal, pas le doigt ! L’évolution du cerveau chez les vertébrés, leurs comportements, permettent d’avoir la certitude qu’ils ont l’expérience de la douleur, les grands singes ayant des capacités cognitives très importantes. Pour les invertébrés, l’incertitude demeure car, à part chez certains, comme les mollusques céphalopodes, on ne peut pas parler de centralisation des informations, le système nerveux est décentralisé au niveau de ganglions segmentaires. Un moustique ou un ver souffrent-ils ? Le comportement qui apparaît à la suite d’un traumatisme n’est pas forcément intellectualisé, c’est un réflexe de protection dont l’animal unicellulaire est capable.
Il en résulte que nous devons revoir totalement notre comportement vis-vis des animaux vertébrés. Il importe de réfléchir sur l’impact de notre comportement destructeur des milieux de vie des animaux ainsi que sur les moyens de nous nourrir; omnivores, nous le sommes, manger de la viande est normal mais élever des milliards de mammifères et d’oiseaux pour les tuer, gagner de l’argent, et développer chez nous des désastres alimentaires et sanitaires; c’est l’opposé d’un utilitarisme raisonné.
Dans une société qui se veut civilisée, éclairée et sensible, réapprenons aux jeunes que la viande sous plastique ne pousse pas sur les arbres mais résulte de l’abattage d’animaux sensibles subissant la souffrance et le stress du condamné à mort innocent.
L’animal, dans la société, se situe au niveau des choses. De nombreux dossiers ont été médiatisés: massacre des phoques au Canada, conditions déplorables des élevages en batterie, transport et abattage des animaux de boucherie, corrida, gavage, très français, des oies et des canards, vivisection, exploitation des animaux de cirque, calvaire des animaux à fourrure, etc
En France: article 528 du code civil, «les animaux sont meubles par nature»; les animaux d’élevage sont, quant à eux, considérés comme des immeubles par destination, conformément à l’article 524 du code civil.
«Une chaise aurait-elle la même sensibilité qu’un animal ?» Loïc Laïmène.
Les régimes diffèrent suivant que l’animal a un propriétaire ou pas.
Dans le premier cas, sont répréhensibles par une peine de prison et une amende (article 521-1) les abandons, les actes de cruauté, sévices graves ou de nature sexuelle sur les animaux domestiques, apprivoisés ou en captivité, ainsi que pour les animaux d’élevage, de zoo et de cirque.
La faune sauvage n’appartenant à personne, on peut la tuer, moyennant finance, par un acte de chasse, sauf dans le cas d’appartenance à une espèce menacée. Un très mauvais raisonnement distingue des espèces dîtes nuisibles ! Ce n’est pas l’espèce qui est nuisible mais les causes qui provoquent le déséquilibre!
Les courses de taureaux sont considérées comme «des traditions» !
La tradition de la traite négrière bordelaise, à la fin du XVIIIesiècle, a disparu.
En Espagne même, berceau de la corrida, beaucoup ne sont pas convaincus par l’argument de la tradition: «Aller dans le village voisin tuer les hommes et violer les femmes était aussi une tradition” Alberto Ferrús, neurologue du Conseil supérieur de recherche scientifique (CSIC, l’équivalent du CNRS) «Un taureau est un mammifère, il souffre: son système nerveux est très développé. Une blessure est un traumatisme pour lui comme pour nous». Si les animaux souffrent comme les humains, pourquoi cela amuse-t-il les gens ? “Ce n’est qu’un atavisme primitif et vandale” A. Ferrús.
Il en résulte que tous les actes de chasse pour le plaisir, la situation stressante, douloureuse et sanglante du taureau dans l’arène, les «massacres» des poulets ou du bétail à l’abattoir, sont des actes de barbarie car ils engendrent de la souffrance. Il est urgent que cela change !
En ce qui concerne les animaux de compagnie, la dérive anthropomorphique est «désanimalisante» et condamnable. Il y a une différence entre prêter des sentiments aux animaux et leur prêter nos sentiments.
Le problème de l’ours est différent, c’est la conséquence de cette prédation de plus en plus irréversible de l’économie humaine sur l’espace naturel.
Il est exemplaire.
Le maintien de la vie des prédateurs, comme l’ours, est le seul rempart qui permet l’équilibre écologique du milieu montagnard. La disparition est la voie ouverte à l’anthropisation généralisée: urbanisation, pastoralisme industriel («Jean-Bernard veille sur 1600 brebis à Peyresourde»(La Dépèche.fr), etc., destructrice de ce patrimoine culturel et vital qu’est «cette réserve exceptionnelle de biodiversité», comme l’écrivait dernièrement Pierre Yves Couderc d’Oloron.
– par Georges Vallet
* «Pour les animaux tous les hommes sont des nazis.» : une citation d’Isaac Bashevis Singer, écrivain.
crédit photos: who.int, geo.fr, notre-planete.info
* «Pour les animaux tous les hommes sont des nazis.» : une citation d’Isaac Bashevis Singer, écrivain.
Pour les nazis, tous les hommes sont des animaux , sauf s’ils sont bons aryens…
Merci pour cette intervention; j’espère que vous faites partie d’une majorité, pas toujours silencieuse, qui partage, même sans s’exprimer.
Intéressant et à méditer. J’ai lu cet été le très beau et très complet livre de la philosophe Elisabeth de Fontenay : »Le silence des bêtes » dans lequel elle analyse de manière approfondie toutes les philosophies qui ont abordé la question de l’animal , de la souffrance animale et des rapports de l’homme avec les bêtes. Il faut lire aussi ce qu’écrivait Marguerite Yourcenar qui soutenait que lorsque les hommes se comportent mal a l’égard des animaux ils se comporteront mal a l’égard des hommes.
http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?article404