Gaz de schiste, pour ou contre ?
L’Amicale des Foreurs a adressé à Alternatives Pyrénées la réaction de l’un de ses membres au communiqué de presse de Corine Lepage, député européenne et Jacques karbal député-maire de Châreau-Thierry.
Deux points de vue diamétralement opposés bien sûr. Mais leur lecture simultanée nous a semblé pouvoir aider nos lecteurs encore indécis à se forger une opinion.
Le communiqué de Presse – 11 octobre 2013
La loi du 13 juillet 2011 interdisant la fracturation hydraulique est conforme à la constitution Jacques Krabal, député-maire de Château-Thierry et Corinne Lepage, député européenne saluent la décision des sages A travers la décision n° 2013-346 QPC du 11 octobre 2013, le conseil constitutionnel vient de rejeter assez sèchement la requête de la société Schuepbach tendant à contester la constitutionnalité des articles 1 et 3 de la loi Jacob. Il a considéré qu’il n’y avait aucune violation de l’égalité devant la loi dans l’interdiction du recours au procédé de fracturation hydraulique pour l’exploitation des mines d’hydrocarbures alors que ce procédé est autorisé pour la géothermie ; que le but poursuivi était bien un but d’intérêt général. Il a également rejeté la violation prétendue du droit de propriété et du respect des situations légalement acquises en considérant que les autorisations n’étaient pas des biens objets d’un droit de propriété. Enfin et surtout il a considéré que l’interdiction du recours à la fracturation hydraulique ne méconnaissait pas le principe de précaution.
Ce faisant, le conseil constitutionnel refuse d’ouvrir la voie comme il y était pressé à la fracturation hydraulique en France. C’est une bonne nouvelle pour l’environnement mais c’est aussi une excellente nouvelle sur le plan économique. En effet, contrairement à ce qui est affirmé, le coût de l’exploitation, déjà déficitaire aux États-Unis, serait très élevé en Europe, et ce sans compter les coûts immenses de la pollution de l’eau et des conséquences économiques pour les exploitations agricoles. L’obligation d’une étude d’impact préalable votée cette semaine par le Parlement européen et la responsabilité accompagnée d’une assurance obligatoire devrait anéantir la rentabilité d’une exploitation qui menace nos territoires. En revanche, la porte est ouverte au développement massif des nouvelles technologies qui, permettent déjà aujourd’hui de fabriquer du gaz à partir des énergies renouvelables.
Avec cette décision, la France va très certainement entraîner en Europe au-delà des trois autres pays qui ont déjà instauré un moratoire, un mouvement en défaveur d’une exploitation des gaz de schiste que les populations européennes rejettent et en faveur de nouvelles technologies capables d’assurer notre autonomie énergétique sans anéantir nos territoires.
L’association des régions (départements et communes) sans gaz de schiste que nous sommes en train de créer au niveau européen sur le modèle des régions sans OGM y veillera.
Corinne Lepage, Député européenne (*) Jacques Krabal, Député-maire de Château-Thierry (**)
La Réponse de Gérard Medaisko
Monsieur le Député Maire,
Je viens de lire le CDP que vous avez rédigé en commun avec Me Arnaud Gossement, transfuge du Cabinet Huglo-Lepage dont la position anti gaz et huiles dits de schiste est bien connue.
Je m’adresse à vous en tant qu’élu du peuple français car vos déclarations vont à l’encontre du redressement productif que défend Monsieur Montebourg avec beaucoup d’âpreté. Son slogan « Made in France » devrait résonner à vos oreilles quand il s’agit d’une ressource nationale éventuelle que notre pays achète à l’étranger avec des devises qu’il n’a pas. Je me permets de vous rappeler que les Français ont le droit inaliénable de savoir ce que contient le sous-sol de leur pays: c’est l’un des fondements du Code Napoléon.
Je suis géologue-conseil et comme tout un chacun je connais la position irraisonnée et irraisonnable du Chef de l’Etat en ce qui concerne les hydrocarbures fossiles en général et les gaz et huiles de schiste en particulier. Toutefois, je n’ai pas vu de gazogènes sur les deux berlines de luxe qu’il vient de commander en cette période de disette et je n’ai trouvé aucun cours sur les hydrocarbures dans le cursus de l’ENA qui puisse lui permettre d’étayer sa position.
Quant au préfet Martin, ancien député du Gers chargé des relations entre le Gouvernement et l’ultra-gauche avant de devenir Ministre de l’écologie du développement durable et de l’énergie (quel euphémisme!) il agit dans la droite ligne de ses prédécesseurs immédiats et même plus lointains. Je songe à Dominique Voynet qui a torpillé le canal du Rhône au Rhin, condamnant ainsi à une mort lente le port de Marseille et privant votre département de retombées économiques éventuelles. On l’a nommée Sénatrice pour récompenser son action. Je songe à Yves Cochet et au bestseller qu’il a écrit à l’époque et qui a pollué les esprits mais qui, depuis, est devenu député européen. Je songe à l’éphémère Nicole Brick qui, par sa bêtise a gagné ses galons de Ministre du Commerce extérieur bien que ne parlant pas un traître mot d’anglais ou encore à Delphine Batho surnommée le Titanic pour avoir fait toucher le fond à notre industrie, mais ce ne sont pas les seuls Ministres de l’environnement dont on pourra mettre les portraits sur le mur d’enceinte de l’hôtel de Roquelaure, faute de pouvoir y élever un mur spécialisé car le site est classé: Estrosi, NKM, Fillon et bien d’autres…etc. Martin parviendra à ses fins: réduire la consommation d’énergie de 20 puis de 50% car il lui suffira d’en accroître le prix que beaucoup de foyers français ne peuvent déjà plus payer.
Mais je suis optimiste car il ne faut jamais dire fontaine je ne boirai pas de ton eau. En 1937, un Secrétaire des Mines du Gouvernement de Front Populaire du nom de Paul Ramadier a relancé l’industrie pétrolière dans son département et, indirectement, conduit à la découverte du gisement de Lacq, le 19 Décembre 1951. Qu’il me soit permis de citer l’un de mes blogs:
Autres temps autres mœurs, le Parti Socialiste n’a pas toujours été opposé à la recherche des hydrocarbures fossiles, bien loin s’en faut. Que l’on se rappelle Paul Ramadier, nommé sous-secrétaire d’Etat aux Mines et aux Combustibles liquides du gouvernement de Front populaire en 1937 : il relança la recherche pétrolière en France. A son initiative fut créé le Centre de Recherches de Pétrole du Midi (CRPM) qui était alors chapeauté par l’Office National des Combustibles Liquides. Le CRPM fut à l’origine de la découverte du champ de gaz de Saint-Marcet, non loin de Saint-Gaudens, le 14 juillet 1939. Puis il participa à la création de la Régie Autonome des Pétroles (RAP) quelques mois plus tard et, en 1941, à celle de la Société Nationale des Pétroles d’Aquitaine (SNPA) dans laquelle l’Etat détenait une participation de 55%. Le 19 décembre 1951, la SNPA découvrit le champ de gaz de Lacq profond qui pendant 60 ans fut un des fleurons de l’industrie française et qui n’a peut-être pas dit son dernier mot !
Voilà l’histoire d’une audace payante et réussie. En effet, l’incroyable gisement de 260 milliards de mètres cubes de gaz venait d’être découvert mais hélas, cette aubaine était enfouie profondément à plus de 3 000 mètres sous la surface. Pis, ce gaz était riche en gaz carbonique CO² et en hydrogène sulfuré SH4, produits extrêmement corrosifs qui mettaient à rude épreuve le matériel traditionnel. D’autres auraient jeté l’éponge, considérant que ce trésor était techniquement trop toxique et inexploitable. Mais le génie « français n’a pas baissé les bras face à ce défi de taille ! On mit au point un acier spécial capable de résister aux gaz corrosifs, on inventa de nouvelles méthodes, on perfectionna les techniques, on automatisa et en 1955 on put produire du méthane, de l’éthane, du butane, du propane, du pétrole et du soufre. A partit des années 60, près d’un tiers de la consommation nationale de gaz était produite sur le territoire national, une indépendance énergétique dont on n’ose rêver aujourd’hui alors qu’elle est peut-être possible. Une région autrefois agricole prenait son envol industriel, et des futurs champions de l’industrie naissaient : la Société nationale des pétroles d’Aquitaine (ancêtre d’Elf Aquitaine devenue Total depuis) les aciéries de Pompey et Vallourec.
Pourquoi n’autorise-t-on pas aujourd’hui un programme aussi ambitieux sur les hydrocarbures dits de schiste afin d’en récolter les fruits sur le long terme ? La réponse est simple : en 1955 il n’y avait pas d’écologistes et Jacques Chirac n’avait pas encore inventé le principe de précaution que l’on a dévoyé dès sa naissance pour en faire un principe d’inaction. Aurait-on eu les chemins de fer à vapeur à la fin du XIXème siècle avec leurs escarbilles qui brûlent tout sur leur passage, les mines de houille avec les chevaux condamnés à vivre dans le noir en fond de mines et ces affreux terrils instables en surface, les barrages qui noient des régions entières, le nucléaire avec ses déchets radioactifs et plus récemment…les TGV et l’aéroport de Roissy ? Nous en serions restés au temps des diligences si les gouvernements d’alors s’étaient conduits comme ceux d’aujourd’hui. Le progrès ne nait pas de la génération spontanée, il faut créer les conditions de son apparition et l’encourager au lieu de l’entraver.
Entre-temps, devenu Premier Ministre en 1945, Paul Ramadier bouta les ministres communistes hors de « son gouvernement car ils s’opposaient systématiquement à la ligne politique qu’il s’était fixée. L’histoire se « répète dit-on: à bon entendeur salut!
Je vous adresse, Monsieur le Député Maire, mes salutations distinguées.
Gérard Medaisko (*)
Entre hardiesse et prudence que faut-il choisir ? A vous de trouver votre réponse à ce dilemme fondamental pour l’avenir
– par Altpyrédac
(*) Gérard Medaisko : Géologue-conseil, Docteur-ès-Sciences, ancien conseiller technique en exploration pétrolière du Secrétariat Général des Nations Unies, Membre Adhérent à L’amicale des Foreurs et métiers du pétrole.
Les écologistes confondent le court terme et le long terme. A long terme, il est évident que l’on devra supprimer toutes les sources énergétiques produisant du CO2 afin de diminuer l’effet de serre. Le gaz de schiste fait donc partie des sources d’énergie qu’il faudra supprimer. Mais à court terme, c’est à dire dans la vingtaine d’années qui viennent, la France va manquer de gaz, le prix du gaz va continuer à augmenter. La pénurie de gaz va toucher notre industrie ainsi que le chauffage domestique. Les gens pauvres ne pourront plus se chauffer en hiver. Il me semble donc indispensable de faire quelques puits d’essai, sous contôle sévère de l’état, pour savoir si le sol français contient du gaz de schistes en quantité exploitable et pour montrer qu’il est possible de l’exploiter sans nuire à l’environnement.
Bien au contraire, les « écologistes » raisonnent à long terme, et sont même parmi les seuls à le faire (en tant qu’entité je veux dire, car au niveau individuel on trouve heureusement des politiques qui raisonnent à long dans tous les partis).
Se jeter sur le gaz de schiste pour gagner 10 ans c’est forcément populaire sur le coup, mais c’est juste repousser le problème. Problème qui sera d’autant plus douloureux à résoudre qu’on le repousse.
Avant de se poser la question du gaz de schiste, il y aurait bien des mesures à mettre en œuvre: obligation du solaire thermique ou de la géothermie pour tout logement neuf, obligation de rénovation thermique pour les logements anciens (= consommation de gaz très fortement réduite), obligation de compteur gaz individuel dans les immeubles où le système est collectif.
Les américains montrent l’exemple du « je me fous de l’avenir de la planète » avec leur consommation d’énergie polluante par personne de l’ordre du double de celle d’un européen qui, elle-même, pourrait être « facilement » réduite de moitié. De l’énergie polluante pas chère, il y en a malheureusement encore pour très longtemps (pétrole + gaz + schistes + charbon + uranium).
Comme l’avait dit je ne sais plus qui ici, la réussite de Lacq c’est aussi une réserve accumulée depuis des millions d’années et entièrement consommée en 60 ans : 2 générations, soit une goutte d’eau à l’échelle de l’histoire de l’humanité. Le gaz de schiste nous mènera où ? Au mieux à prolonger ce modèle de développement d’une génération, et encore (les premiers gisements exploités aux USA déclinent déjà, malgré des centaines de forages effectués pour maintenir la production). Cela ne fera que repousser de quelques années ce moment inéluctable où l’humanité devra apprendre à vivre autrement. Il y en a qui essaient d’anticiper ce moment, et d’autres qui vivent dans le déni.
Monsieur le géologue conseil, le passé c’est le passé et aujourd’hui l’heure n’est plus aux énergies fossiles mais aux énergies renouvelables, au développement durable et à l’économie circulaire. Entrée dans la phase de la transition énergétique, économique, sociale et culturelle la société n’en veut pas de votre gaz de schiste. La société ne veut plus d’une exploitation qui pollue, qui intoxique et qui met la santé des personnes en péril.