Jorge Jésus Barroso di Maria, un paroissien singulier.

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JesusAprès ses escapades poétiques vers la cité d’Orthez de 1924, monsieur PYC, encore tout émotionné par son entrevue avec Francis Jammes, le grand poète bucolique des Basses-Pyrénées, revient sur ses terres oloronaises. Il revient à des sujets plus familiers, moins ambitieux sans doute. Anghkoorqueue.

Pour cela en cette année de grâce 2014, il prend langue avec monsieur Jésus Barroso di Maria, chef d’équipe chez Bordatto la plus importante entreprise de travaux publics sur Oloron.

PYC : Monsieur di Maria qui êtes-vous ?

Je suis Jésus Barroso dit Maria. Jorge Jésus exactement.

PYC : Vous les portugais Barroso, Soares Mutin, Gonsalves-Carrasco Guerreiro-Ferreira, D’Almeida Carvalho on peut passer toute l’équipe de Monaco ou les si fringants capitaines du 25 avril je ne comprends toujours pas comment cela fonctionne.

Eh oui ! Pour un français même un Béarnais pourtant habitué au nom double dont l’un est celui de la maison, c’est un peu compliqué.
C’est comme la sainte Trinité le Bon Dieu, le père par excellence son fils le Christ sur sa croix de supplicié mais aussi Jésus prophète vaguement hippie, plutôt progressiste, fils de sa vierge de mère et de Joseph son benêt de père …mais José et Maria, la crèche, les enfants qui rient dans la paille à s’en étouffeur de joie tout cela je connais très bien. Un bonheur infini, l’image radieuse de la création. Toute mon enfance avec mes 8 frères et sœurs dispersés en Béarn et sur le vaste monde.

PYC : Bon revenons à nos moutons

Je suis de Belmonte dans le Beira Baixa dans la partie centrale et montagneuse du Portugal qui jouxte la si joliment nommée Sierra de Estrella… Je ne te ferai pas l’injure de traduire… C’est la ville d’Alvares Cabral qui découvrit les terres brésiliennes. Ma très sainte Mère venait de Sétubal sur la côte au sud de Lisboa.

PYC : Sétubal la ville de Mourinho ?

Exactement

PYC : Parle-moi de ta famille.

Au Portugal mon pauvre père était charpentier et, comme tous les Portugais, il avait quelques vignes, une brassée de poules, deux ânes et une douzaine de chèvres. Belmonte c’est, entre autres, la ville des Juifs du Portugal, des marranes si tu veux. Ceux qui sont restés en 1492, envers et contre tous, envers et contre tout, plus ou moins cachés pendant des siècles. Des chrétiens de la main gauche si tu veux qui cachaient le talmud sous les évangiles. Contrairement, par exemple aux Mendes ou aux Perreira qui ont été tellement importants dans l’histoire politique et économique de la France. Très singulièrement dans celle de l ‘Aquitaine.

PYC : Alors il se pourrait bien que toi, Jésus, tu sois juif un peu.

Tu peux dire ça comme ça !
Mais il faut reconnaître que la personne la plus importante de la famille c’était ma très sainte Mère, ma si jolie maman, encore que nous les Portugais restons un peu « macho » comme vous dîtes vous les Français. Nos femmes aussi il est vrai… au point d’hésiter à retourner au pays. Pour elles, la France c’est le pays de l’eau en abondance, des fromages et de la liberté.
Mon père, déjà très retenu de nature, était très intimidé par elle. Même s’il était très jaloux il ne l’insultait jamais et, bien sûr, n’a jamais levé la main sur elle. Même quand il avait un peu trop bu en faisant, une par une, les caves entre Belmonte et Covilha…
Pourtant je crois bien qu’il se demandait s’il était vraiment mon père, mon père biologique, comme on dit en ces temps nouveaux de mariage pour tous.
D’autant que je suis né alors qu’il faisait la guerre à nos pauvres frères du Mozambique.
Eh oui effectivement…
Mais il m’a raconté, alors que nous l’hébergions avec mon épouse, dans ses dernières années de vie, quand j’étais chauffeur aux « cars souletins » à Mauléon, une filiale de la maison Harismendy de Saint-Jean-de-Luz, une histoire hallucinante.
Et pourtant, le pauvre homme, il ne fumait que du gris et comme diraient mes fils du strictement naturel SCA (sans chanvres ajouté).

PYC : Tu as des enfants ?

Sans soute beaucoup d’autant que je suis un peu le père et le fils.

PYC : Plus ou moins sain d’esprit.

Il est vrai que nous, les Jorge Jésus avons la réputation d’être un peu agité, un rien hallucinés.

PYC : Et l’histoire de tes parents ? Continue !

Pendant ses 4 années de guerre en Angola et au Mozambique il n’est revenu qu’une fois en 1966 au Portugal où ma mère, avec des cousins et la belle famille, vivotait en exploitant les quelques champs. Du blé au pied du mont des oliviers appartenant à la famille de mon père. Le Portugal de ces années-là, pour les pauvres au moins, c’était de petites parcelles où on faisait de tout un peu comme en Béarn ou au Pays Basque. Ou dans la Judée et la Samarie romaine entre Jéricho et Tibériade. Ma mère gardait également des enfants d’officiers de Covilha ou de Belmonte. Les enfants l’adoraient. Elle les faisait mourir de rire avec de terribles grimaces et, par ailleurs, les protégeait de la sévérité excessive de leurs familles. En cachette ces enfants venaient, avec nous, dormir et rigoler dans la paille.

PYC : Un peu comme les jeunes filles portugaises les mieux éduquées garderont les enfants des officiers supérieurs basés à Pau. Notamment ceux de l’ETAP.

Si tu veux. Tu vois, quand tu fais des efforts, tu comprends vite.
Toujours est-il qu’il n’avait pas vu de femmes pendant ces longs mois africains sauf, peut-être, quelques Marie-Madeleine à la peau d’ambre foncé.

PYC : Tu veux dire des filles à soldats racolées pour quelques piécettes pour leur faire réviser la position du missionnaire.

Je t’en prie ne parle pas de ce que tu ne comprends pas.
Toujours est-il qui passa 3 nuits avec Marie dans la soupente qui servait de réduit amoureux ; les autres chambres étant réservées aux troupes d’enfants qui dormaient à quatre par lit. Les plus belles nuits de sa vie Et là, même si on parle rarement de cela entre hommes, il m’a confié qu’ils se tinrent les mains durant ces quatre nuits en pleurant de miséricorde et d’amour.
Et moi je vins au monde en février 1967 sur la même paille encore mouillée des fruits de leurs amours.

PYC : Entre l’âne et le bœuf .Et c’est Melchior et Balthazar qui apportèrent un couffin acheté en promo à carrefour à Lescar avec une médaille ramenée de Fatima. Et je parie que les larmes entre les mains de Marie sur sa poitrine menue étaient plus poisseuses que translucides.

Comme je te plains mon pauvre Pierre-Yves et vous autres pauvres Français qui êtes plein d’orgueil et de suffisance : le pire des péchés celui contre l’esprit et l’élévation. Contre l’humilité qui est pourtant la grâce suprême. Vous qui, je le crains, vénérez plus San-Antonio (le commissaire) que Saint-Antoine.
Quelle est le sens de votre vie ?

PYC : Si cela peut te rassurer j’ai beaucoup plus lu Bernanos que Frédéric Dard. Et j’ajouterai pour devancer tes paroles :
« Beati pauperes spiritu, quoniam ipsorum est regnum »
Tu vois je connais mes classiques même si j’ai fait du vrai latin à l’école et du vrai celui de Salluste et de Cicéron pas celui qui suinte la sacristie et l’ennui.
Mais bon que la paix soit entre nous. Vous faites quoi à Oloron ?

Tiens tu me voussoies maintenant ?
Il est vrai qu’en portugais comme en araméen nous nous vouvoyons entre mari et femme entre José et Maria, entre parents et enfants, entre Christ et Chrétiens. Enfin de mon temps. Pas comme ces chers voisins espagnols pourris d’orgueil et usés par la movida, qui sans les Portugais et les Argentins du Réal ne seraient jamais venus au stade de la Luz. L’antre sacrée du Benfica de Lisboa.

PYC : Je te laisse l’entière responsabilité de tes terribles blasphèmes et de ces égarements verbaux.
Pour le voussoiement, c’est comme avec les trop jolies femmes ou plutôt les plus mystérieuses, vous m’intimidez.
Quant à l’araméen arrêtes de faire ton kéké tu sais que dans les anciennes langues sémitiques les pronoms personnels sont inconnus.

En fait je vis entre Oloron, Mauléon et Rébénacq. Maïtena, mon amie basquaise, travaille chez les petites sœurs des pauvres au foyer « ma maison » à Billère. Un foyer où plus du tiers des personnels de service, surtout les femmes, sont portugaises. Question de vaillance et peut-être, pour certaines au moins, d’empathie. Enfin je veux le croire…
Il est vrai que beaucoup des sœurs sont indiennes. Elles ont vécu dans nos anciennes colonies comme Goa ou Macao. Tu sais les indiennes en matière de sainteté, c’est quelque chose.

PYC : Surtout quand elles se sont faites sœurs par chagrin d’amour.

Eh oui, bien sûr. Je ne vois pas le problème. On peut très bien épouser le Christ, vivre et s’abandonner en lui comme il est mort pour nous, pour ne pas avoir épousé un homme. Etre fidèle aux deux, êtres fidèle aux dieux. On dirait que la mystique et toi cela fait vraiment deux…

Mais aux dernières nouvelles, c’est le conseil général qui devrait prendre le relais. Les sœurs se font rares et aussi les bénévoles qui viennent, gracieusement, donner des coups de main aux pensionnaires et aux pères blancs qui, eux aussi, ont droit à leur retraite.
Tu sais comment cela fonctionne ces dames travaillent 35 heures. Au boulot, 15 heures de ménages par-ci par-là et 15 heures au jardin pour soigner les poules et les lapins. Le samedi soir pour les célibataires, réelles ou supposées, un tour pour s’éclater à la Marina à Soumoulou avec les copines éventuellement pour trouver un fiancé, plutôt un français, et le dimanche à la messe. Enfin la messe surtout pour les plus âgées. Encore que François, le nouveau pape, ramène du monde dans les églises surtout que c’est un Italien déguisé en Argentin. Un vrai latin sans trop d’espagnol en lui.

Mais Pierre Yves arrête de faire semblant c’est un monde que tu connais très bien. J’ai lu ton joli article du 13/12/2013 Béarn/Portugal, une histoire inachevée (La révolution des œillets Lombardi les plaines agricoles de Meillon). Tout ça, tout cela.

PYC : Oui mais là je t’arrête c’est une histoire très intime. Ce sont mes oignons. Cela ne regarde personne.
Jésus, vous lisez la presse sur internet ?

Non, mais je vois tout ce qui est dans l’esprit et dans le cœur des hommes. Eh puis, mes enfants sont très avancés et très branchés nouvelle technologie, Facebook, Twitter, toutes ces conneries de merde… Mon fils joue au rugby à Barcus. Le foot c’est comme la morue et le fado, il trouve que cela fait trop portugais… Ma fille est mariée à un Breton rencontré au Kosovo. Elle est dans l’armée de l’air, elle est sergent sur la base de Cognac. Je suis fier d’elle même si son mari est au Mali et que c’est dur pour elle, comme sa mère c’est une maîtresse femme.
Mon second fils vit à Mourenx. Il est marié à une Marocaine et s’est converti à l’Islam. Sa mère fait ramadan avec lui par solidarité, pour l’aider, surtout en juillet avec ces étés béarnais et leurs ciels blancs et leurs lourdes chaleurs seulement supportables quand vers cinq heures explosent les orages.
Une petite révolution une difficulté sinon une douleur pour moi.
Oui, en plus du carême et de la semaine sainte c’est un peu dur pour sa mère surtout quand il faut embaucher au boulot à 5 heures du matin…

PYC : Changeons de sujet, ce Béarn radical socialiste, crypto protestant, souvent un peu fade comme les églises de Pau, tu t’y sens bien ?

Bien sur ce pays de paysan de poules et de lapins c’est vraiment comme chez nous et sans doute, encore plus que nos amis espagnols, nous faisons partie du paysage. Vous êtes en voie d’annexion.
Et pour moi la découverte du protestantisme, singulièrement celui des Français, celui de Calvin, l’accès direct à Dieu, la lecture de l’ancien comme du nouveau testament, c’est très passionnant. Même si au travers de la responsabilité individuelle aux grâces indépendantes du mérite peuvent me troubler en ce qu’elles font l’impasse sur l’exaltation de la pauvreté et d’une certaine morale évangélique. Et peuvent conduire aux dérives capitalistiques et libérales qui détruisent notre planète.
Mais ce que j’ai découvert ici, c’est la haute montagne pyrénéenne une réelle image du paradis avec ces lacs sublimes et cette flore à nulle autre pareille. Tu sais le Portugal c’est montagneux surtout chez moi mais cela ne dépasse pas 2 000 mètres. Même si cela ressemble énormément aux Pyrénées Catalanes.
Vous les Pyrénéens « ces occitans matriciels et périphériques » pour reprendre tes mots un peu prétentieux, vous avez un trésor à garder dans un monde qui s’écroule. Un espace où le temps dure plus longtemps pour ne pas citer Nino Ferrer.

PYC : Je croyais que vous ne connaissiez que la valise en carton et la petite Lio avec sa culotte très souvent apparente, très souvent apparue.

Tu veux dire Vanda Maria Ribeiro Furtado Tavares de Vasconcelos, Tu me permettras de ne pas relever. Le ricanement imbécile genre petit journal c’est que je déteste le plus en France. Le triomphe de la médiocrité satisfaite des branchés et des Pharisiens, le contraire de l’engagement et de l’empathie.

PYC : Là je te suis parfaitement… mais c’est surtout des histoires de parisiens au mieux de bordelais.

…Et puis la petite culotte de Lio sa blancheur immaculée plutôt que sa transparence, on peut le comprendre comme une métaphore du désir et de la maternité… du désir de maternité. La pauvre enfant, au demeurant issue de la plus grande aristocratie salazariste a, tout de même, 6 enfants.

PYC : Et Banana Split c’est une métaphore de quoi ?

Revenons à d’autres sujets moins glissants.
Mais ce qui m’a beaucoup troublé aussi c’est la découverte au travers de cousins qui habitent en Andorre, de la religion cathare écrasée il est vrai par l’église romaine. Les parfaits, le consolamentum, l’endurèrent ce jeun, à mort, pour rejoindre les cieux. Et fondamentalement cette vision dualiste où il ne peut y avoir de dieux qu’à proportion du diable qui est en face.
Et puis Tout cela est tellement romantique dans ce pays sublime des Pyrénées méditerranéennes
Les Pyrénées de tes vacances.

PYC : Bon mais si tu veux on parlera de cela plus tard, dans un prochain épisode. Tout ce magma spirituel, ces histoires de curés commencent à me monter à la tête.
Et, plus que toi, je reste possédé par ces très hauts villages catharisants. Si j’ai le courage cet été, en avant la saison, plutôt qu’aller en Corse ou à Madère, comme toujours, je pourrais faire un tour là-bas, à Montaillou tellement détaché de tout que je n’arrive pas à le trouver sur la carte. Même si, il est vrai, j’ai les yeux un peu faibles.
Nous pourrions y aller ensemble… Tu me présenteras tes cousins. Même si je suis plutôt timide en société un trait qui me vient de Robert mon père le charpentier auvergnat, mélancolique et rêveur, que ma sainte mère devait secouer un peu pour qu’il présente un meilleur visage.

Mon pauvre Pierre-Yves, là tu confonds un peu tout, tu t’égares : il est sûrement temps d’aller te reposer. Le marchand de sable va passer…

– par PYC
Oloron le 09/05/2014

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