Et si on essayait le libéralisme ?
En écrivant le titre de cette note j’ai l’impression de proférer une obscénité. Le libéralisme ? Le seul système économique qui fasse dans notre pays l’unanimité contre lui, avec une virulence d’autant plus grande qu’elle provient des extrêmes de notre arc politique. Le Pen-Besancenot-Duflot-Mélanchon, même combat anti-libéral, avec une couche supplémentaire de détestation qui se concentre sur l’état ultime de cette « horreur économique » sous l’appellation néo-libéralisme, dont on ne sait guère ce qu’elle recouvre exactement. Sinon, une sorte de représentation amalgamée et simplificatrice d’un système anglo-saxon financiarisé et mondialisé, dont la Commission Européenne serait la représentation avancée. Le libéralisme fait peur au point d’être devenu politiquement insupportable.
La gauche et la droite modérée qui en comprennent les mérites alors même que nous peinons à nous sortir des impasses dans lesquelles un système économique dirigé nous ont précipité constatent que des pays délibérément libéraux s’en sortent bien plus rapidement. D’ autant que les partis qui les gouvernent sous le label « libéral » sont partout ailleurs qu’en France, des partis progressistes, par opposition aux partis conservateurs ou extrémistes. Cette unanimité d’une Nation conduite depuis toujours par un système centralisateur monarchique et fonctionnarisé, contre une pensée économique et sociale qui prône face au pouvoir totalitaire et centralisateur quel qu’il soit, la prééminence de la liberté individuelle et du libre arbitre. C’est oublier bien vite que c’est la pensée libérale du 17ème siècle qui a installé la démocratie, mis en œuvre la révolution industrielle et garanti nos libertés. Et c’est hélas réduire trop souvent le libéralisme à son interprétation économique alors qu’il est d’abord une philosophie politique et une morale.
Il en résulte qu’à l’exception de courtes périodes qui ne sont d’ailleurs pas nécessairement sous des gouvernements de droite, le libéralisme est pratiquement la seule politique qui n’ait jamais été véritablement mise en œuvre dans notre pays depuis la fin de la IVème République, quoiqu’en pensent ou en disent les tenants de la doctrine de l’Etat tout puissant ou totalitaire. Nous assistons impuissants à la mise en œuvre de politiques raboutées, de donnant-donnant inutiles, d’aller-retour et de virages à 180° qui en disent long sur l’incapacité de la pensée politique unique et dogmatique si tant est qu’il en reste une (de pensée) face au monde en changement. On s’abrite derrière des concepts sociaux, des certitudes matinées de compassion ou d’idées générales pour donner à notre société de grands coups de barre supposés la diriger alors qu’elle n’avance plus. L’impuissance politique qui trouve ses fondements dans l’incompétence d’une élite formée au service d’un Etat devenu trop obèse pour bouger, mais soucieuse de garder à grands frais toutes les manettes d’un pouvoir centralisateur pourtant incapable de survivre à la mondialisation et à la numérisation des échanges entre les humains. Prodigieuse révolution silencieuse que les plus anciens vivent comme une menace, alors même que les plus jeunes y sont totalement immergés et qui est, quoi qu’il advienne, une garantie supplémentaire pour nos libertés même au prix, il faut le reconnaître, d’une certaine aliénation qui n’en doutons pas ne sera pas définitive. Juste une période d’adaptation.
Le monde dans lequel nous vivons, par sa complexité, par ses interrelations et ses circuits inextricables de communication est tout simplement devenu impossible à diriger de manière centralisée. Toute initiative visant à modifier le cours naturel et spontané des choses engendre immédiatement des effets contraires qui, le plus souvent n’ont pas été anticipés et produisent au total un résultat négatif ou contraire à l’objectif poursuivi, tout en ayant généré leur propre couche de complexité supplémentaire. Plus que jamais, c’est donc au niveau micro-économique et à l’échelle de l’individu et de sa capacité à trouver sa voie dans l’écheveau toujours plus complexe qui se tisse autour de lui que se construit notre salut collectif. Plus que jamais c’est à l’esprit d’entreprise, à l’initiative individuelle, à la différence entre citoyens égaux en droits et en devoirs mais inégaux quant à leur capacité à trouver leurs propres réponses à des problèmes que plus personne ne peut résoudre à leur place, que nous devrons notre rétablissement. A condition bien sûr que non seulement les conditions soient réunies pour qu’ils puissent s’exprimer, mais qu’ils y soient encouragés, poussés, supportés par des politiques soucieux de créer un environnement propice au succès et à l’initiative et pas à leur survie personnelle.
Le libéralisme n’est pas le libertarisme. L’ activité économique comme nos règles sociales doivent être encadrées, comme on encadre le cours d’un ruisseau pour qu’il devienne une rivière puis un fleuve sans inonder ses riverains. Mais pas avec des barrages, des canaux qui en détournent le cours, des pompes, des vannes, des tuyaux et toute la machinerie qu’un Etat d’ énarques et d’ administrateurs impavides tapis dans l’ombre de politiciens accrochés à un pouvoir dont les moyens se sont taris, continue à nous imposer. Inutile d’en réciter les exemples quotidiens qui font les choux gras de médias qui semblent se réveiller tout à coup après avoir été si longtemps les serviteurs zélés d’un système à bout de souffle. Et cet encadrement doit fixer des bornes claires, simples, compréhensibles par tous et surtout fortement défendues par un gendarme économique et un système judiciaire lui-même soumis à la démocratie, ce qui suppose une révision majeure de nos institutions au service de la liberté individuelle dont on sait qu’elle s’arrête là où commence celle de son voisin.
Car le moment est sans doute venu de les revoir en profondeur, afin de débarrasser le ciel de France de ses vieilles lunes et de rendre aux jeunes Français les moyens d’exprimer chez nous ce qu’ils transportent ailleurs aujourd’hui et que toutes les économies avancées qui les accueillent avec bonheur leur réclament : leur intelligence pragmatique, leur créativité, leur capacité de travail leur culture et leur élégance, toutes ces vertus si françaises qui tendent à quitter notre sol national au profit d’un égalitarisme social qui ne répartit que de la pauvreté.
Alors, vraiment pourquoi ne pas essayer le libéralisme ? On ne sait jamais, ça pourrait marcher…
Propos intéressant, bien sûr et qui peut encore plus « en imposer » (sans vouloir employer de vocabulaire fâcheux !) en intégrant les facteurs environnementaux et sociaux.
A un moment j’ai cru que l’article allait aborder le thème du global et du local.