Il se la coulait verte, le mastodonte !

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IMGP9734Il le tenait dans ses bras, chatouillant ses oreilles, sans doute l’aimait-il, le caressant avec tendresse, quand il lui susurra à l’oreille : « voici le monde comme tu ne l’as jamais vu ». Et il le balança par la fenêtre du deuxième étage. Le chat atterrit sur ses pattes, et regagna hâtivement la chambre où l’homme s’était réfugié,, enclin à une crise de paranoïa aigüe, si ce n’est pendulaire. L’animal se frotta contre les jambes poilues du bipède en short, semblant quémander un second envol, comme si sa perception du monde devait passer du stade de la découverte intellectuelle à celui de la reconnaissance physique. L’homme le reprit dans ses bras, lui murmura avec délicatesse : « voici le monde comme tu ne l’as jamais vu », et soudain sauta à son tour, lâchant l’animal dans un brusque mouvement, le faisant virevolter et chuter sur le plancher sans qu’il eut le temps de réorganiser son vol plané. Pendant que le sinistre individu s’étalait sur le plancher des vaches, qui est vert comme un terrain de football synthétique, et aussi toc que le lait vendu en supermarché.

Mais

C’était l’heure où les mastodontes à roues motrices traversent les coulées vertes en transportant quelques voyageurs immobiles, comme le sont les mouches dans les transports en commun, dans cet univers climatisé où l’enfer gagne quelques minutes sur le temps du travail, où l’homme klaxonne sur son portable et vérifie le monde sans allumer de cigarette (pour sauvegarder la planète tout en fraîcheurs matino-vespérales, (vous le sentez bien) , où une voix – féminine- , parfaitement synthétique, annonce le prochain arrêt, c’était l’heure où Milou attendait le tram bus et imaginait qu’un chat un jour peut-être, à force de croquer des oiseaux, volerait de ses propres ailes, chose que lui-même, avec ses cinquante ans, n’était pas encore parvenu à faire.

Depuis dix ans Milou testait son chat, qui, pour dire la vérité aux lecteurs, s ‘appelait Mouloud, comme le chat de Jean Grenier, et la probation des théories quelque peu volubiles de Milou avaient valu quelques fractures à Mouloud, qui, de son côté, se tenait peinard à l’arrêt « Université » de la ligne des mastodontes à vingt quatre roues motrices. Milou maintenait son matou dans une cagette en osier (volée à un pêcheur de saumon de Navarrenx). Depuis dix ans que le réchauffement climatique laissait bourdonner les frelons et autres tigres dans la pampa de Turboméca, Milou travaillait de son côté à valoriser le crayon quatre couleurs ( noir, rouge, vert, bleu) du centre L,, dont le mastodonte léchait la mine. Il songeait également aux étudiants, sur la rive opposée, et se demandait s’il ne faudrait pas augmenter par l’usage le montant des traversées de chaussée, voire instaurer une taxe pour l’utilisation des abris-bus, ainsi qu’une prime aux étudiants délocalisés qui balancent leurs minous du deuxième étage, étudiants dépressifs qui verront leur master ouvrir l’avenir sur un trottoir historique, celui qui verdoie sur une large et inutile avenue semée de pins parasols et de ronds-points truculents.

Mouloud, lors d’expériences précédentes, avait dit à Milou finalement on se la coule douce au bord de la coulée verte, et Milou lui avait rétorqué finalement inventer l’inutile c’est projeter l’inexistant, et, spontanément, ils avaient sauté du deuxième étage pour atterrir dans le gazon des prairies historiques du bon roi Henri. Les gamins de Saragosse avaient bien ri. Des barres de l’avenue Dufau les linges flottaient dans le vent léger. La gare se situerait désormais plus près que le voyage, et l’hôpital aussi loin que la charité. La vitesse, cette ineptie du monde moderne, donnera des ailes aux chats qui vivent la nuit sur le dos des hirondelles (image un peu obsolète mais let it bleed).

Milou, dont les premiers émois s’étaient rancardés dans un petit logement en sous-pente de la rue Carnot (ils avaient fait l’amour sur les bords du gave, à Jurançon, raison pour laquelle si, un jour, vous allez dans ce bled, vous ne pourrez que vous éblouir à la vision des femmes qui y évoluent), se posa la question que la souris pose au chat : t’es garé où ? Ben, je tourne en périphérie je te rappelle dès que je trouve une place mais si mais si mais si je n’en trouve pas on peut se rencontrer ailleurs. Ce qu’ils firent. La rue Carnot, dit Mouloud, ce sera une nouvelle expérimentation : avec quelques étages supplémentaires, Milou, nous finirons bien par ne plus nous envoler, simplement monter dans les mastodontes qui se la coulent douce dans les coulées vertueuses.

Dis, Milou, sans panier, tu me laisserais marcher à tes côtés ?

Mouloud, mon chat, j’aurais peur des mastodontes, mais les villes sont remplies de rues où jamais ne passent les gens pressés. Nous les emprunterons, Mouloud, comme une sieste offerte au parcours d’un copier coller :

« Le tracé s’insère dans la coulée verte chargée d’histoire et pose un nouveau regard sur sa réappropriation… »

AK Pô

250813

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