Europe mon amour
Pierre-Yves Couderc redescend des Pyrénées et de ses étoiles cathares. Puisque qu’on demande à Monsieur Lamassoure son opinion sur l’Europe et qu’avec l’écologie c’est une de ses marottes, il donne son opinion sans même qu’on la lui demande.
AltPy – Une enquête d’opinion donne le Front National en tête des intentions de vote pour les prochaines élections européennes. Comment en est-on arrivé à ce niveau de rejet de l’Europe par les Français ?
Pierre-Yves Couderc – Les enquêtes d’opinion servent beaucoup à faire vivre les instituts de sondage. Surtout les baromètres mensuels qu’on nous sert à tout propos surtout de tout et de rien en guise de nouvelles. Alors que la Syrie flambe, que la Méditerranée charrie les cadavres et que pointent les élections européennes.
Cela dit, si on souhaitait sonder les européens sur leur attachement à l’Europe prenons les paris et disons que plus des deux tiers la verrait comme un solution et non pas comme un problème. Sauf, peut-être, nos amis anglais qui devront, le jour venu, s’amarrer ou larguer les amarres, se soumettre ou se démettre, choisir, ou pas, le politique contre le libre échange . Ce serait certainement regrettable, notamment en matière de défense et de continuité historique, mais c’est un choix qui leur appartient.
Le troisième tiers se trouvant à l’extrême gauche et à l’extrême droite. Notons que les forces montantes sociales écologiques ou libérales écologiques font partie des plus ardents défenseurs de l’Europe.
Les Européens trouvent l’organisation politique de l’Union Européenne bien éloignée d’eux. Les prochaines élections européennes vont-elles permettre de changer suffisamment la donne ?
Comme le dit très bien le très estimable Monsieur Lamassoure, l’Europe ne s’est pas faite en un jour et la logique des institutions va faire émerger, nécessairement, des partis européens. A notre humble avis même si Monsieur Lamassoure fait partie d’une famille (lâchons le mot qui fâche) fédéraliste, il s’agit de construire un modèle nouveau et non pas les Etats-Unis d’Europe qui broieraient les différences culturelles, les langues et les identités.
A ce propos l’Europe est la solution contre l’anéantissement par la mondialisation ou plutôt à un certain libéralisme frénétique d’essence anglo-saxonne qui s’est trouvé tout puissant en 1989 avec la chute du mur de Berlin.
L’enjeu est de monter la maison Europe au sein d’un monde multipolaire sur un modèle continental et certainement pas un gouvernement mondial. Un modèle pour dialoguer et bien sûr coopérer au bien-être commun et à la survie de la planète. Une maison Europe face à l’Amérique du nord, le cône sud-américain, la chine, le Japon et le sud-est asiatique, les Indes et l’Afrique . Peut-être construire également, au passage, une maison commune avec le continent russe selon la proposition de Gorbatchev où chacun garderait néanmoins son autonomie et pourquoi pas avec la Turquie qui, de son côté, fédérerait l’ Asie centrale d’essence turco-mongole. Cela dit, chacun aura à gérer son destin et trouver ses frontières sans oublier que la géographie, même dans un monde raccourci, reste un puissant déterminisme.
Au sein du sous-continent européen (de l’isthme aurait dit Braudel) qui s’est agrégé au sein de la communauté comme une traînée de poudre on pourrait résoudre la question de l’égalité des territoires et des langues. Des langues qui restent autant que les religions et les civilisations le ferment des identités. On pourrait, à cet effet, constituer des sous-groupes sur la base des Etats les plus peuplés l’Allemagne, la France, l’Italie auxquels pourrait s’agréger un monde hispanique, un monde balkanique, Yougoslavie (à nouveau fédérée). Grèce et Bulgarie, voire Roumanie, un monde slave autour de la Pologne et de la Tchécoslovaquie (à nouveau fédérée) et enfin un monde hanséatique autour du Benelux et de la Scandinavie.
Dans les instances les langues choisies par ces sous-ensembles pourraient ainsi constituer les langues de travail qui seraient en interne rediffusées selon l’heureux principe de la subsidiarité. Une construction un rien complexe mais bien ordonnée pour contrer l’envahissement de l’anglais.
Ces ensembles pourraient être également des unités d’œuvre dans les politiques communautaires qui, bien sûr, devraient favoriser et financer, d’abord les grandes infrastructures d’intérêt continental. Une fois progressivement définis les chenaux fiscaux et sociaux à l’intérieur desquels les Etats pourraient naviguer.
Après tant et tant d’années au service de l’Europe, n’éprouvez-vous pas un sentiment d’échec ou d’amertume ?
Échec certainement pas. Car l’Europe est aussi la bonne dimension pour gérer la crise écologique qui menace notre survie…(Même si d’aucuns, dont nous ne sommes pas, considèrent, qu’après tout, la disparition des hommes ne serait pas forcément une catastrophe. Juste un épiphénomène dans l’évolution) .
Une bonne dimension pour être tout à la fois un exemple et un ferment…sans pour cela donner des leçons à tous et à chacun mais en étant ferme sur ses positions.
De toutes manières les questions écologiques, traitées au niveau européen, sont premières et prioritaires par rapport aux questions sociales et économiques. Des questions qui qui ne peuvent être correctement traitées que sur le terreau fertile des équilibres fondamentaux. Des grands équilibres pour reprendre les mots de Raymond Barre, un européen d’essence sociale libérale… un peu comme Monsieur Lamassoure.
– par Pierre-Yves Couderc / Oloron
Quelques remarques:
«si on souhaitait sonder les européens sur leur attachement à l’Europe prenons les paris et disons que plus des deux tiers la verrait comme un solution et non pas comme un problème»
Tout à fait d’accord mais avec une gestion humaniste et non économique néolibérale; l’Europe des gens «rois» et non l’Europe de l’argent «roi».
« Car l’Europe est aussi la bonne dimension pour gérer la crise écologique qui menace notre survie… »
Bien d’accord, mais il faudrait alors une autre gestion de l’Europe; le néolibéralisme spencérien qui la dirige actuellement n’est absolument pas dans la bonne voie!
«un modèle nouveau et non pas les Etats-Unis d’Europe qui broieraient les différences culturelles, les langues et les identités»
L’Allemagne, le modèle qu’on nous cite sans arrêt, n’est-elle pas une fédération de régions?
Il en est de même de l’Argentine, Australie,….Canada,.., Brésil,.., l’Espagne,…, Pays-Bas, Etats-Unis……..
Les différences culturelles ne sont pas broyées, les bavarois se sentent allemands, mais aussi bavarois (avant tout peut-être!).
Bien sûr, le rouleau compresseur de la mondialisation et du mondialisme, en dehors de tout fédéralisme, nivelera, très probablement, dans l’avenir, ces valeurs.
C’est peut-être, au contraire,un frein contre l’uniformité!
Il en a été de même en France au cours de son histoire! La France est une ancienne «fédération»qui s’est unie dans la douleur mais qui n’a pas, finalement, trop mal réussi!
« Une maison Europe face à l’Amérique du nord, le cône sud-américain, la chine, le Japon et le sud-est asiatique, les Indes et l’Afrique »
« il s’agit de construire un modèle nouveau et non pas les Etats-Unis d’Europe qui broieraient les différences culturelles, les langues et les identités. »
Seul un modèle fédéraliste permet de donner un poids à l’Europe qui correspond au total de ses adhérents. Tout autre modèle ne fait peser l’Europe que du poids du plus lourd de ses adhérents, et encore.
Aujourd’hui on le voit tous les jours, l’Europe est un nain politique.
Quant a broyer le passé (les langues les cultures, etc…) c’est le temps qui s’en charge.
Autant accélérer les choses.