La gangrène

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rodin penseurEssayons de cerner le phénomène de fond auquel on assiste en ce moment dans le pays : le délitement de l’autorité de l’exécutif, la montée de la xénophobie, du racisme et du populisme.
Les commentateurs français s’en sont donné à cœur-joie pendant des mois au sujet de la faiblesse de l’exécutif. De sorte que les journalistes étrangers ont eu des portes ouvertes pour leur « bashing » (déglinguage, lapidation, lessivage) du chef de l’Etat français. Rien d’étonnant de la part de nos amis anglais ; mais ils ont été rejoints par bien d’autres. Ils semblent avoir oublié que François Hollande a fait bouger les lignes sur la question de l’austérité, et que par ailleurs, il n’a pas trop d’appui dans la lutte contre le terrorisme au Sahel.

Le cas Léonarda, a fait couler bien trop d’encre. L’allocution du Président de la République était certes renversante. Mais sur le fond, en inversant l’ordre de son discours, on aurait pu le louer de reconnaître une maladresse de l’administration et de manifester un peu de générosité pour cette jeune fille (qui a tout de même manqué la classe pendant 21 demi-journées sur 27 jours) et de finalement rappeler les principes de la République, et notamment l’espace protégé que doit constituer l’école. Qu’il ait cherché à désamorcer un mouvement qui risquait de prendre de l’ampleur auprès des jeunes est habile, peut-être un peu trop habile. Mais rattraper une bévue de l’administration par un peu de générosité n’est pas une faute.

Ce qui serait une faute serait de contribuer à une fracture au sein de la société française entre ceux qui rejettent aveuglément tous les immigrés et ceux qui candidement nient l’évidence d’une inquiétude et d’une lassitude. Entre ces deux courants les Français sont sommés de choisir. Il est probable que la majorité d’entre eux rejette la constitution de ghettos, de zones de non-droit, de règlements de comptes au fusil mitrailleur. Cette majorité est effarée de découvrir dans le journal local qu’un seul individu s’est rendu coupable de la moitié des cambriolages commis durant l’été dans l’agglomération et que son nom est de consonance arabe. Par ailleurs, elle ne comprend pas qu’il ait fallu attendre 5 ans pour qu’une famille vivant dans l’illégalité, le mensonge, la brutalité et refusant de travailler mais vivant des subsides de la nation ait été sommée de partir. Aussi, comment s’étonner que le contribuable qui apprend qu’un détenu coûte en moyenne 33.000 euros par an (à comparer avec le soutien à un chômeur) ait l’idée de demander à son gouvernement de signer des accords afin que les détenus d’origine étrangère soient remis à leur pays d’origine ? Ces pays demanderaient légitiment une compensation financière, mais celle-ci pourrait servir à améliorer le sort sur place des candidats au départ.

Mais au-delà de ces faits divers, on ne donne pas aux citoyens les moyens d’évaluer sereinement le phénomène de l’immigration. Les statistiques ethniques sont interdites et l’on ne sait pas si les différences de natalité entre les différents groupes vivant sur le territoire vont contribuer à bouleverser la physionomie du pays à une échéance rapprochée ou si ce n’est pas le cas. On sait qu’au Québec, il a fallu deux cents ans pour que la population francophone passe de 60.000 habitants à 6 millions et qu’aux États-Unis les hispanophones vont constituer un groupe prééminent. Mais mesure-t-on le rôle des immigrés dans l’économie de notre pays, notamment pour des métiers dont les Français de souche ne veulent pas ? L’absence de pensée réfléchie engendre des peurs et des phobies. Or la peur, comme la colère, est mauvaise conseillère.

Aussi, soulever la question du droit du sang plutôt que le droit du sol n’est pas opportun, même s’il peut paraître absurde de donner la nationalité française à une personne née à l’occasion d’un déplacement. Une telle révision ne peut se faire que dans la sérénité, et avec un respect pour l’autre, en assortissant une telle révision de droits accrus pour les étrangers, pas seulement en matière de droit de vote aux élections locales. Nous ne sommes plus au temps des Trente Glorieuses ; il faut en tenir compte et désamorcer les sentiments xénophobes. Mais il faut le faire par des actes appropriés (notamment à la situation de l’emploi) et mesurés. Et écarter et punir les gesticulations, les conduites racistes qui dégradent.

Une autre cause constitue un terreau pour le Front national. C’est le dégoût de la politique et des politiciens. Tant d’hommes politiques sont mis en cause par la justice ! La liste est si longue et pas seulement localisée en région parisienne avec les Balkany, Dassault, Tiberi, Woerth, etc. Ni limitée à la droite : l’affaire Cahuzac a été un déclencheur. Mais le summum a été atteint par Sarkozy qui a réussi jusqu’ici à passer entre les gouttes. Il est sidérant qu’il soit considéré comme un sauveur potentiel par une si large fraction des citoyens alors qu’il est entouré d’une nébuleuse d’affaires sulfureuses. Sa prouesse n’est approchée que par Berlusconi. La référence est hélas éloquente pour l’état moral de la France. Oui, on peut avoir mal à la France, pays des lettres et des idées comme on peut avoir mal à l’Italie, pays des arts et de la beauté. Si les tricheries, les coups fourrés suscitent la colère et le dégoût, la généralisation est abusive. La politique peut avoir sa noblesse. La recherche de compromis n’est pas un jeu facile : bien des décisions ont leur revers. Ce devrait être le rôle des médias que d’expliquer cela. Pour l’instant, poussons un petit « Ouf ! » L’exécutif n’a pas abdiqué face aux footballeurs. Il résiste encore aux bonnets rouges. Nous n’avons pas atteint la situation du Chili en proie aux grèves des camionneurs qui ont amené l’arrivée de Pinochet. Mais la vigilance est de mise.

– Paul Itologue

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3 commentaires

  • Le problème, c’est que chaque français pense à son emploi, quand il en a un bien sûr, son portefeuille dans notre société consumériste, égoïste et le reste… lui importe peu finalement. L’immigré, l’étranger passe pour un profiteur au mieux, un voleur au pire et cela fait le jeu du FN, jeu qui devient très très dangereux maintenant et… rendez-vous aux élections municipales et européennes ! On en reparlera…

  • « montée du racisme »
    Cette histoire à propos de C. Taubira est utilisée pour faire diversion par rapport à la situation économique et sociale. Evidemment, les auteurs de propos racistes doivent être condamnés, lourdement, mais pas la peine de se concentrer sur cette histoire.

  • Ce phénomène de fond s’amplifie depuis 1973, premier choc pétrolier. Appelé crise il est la résultante du déclin d’une forme d’organisation de la société et de l’émergence d’une nouvelle forme d’organisation sociétale.