Patriotisme économique, la méthode Maginot
Le Ministre Montebourg, inventeur du redressement productif et de la démondialisation, s’est donc, faute d’autres moyens, immiscé au Conseil d’administration d’ Alstom en mettant le pied dans la porte. Voici que d’un coup de pied, d’un seul, il déclare stratégiques des pans entiers de notre économie (transports, énergie, télécoms) afin de soumettre à autorisation préalable tout investissement étranger dans ces secteurs. Laissons de côté la constitutionnalité de ce décret ou même sa compatibilité avec la règlementation européenne, s’il s’agissait d’investisseurs européens. Mais dans le cas particulier, il semble que la testostérone l’ait emporté sur le droit.
Revenons cependant sur des objectifs qu’on peut parfaitement défendre puisqu’il s’agit de sauver ce qui reste d’emplois en France, après qu’on ait découragé l’investissement en capital en le taxant comme le travail, qu’on ait fortement incité les hauts revenus et les états-majors à aller voir sous d’autres cieux si le ciel y est plus bleu du fait d’une fiscalité confiscatoire et qu’on ait continué à faire croire aux Français que la Phynance était le grand Satan à l’origine de tous nos maux et qu’en travaillant moins, ils partageraient avec leurs concitoyens chômeurs la pauvre pitance d’un travail toujours plus rare.
On hésite à qualifier à la fois, l’énormité de l’erreur de diagnostic initial et l’incurie des moyens proposés pour y remédier. Paresse intellectuelle ? Incompétence ? Inculture économique ? Combinaisons politicardes ? Dogmatisme borné ou mensonger ? Comment imaginer que dans un marché toujours plus mondialisé on puisse parer avec des barrières administratives à des décisions stratégiques prises par un management compétent, représentant des actionnaires qui ont pris un risque en capital et souhaitent à un moment ou à un autre redistribuer leurs investissements. Et comment ne pas voir les conséquences directes ou indirectes de ces décisions sur l’entreprise, l’investissement et donc l’emploi demain.
Car à y regarder de plus près, c’est dans notre incapacité à trouver derrière notre ligne Maginot, des obus pour nos canons en bois que se trouve le vrai problème. L’inappétence des Français pour l’investissement productif, notre incapacité à mobiliser notre épargne pourtant très importante dans notre industrie et plus généralement notre aversion au risque se sont vus aggraver par des décisions stupides prises en dépit de tout bon sens par des incapables. En France on capitalise à la Caisse d’ Epargne ou dans la pierre. Pas dans l’entreprise. J’écoutais il y a quelque temps une Ministre épinglée parce qu’elle était assujettie à l’ ISF , une tare presqu’impardonnable en France de nos jours, nous expliquer qu’elle tenait ses biens d’un héritage (en gros que ce n’était ni du fait de son travail, ni vraiment de sa faute), qu’ils étaient investis en immobilier et livrets divers et variés mais pas « ..en actions ou produits financiers, bien sûr », toutes ces choses très sales et compromettantes.
Notre Etat impécunieux, incapable si tant est que l’intérêt stratégique d’un secteur lui apparaisse à ce point important d’y investir en capital et donc de lui donner les moyens d’une relative autonomie, se contente désormais de faire ce qu’il fait le mieux, interdire. J’ ai peine à comprendre en quoi, l’ activité turbines à gaz d’ Alstom serait à ce point stratégique qu’on doive lui imposer de la poursuivre de manière indépendante alors que les actionnaires ne veulent plus y investir et qu’une compagnie, GE, déjà très implantée en France souhaite au contraire la reprendre parce qu’elle est parfaitement complémentaire à ses propres activités. Le tout au nom d’une alliance franco-allemande entre les pires ennemis du secteur, avec une vague histoire d’Airbus de l’énergie à laquelle personne ne croit ni en France ni en Allemagne bien sûr.
Alors Montebourg s’agite et dresse ses parpaings contre l’ennemi américain. Mais les moulinets de son sabre de bois risquent au pire d’éborgner sa Rossinante qui peine et plie sous ses talons de Don Quichotte pathétique. On se demande ce qu’en pense Pança.
La démarche qui consiste a instaurer un contrôle de l’Etat sur les gros « achats » de société est quelque chose de très répandu dans le monde. Y compris aux USA.
Par contre la question suivante est: « Pour quoi faire? »
Et là c’est le grand vide.
Aucune orientation réelle de l’Etat en terme de stratégie industrielle ou financière.
Par exemple, que fera l’Etat si GE et Siemens se retirent?
Mystère et boule de gomme…
Montebourg serait bien ennuyé…
Quant à l’investissement « productif » il faut bien voir que l’Etat rançonne les investisseurs.
Dividendes et plus values fondent comme neige au soleil sous l’effet d’une imposition confiscatoire.
Votre démonstration, cher Oscar, une fois de plus m’interpelle Certains n’y voient ou n’y verront qu’une critique facile de le politique de notre Président et de son gouvernement… Moi, j’y vois avant tout un plaidoyer pour l’investissement productif. L’épargne pépère (très différente de celle en bon père de famille !) est un mal français depuis la Révolution Industrielle. Elle très certainement l’héritage du Corporatisme né au Moyen-Age. Merci de continuer à nous faire réfléchir !
C’est effectivement sous cet angle chère Hélène qu’il faut lire mon propos. Il n’y a pas, en matière d’entreprise, de stratégie défensive possible ou viable à moyen long terme qui ne puisse être contournée, comme la ligne Maginot. Ce qu’il nous faudrait plutôt, c’est un patriotisme offensif. Celui qui permettrait à des entreprises de trouver dans l’épargne des français cachée sous leurs lits ou dans des assurances-vie qui ne financent que le déficit public, les ressources nécessaires pour conserver leur indépendance et assurer leur développement. Et des politiques qui au lieu de se mêler de stratégies d’entreprises auxquelles ils ne comprennent rien, se concentrent sur les conditions à mettre en place pour que les entreprises se développent dans ce pays.
Sancho Pança est certainement trop absorbé par ses propres turpitudes pour penser. Il se satisferait bien que « du temps soit donné au temps ».
En 39-45, ce qui a perdu la France, ce n’est pas le patriotisme, mais le manque de patriotisme. La France était insuffisamment préparée et motivée. Concernant la tristement célèbre ligne Maginot, je ferais remarquer que les percées allemandes se sont faites plus au nord. Les défenseurs de la ligne Maginot ont été parmi les derniers à se rendre.