Pyrénées : Définition à l'usage des politiques et des poètes (chapitre 2)
Dans sa modeste chronique oloronaise PYC nous présentait Pyrène comme : Un espace périphérique / Une réserve de biodiversité. Aujourd’hui, il ajoute…
1) Un espace qui n’a pas forcément conscience de lui-même.
L’état pyrénéen n’a jamais existé sauf à servir de frontière.
D’une part, il a largement servi à séparer et à générer définitivement les mondes français et hispaniques pourtant tous deux inclus dans le monde latin. Il en va de même pour la Navarre, dont Henri IV fut le souverain, petite principauté que la chaîne a scindé entre sa partie centrée sur Pampelune et ses quelques vallées basco-françaises (qui forment la bien nommée basse Navarre ).
C’est moins vrai pour l’Euskadi assez indifférent aux mondes englobant : français ou espagnols avec sa langue mystérieuse (l’euskara) et non indo-européenne.
Sans doute la vraie matrice humaine de la chaîne dont la toponymie nous dit qu’elle était parlée sur tout le massif, d’une part, et jusqu’à la frontière de la Garonne d’autre part. L’actuel pays basque n’étant que le dernier réduit coincé entre la haute montagne et l’océan. D’autre part de basque à vascon ou à gascon voire à biscaïen, il n’y a que des différences infinitésimales qui ne sauraient relever que du pur hasard.
Mais nous parlons là de la nuit des temps.
C’est un peu moins vrai, aussi, pour la Catalogne qui, hier comme aujourd’hui, a toujours regardé vers le grand large l’Europe et les seigneurs venus du Nord au détriment du monde proprement castillan ou de la couronne d’Aragon.
Par ailleurs, au plan administratif, les Pyrénées, prises dans leur ensemble, ou sur chacun des versants, sud et nord, n’ont jamais constitué un Etat ni même une province. Toujours une marqueterie de principautés, de micro-régions, de départements ou de régions autonomes. Mettons à part les possessions Foix-Béarn de Gaston Fébus, qui constituent plus un accident dynastique qu’un réel projet politique, ou les volontés d’indépendance de la maison d’Armagnac, voire du comte de Toulouse contre l’ogre capétien.
A ce propos la décentralisation des années 83/84 s’est bien gardée de créer une région Pyrénées que la géographie rendait pourtant évidente et qui aurait été centrée sur Toulouse. Ceci pour ne pas indisposer Bordeaux et Montpellier.
Il s’agit là non d’une péripétie mais d’une constance sur les grands massifs du monde sur lesquels s’agrègent sans jamais s’unifier les cultures, les civilisations, et les religions. C’est vrai pour nos Pyrénées, pour les Alpes, plus spécialement pour les Balkans ou pour le Caucase compliqué comme pour les Andes ou pour les Himalaya…
Ce sont des espaces où le temps dure plus longtemps. Ils agissent comme des conservatoires à tous les points de vue qui, en conséquence, ne peuvent ni ne doivent se transformer ni se diluer en états unifiés. Des conservatoires naturels de biodiversité, mais aussi des conservatoires culturels notamment pour les langues, les religions, et les coutumes qui peuvent se juxtaposer sans se détruire comme cela se fait en plaine ou sur les rivages des océans. La haute montagne sert ici de protection et de cantonnement. A cette aune les Balkans et le Caucase sont particulièrement édifiants.
2) Mais Alors quel destin pour nos montagnes du sud ?
Quel destin pour ce prisme asymétrique de 500 km de long qui joint l’océan à la méditerranée. Un prisme avec une ligne de crête qui atteint et dépasse les 3 000 mètres d’un bout à l’autre de la chaîne sur une largeur d’environ 200 kilomètres.
Rappelons, qu’en fonction de l’inégalité triangulaire apprise autrefois en classe de mathématiques, que ce volume, pour une même surface au sol, déploie par rapport à la Beauce ou aux Landes des surfaces incommensurables infiniment diversifiées par le gradient des températures ( environ 1 degré tous les 300 mètres).
Quelque chose dont on peut très bien se rendre compte en escaladant le Canigou (plutôt sur deux jours si l’on veut épargner ses mollets) depuis Vernet-les-Bains ou Baillestavy, voire Fillols ( environ 700 mètres) jusqu’aux quelques 2790 mètres du sommet; depuis également les plantations de pêchers ou d’abricotiers puis celles de pommiers voire d’amandiers ou de cognassiers puis de châtaigniers jusqu’à la forêt méditerranéenne ensemencée de pins, de chênes verts et enfin des forêts de montagne. Forêts de montagne trouées de clairières laissées par les troupeaux ont des excès d’exploitation où s’étagent les fleurs, les papillons et les coléoptères selon un ordre rigoureux des biotopes surdéterminés par l’altitude et l’orientation. Pour atteindre enfin les pierriers secs et déserts de la haute montagne inhospitalière.
Alors que faire de nos belles montagnes du sud enchantées par la présence (très discrète et contingentée ) de l’ours où coulent effectivement le lait et le miel. Certainement les respecter et les protéger. Mais, pour cela, une certaine logique économique s’y emploie, jusqu’à l’absurde, où les villes s’agrandissent indéfiniment sans rime ni raison.
Mais ces montagnes ont leur ombre portée. Une ombre portée au moins jusqu’à Toulouse, Bordeaux, Montpellier, Saragosse voire Marseille et Barcelone et même Bruxelles, Madrid, Rome ou Lisbonne.
Certainement les percer d’un grand tunnel à vocation ferroviaire sous les Pyrénées centrales, pour dégager les axes routiers avant que le prix de l’essence ait, très prochainement, fait le travail sans qu’on y ait pris garde. Sur le modèle de nos amis Suisses qui sont certainement les meilleurs experts et les meilleurs praticiens en matière d’aménagement de la montagne.
Cela avec des financements et des volontés européennes qui trouveraient là leur pleine légitimité. Sans doute finaliser la réouverture du Somport par les mêmes méthodes. Incidemment cela permettrait à Madrid d’être relié directement à Oloron quand le Réal viendrait jouer à Saint-Pée.
Pourquoi, également, ne pas imaginer des modes originaux de transport des biens et des individus via des téléphériques voire des dirigeables et des drones.
Utiliser, plus encore, les deux mers qui baignent la chaîne pour les mêmes finalités .
Certainement en s’appuyant sur les villes de Perpignan, Pau, Tarbes ou Bayonne. Réactiver les villes secondaires en fonction de leur spécificités comme Mauléon, Oloron Lanemezan, Sain-Girons, Saint-Gaudens, Quillan Limoux, Foix ou Prades. Cela notamment grâce à ce qui a commencé à se faire par des TER efficients pour succéder au tout voiture. Après s’il reste quelques services publics à réinventer, à moderniser et à mutualiser dans leur fonctionnement ( hôpitaux services postaux municipalités ), faire confiance au dynamisme des populations de ces villes secondaires qui restent très attractives pour leurs jeunes. Des jeunes qui ne rêvent plus, comme jadis, de Paris ou même de Toulouse ou de Bordeaux. Dans un second temps reproduire le schéma entre les villes de second niveau et leurs zones d’influence pour conforter leur qualité de capitale de micro-régions.
Éventuellement souffrir des espaces vides comme ultimes réserves de biodiversités où pourraient néanmoins se retirer, pour toujours ou momentanément, ceux qui souffrent de l’excès d’activité d’un monde dont on peut parfois douter du sens. Des zones (très marginales) pourquoi pas libérées des ondes téléphoniques des fesses-boucs et des touitosses et autre espèces nuisibles.
Toute cette seconde décentralisation ne se faisant pas seulement au bénéfice des retraités revenus au pays ou venus du Nord de la France ou du sud ou du nord de l’Europe.
Réinventer un tourisme d’hiver :
Aujourd’hui basé sur le ski alpin et tenu, désespérément, à bout de bras, par les collectivités au delà du raisonnable ( cf Gourette). Un modèle qui s’éteint de lui-même par l’absence accélérée de la matière première, la neige. Passer aux pratiques largement entamées autour des raquettes ou du ski de fond voire du ski de randonnée .
Conforter un tourisme des 4 saisons :
S’appuyer sur la thermalisme conforme à l’ADN du pays et présent depuis l’époque romaine dont les Pyrénées représentent le réseau le plus serré.
Surfer sur le retour à la nature en utilisant les nouvelles infrastructures de transport sus-évoquées.
Ne pas oublier de valoriser une agriculture d’excellence, notamment maraîchère et vivrière, que les villes réclament en valorisant les circuits courts et en cassant l’emprise, souvent mortifère, du tout supermarché en utilisant les réseaux de transport à faible coût énergétique. Le cas échéant en remettant en cause le monopole de la SNCF, particulièrement déficiente en matière de fret, ou en réactivant la navigation, éventuellement sur l’Adour ou sur la Garonne, voire en utilisant ou en creusant d’anciens ou de nouveaux canaux comme celui du Midi.
Dans tous les cas, les Pyrénées, bien après que nous ne sommes plus là, persisteront à dominer la plaine. Espérons que nos descendants pourront continuer à les parcourir et se nourrir de leurs espaces sacrés et courir danser, par des moyens appropriés, aux fêtes de Fillols ou à celles d’Esquiule .
– par Pierre Yves Couderc / Oloron
PS : comme promis la fois prochaine PYC sortira d’Oloron, du Béarn et même des Pyrénées pour, comme promis , s’intéresser à d’autres habitants rigolos des montagnes du sud : nos amis les corses ….
C’est certainement vrai que la pratique des raquettes du ski nordique et de ses dérivés ne viendra prendre la clientèle de l’alpin.
Néanmoins il faut savoir que 50 % de la clientèle en hiver ne skie pas.et trouve donc des occupations .Il suffit simplement de les complémenter.Là également le thermalisme peut être une solution.
Par ailleurs le ski est déjà un sport ruineux et penser que les pratiquants auront la volonté et les moyens de partir dans les alpes me parait hasardeux.
Certes le ski alpin est sport fun mais il convient de ne pas se voiler la réalité la neige ,comme les glaciers, sont en déliquescence d’où l’intérêt de trouver des alternatives ou des compléments quand on a le bonheur de l’avoir….comme cette année.
Enfin en reprenant l’exemple de Gourette que je connais bien on doit souligner l’impact esthétique et écologique catastrophique des canons à neige qui, de toute manière, ne fonctionnent qu’en deçà d’une certaine température…et grâce aux subsides du contribuable
Il y a maintenant des établissements thermoludiques près de toutes les stations de ski et c’est un plus pour l’activité économique des vallées en hiver. Il n’est jamais arrivé que les stations équipées de canons n’aient pas de neige pour les vacances de Noël. Supprimer le ski de piste serait un désastre économique pour les vallées.
Je ne connais pas les chiffres clés mais il serait intéressant des les connaitre. Pour Gourette, par exemple : nombre de journées skieurs, chiffre d’affaires, résultat net, total des charges dont le coût complet des canons (investissement + électricité), total des subventions publiques. Encore une fois, si qqun veut s’y coller…
par exemple:
« Réinventer un tourisme d’hiver : Aujourd’hui basé sur le ski alpin et tenu, désespérément, à bout de bras, par les collectivités au delà du raisonnable ( cf Gourette). Un modèle qui s’éteint de lui-même par l’absence accélérée de la matière première, la neige. Passer aux pratiques largement entamées autour des raquettes ou du ski de fond voire du ski de randonnée. »
L’argument cher aux écolos qui veulent fermer les stations de ski. Une reconversion des skieurs… oui, pour 5% d’entre eux. Pour les 95% autres, ils iront dans les Alpes, plus en altitude ou resteront chez eux… parce que le ski de piste est un sport de glisse, fun. Les raquettes, le ski de rando, c’est pour les randonneurs. C’est ni mieux ni moins bien, simplement différent et ne séduit qu’une part beaucoup plus faible de la population, et génère moins d’activité. Par ailleurs, je ne pense pas que l’activité ski ait baissé ces dernières décennies dans les Pyrénées. S’il y a moins de neige naturelle, cela a été compensé par la neige artificielle. Cette activité perdurera pendant encore 20 ou 30 ans.
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