IDELIS: Le tonneau des Danaïdes (3)

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Difficile de s’y retrouver dans le peu de chiffres disponibles quant au taux de fréquentation réel d’IDELIS. En général pas compatibles entre eux selon leurs sources (Agglo, SMTU, STAP) , ils affichent des écarts significatifs et peinent ainsi à convaincre quant à leur caractère de vérité statistique. Mais il faut nous en contenter en essayant de les faire parler de gré ou de force, avec toutes les réserves d’usage quant aux effets secondaires possibles de ce « number-crunch ». Il s’agit ici d’une réflexion citoyenne et pas d’un rapport d’expert.

Ainsi le site d’ Idelis dans sa page « IDELIS en chiffres » http://www.reseau-idelis.com/791-IDELIS-en-chiffres.html nous dit que pour l’année X , mais considérerons qu’il s’agit de 2012, le réseau a effectué 8 500 000 voyages en semaine avec ses 90 bus, soit 31000 environ par jour ouvré ajoute-t-il. Oublions que dans d’autres communications, on nous parle plutôt de 11 700 000 voyages en 2011…Mais cela n’a pas grande importance, nous sommes dans les ordres de grandeur.

Premier constat : prenons 80 bus en ligne et laissons-en 10 en réserve au dépôt ou en maintenance. C’est beaucoup mais soit, mettons-nous à l’aise. Chaque bus va donc transporter en moyenne 31000/80 = 388 voyageurs par jour en 13 heures d’activité. Si on ne prend comme base les heures de pointe, (scolaires et lieux de travail) celles-ci doivent bien représenter 75 à 80% des voyages de la journée. Et comme elles se concentrent au maximum sur, disons 5 heures par jour, on peut en déduire que :

  1. Aux heures de pointes, la fréquentation horaire de chaque bus est de 388 X 75% / 5= 58 passagers par heure en moyenne. On voyage à l’aise et assis, sachant que la durée moyenne d’un voyage est de l’ordre de 20 mn. Il n’y a donc en effet, pas plus de 20 passagers par bus .
  2. Aux heures creuses, la fréquentation horaire est réduite à 388 X 25% /8 = 12 passagers par heure en moyenne, soit 4 passagers  par bus.

Deuxième constat : Concernant la ligne T2 qui servira de base au TCSP, on nous parle d’une production de 1500 000 voyages par an. Soit environ 5000 passagers par jour ouvré. Pour garantir une rotation de 10 mn entre chaque bus et compte tenu d’un parcours Hôpital-Gare affiché sur le site d’ IDELIS en  22 mn soit 44 mn pour la rotation complète, il faut mobiliser sur la ligne environ 5 bus en rotation. Chaque bus est donc en moyenne chargé avec 5000/5/13 =76 passagers par heure sur cette ligne à grand débit…Mais si on applique la même règle approximative concernant les heures de pointe que précédemment, nous obtenons :

  1. Aux heures de pointe : 5000/5= 1000 voyages X 75%/5 = 150 passagers par heure pour un voyage moyen de 15 mn, soit au plus 38 voyageurs par bus
  2. Aux heures creuses : 5000/5 = 1000 voyages X 25% /8 = 31 passagers par heure soit au plus 8 passagers par bus

Ces chiffres corroborent tout à fait l’impression générale d’une circulation de bus vides aux heures creuses et à peine remplis aux heures de pointe, que les vitres teintées des nouveaux bus peinent à masquer.

Il est à noter que l’on considère qu’un Bus urbain doit circuler au moins avec 21 passagers à bord pour polluer moins que si les 21 passagers étaient seuls à bord de leur voiture individuelle.

http://www.atmopaca.org/files/et/081105_AtmoPACA_note_synthese_transport_colloque_ORT.pdf

Il apparaît ainsi d’une manière véritablement inquiétante  que, dans la très grande majorité de leur utilisation, les bus d’ IDELIS polluent d’avantage que leurs équivalents véhicules individuels et ce d’autant plus qu’ils tendent à circuler vides aux heures creuses. La ligne T2 dont la conversion en TCSP nécessitera 65 millions d’investissement supplémentaires ne fait qu’à peine exception à cette règle. D’autant qu’un coût annuel de fonctionnement et d’amortissement de cette ligne d’au moins 7 millions d’ € par année devra être envisagé. (amortissement des 65 millions sur 20 ans, intérêts de la dette, achat et amortissement de 6 Bus-Tram au moins , frais de personnel de conduite et frais généraux).

Il en coûtera donc à la collectivité 4, 6 € par voyage ou 10€ par aller-retour Hopital-CV ou, puisqu’il s’agit de voyageurs généralement réguliers et quotidiens, (comptons 2000 abonnés, sur les 5000 voyages AR effectués par jour), un coût de transit annuel par voyageur abonné de 3500€ environ dont il assumera à peu près 20% du coût, ce qui est parfaitement aberrant. Les grandes chenilles de 18 m cadencées à 10 mn seront vides ou presque 8 heures par jour et se révèleront donc inadaptées à leur fonction, tout en perturbant ce qu’il restera de circulation sur des axes aujourd’hui fluides et dégagés.

Il n’est donc guère étonnant que des études de plus en plus « poussées » (par nos élus inquiets) dont nous parle le SMTU nous proposent aujourd’hui,  un objectif de 3 000 000 de voyages par an sur cette ligne T2, soit un doublement des volumes actuels, qui ne suffiraient d’ailleurs même pas à justifier d’un tel investissement. Qui peut le croire si des contraintes de circulation absolument féroces ne sont pas mises en œuvre dans un centre-ville dont la faiblesse de l’offre commerciale ne lui sera d’aucun secours pour lui garantir un minimum de fréquentation, avec les conséquences mortelles pour lui qui en résulteront.

Sans hâter une conclusion et avec toutes les précautions que l’absence de statistiques détaillées officielles rend nécessaire (une preuve supplémentaire de l’intérêt d’une gestion transparente), il semble devoir se confirmer que malgré les énormes efforts accomplis pour séduire un public resté très fidèle à sa voiture pour des raisons qui tiennent à l’étendue de notre territoire, le réseau IDELIS est aujourd’hui très largement surdimensionné et très sous-utilisé. Et qu’il s’est enfermé lui-même avec le TCSP, dans une logique ou un pari particulièrement risqué, sinon perdu d’avance même si on lui plaque  dessus des arguments politiques ou écologiques dont la satisfaction s’établit à un coût très élevé pour la collectivité ainsi que pour la compétitivité des entreprises. Ceci sans impact véritablement démontré en matière de développement durable pourtant brandi comme une priorité, et sans que le projet lui-même ne soit ni complet (Parking relais toujours indéfinis) ni véritablement arrêté pour ce qui concerne d’autres mesures à venir en matière de circulation et de stationnement dans le centre ville.

Voilà ce qui arrive lorsqu’ on veut que l’organe précède et crée la fonction et que des élus visionnaires ou illuminés préfèrent les longues vues à focale fixe à une réflexion objective et pragmatique sur les besoins réels de la population.

(à suivre)

Cerise sur le gâteau..

Les vélos d’ Idécycle sont sortis chacun environ une fois tous les deux jours pour moins d’une demi-heure. 95% des emprunts sont donc gratuits..

Les autos d’ Idelib sortent elles chacune moins d’une fois tous les 3 jours au profit de leurs 200 abonnés essentiellement professionnels. Des entrepreneurs intelligents qui eux au moins récupèrent une partie de leur Versement Transport pour stationner gratuitement aux meilleurs emplacements de la ville.

A quel coût ? Je prends un risque….Parions sur un investissement supérieur à 1 million d’ € (véhicules, stations et informatique de gestion), auxquels s’ajoutent les frais récurrents de gestion et de maintenance de la flotte. Elle est pas belle la vie ? (bis)

Lire aussi:

IDELIS: les jolis comptes des faits (1)

IDELIS: La vie de Château (2)

IDELIS: Le tonneau des Danaïdes (3)

IDELIS: les idées lisses de l’air du temps (4)

IDELIS: l’ échec annoncé du Bus-Tram (5)

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10 commentaires

  • Parions qu’avec Château à la Mairie, ce surdimensionnement continuera et même s’amplifiera.. Ce n’est certainement pas le « père » de l’Idelis actuel qui remettra en cause quoi que ce soit.

  • Que voyez-vous avec des longues vues à focale variable ? Y-aura-t-il une conclusion et des perspectives à cette série d’articles très argumentés ?

  • Oscar: « Il est à noter que l’on considère qu’un Bus urbain doit circuler au moins avec 21 passagers à bord pour polluer moins que si les 21 passagers étaient seuls à bord de leur voiture individuelle.
    http://www.atmopaca.org/files/et/081105_AtmoPACA_note_synthese_transport_colloque_ORT.pdf »
    En terme de PM (particules moteurs j’imagine ?) C’est 10 fois plus qu’une voiture. Je ne sais pas quel est l’impact sur la qualité de l’air de cela.
    Au niveau carburant-CO2, c’est 5 fois. (25 litres à l’heure pour un grand bus, 5 litres à l’heure pour une voiture). Je retiendrai (peut-être à tort) principalement ce critère. « L’équilibre CO2 » s’effectue alors à 7 passagers par bus (5 voitures avec 1,5 passager).

    • Contribuable Palois

      RDV, vous êtes trop optimiste sur la consommation des bus.
      Selon les chiffres de l’Ademe les bus articulés les plus modernes , y compris les hybrides (qui consomment 15-20% en moins mais pour un prix d’achat fortement majoré) consomment en plat dans la fourchette 55-60 litres au 100 km (expériences de Limoges, Strasbourg, etc) quand on inclut chauffage et climatisation.
      On retombe bien sur les 21 passagers avancés comme « point mort » pour l’avantage du bus sur la voiture individuelle.

      • Les « km » ne sont pas le bon critère en milieu urbain. C’est la conso « à l’heure » qui sert de référence. En termes de conso, 1 heure en milieu urbain équivaut à 100 km sur route sans obstacle à 100 km/h constants pendant 1 heure.
        60 litres aux 100 km en milieu urbain… ça me paraît pas loin de 25 litres à l’heure comme je l’indique.

      • En termes de CO2 ou carburant, p7 du rapport on tombe sur un rapport d’environ 1 à 4 entre la voiture et le bus. (J’indiquais 1 à 5).

        • Il doit bien exister des bus à « super sans plomb », la question du NOx étant alors classée.

          • Il existe des bus à GPL ou à gaz naturel, moins polluants localement qu’un diesel.
            Il existe aussi, et c’est l’idéal, des bus électriques : les trolleybus.

    • Oscar: « pollution par NOx (oxyde d’ azote) une spécificité très dangereuse des moteurs Diesel ».
      Il faudrait voir des rapports médicaux contradictoires pour essayer de mesurer cela. Si qqun veut s’y coller…

  • Adishatz,
    Très intéressant, mais je reste convaincu de l’intérêt du projet.
    A mon avis les parkings relais sont la clef, tant qu’ils n’existeront pas, le bus sera boudé et à raison.
    Su les horaires je ne suis pas d’accord avec vous, il fallait cela pour que les usagers n’aient pas à faire des calculs savants avant de le prendre et ça c’est une bonne chose.
    Pour ma part, je vais réduire mon usage, car finalement le maillage n’est pas assez dense pour moi lol et dés que j’ai 2 changements à faire ou 10 mins de marche, sans compter l’attente du bus ben je prends la voiture.
    C’est bête, mais à Paris ou à Bordeaux ou Toulouse, je ne me pose pas la question…