Intermittents du travail
Marciac. La petite bourgade se prépare doucement pour son Festival annuel. Et tout commence par le grand chapiteau qu’il faut dresser sur le stade de rugby, juste entre les poteaux. Plus grand on ne pourrait pas. Une énorme structure de poutres en aluminium et de bâches tendues. Ils sont peu nombreux pour l’installer. J’en ai compté 4. Pas des tout jeunes, mais le travail n’est pas si pénible, ils sont bien équipés en engins de levage et ce chapiteau moderne a été conçu pour se monter sans trop de peine avec des outils et des méthodes appropriés. Je ne sais pas si ces monteurs sont des intermittents du spectacle. Je suppose cependant que leur travail est lui intermittent puisqu’ils sont affectés à cette tâche, juste pour le montage, puis pour le démontage un mois plus tard. Deux semaines environ à chaque fois. Je les observe travailler. Les gestes sont précis, mesurés, bien synchronisés. Visiblement ils savent ce qu’ils font et le font avec entrain et aisance, sans parlottes inutiles. Ils parlent espagnol.
Au bord du stade l’un ou l’autre résident local probablement bénéficiaire du RSA, car il y a tellement peu d’emplois de nos jours, les observe avec intérêt. Passionné par leur méthode et leur montage réalisé avec si peu de bras, il admire le résultat en hochant la tête, appuyé sur la balustrade qui court le long du terrain.
L’air est doux et agréable. Rien ne presse et tout va bien. Au lac, il y a concours de pêche à la carpe samedi. Une activité à haute énergie qui a nécessité l’installation de guitounes dès le vendredi matin, car le vendredi est un jour férié couché. On s’active dans la bonne humeur et le jaunet est à portée de canne. Plus loin de jeunes retraités installent leurs camping-cars rutilants et hérissés d’antennes satellite et porte-vélos sur l’aire toute neuve qui a été réalisée au normes par la communauté de communes et qui leur est désormais réservée, car il le faut bien, même si c’est un peu déloyal pour le propriétaire du camping voisin qui aimerait les compter pour clients. Ils sont sans doute venus en avance, en prévision du passage du Tour, la semaine prochaine. C’est agréable d’avoir un peu de temps à soi quand on a bossé toute sa vie. En fait un peu moins du tiers désormais de notre espérance de vie…Beaucoup moins si vous êtes conducteur de train.
Et voici donc où nous en sommes arrivés à force de complaisance, de fausse compassion et d’arguties syndicalo-politiques franco-françaises. A une invraisemblable situation. Une organisation française, un loueur de chapiteaux et un loueur d’engins de levage également français, toutes activités de service qui n’ont pas un grand besoin de main d’œuvre. Et des compagnons espagnols pour faire le boulot manuel, sous le regard admiratif de chômeurs et de retraités français soutenus par des RTTistes . On se pince.
On me dira que c’est une concurrence honteuse. Que les espagnols ne respectent pas nos lois. Qu’ils travaillent sans contrats ou sans protection sociale et qu’ils sont mal payés. Je suis certain du contraire. Je me disais d’ailleurs à les voir faire, qu’ à tout prendre, je les emploierais même s’ils me coûtaient plus chers. Il me revenait en les regardant, ce vieil adjectif si souvent employé autrefois en Béarn pour qualifier les durs au mal : Ils sont vaillants. Simplement parce qu’ils n’ont guère le choix et que le courage de travailler est encore une de leurs vertus. Il y a belle lurette qu’il ne figure plus dans notre kit de survie hélas en France et que la stratification de notre paresse se retrouve comptabilisée dans les profondeurs de notre dette que des politiques toujours plus complaisants et prompts à se débarrasser d’embarrassantes vérités, continuent à creuser au nom de l’égalité sociale.
Il leur restait à fermer le Somport pour faire obstacle à l’invasion de la République des paresseux et des intermittents du travail par des travailleurs courageux et durs à la tâche. Voilà c’est fait. Nul doute que ça suffira. Vous ne le pensez pas ? Moi non plus.
Un prolongement à votre thèse, à partir de discours que j’entends tous les jours :
« Ils parlent espagnol et ne doivent pas avoir le vertige. Certainement des immigrés Sud-Américains.
Ils vont trouver la vie si douce en France qu’ils risquent de s’y installer comme clandestins.
Comme ils sont vaillants, ils iront faire les vendanges ou la cueillette des fruits et légumes dans le Lot.
Leurs familles toucheront les allocations. Les enfants ne feront rien en classe ou ailleurs.
Ils viendront dans les Férias ou peut-être à Marciac. Ils mettront le bazar, comme à Vic…. »
http://www.larepubliquedespyrenees.fr/2014/05/31/les-chapiteaux-vignaut-s-exportent-a-copenhague,1196132.php
Oscar, avez-vous donc acheté des jumelles pour suivre les concerts depuis le fond du chapiteau ? Car vous les tenez à l’envers de vos habitudes. Je plaisante, car cet article me touche. Dans le BTP, quand il y a un accident, quel qu’il soit, c’est toute l’entreprise qui le ressent, et il y a encore, dans ce Sud-Ouest perdu, une solidarité réelle. Mais celle-ci se délite d’année en année. J’en veux pour exemple l’anecdote suivante :
Après quarante et quelques années dans la même boîte, un maçon est parti début juillet à la retraite. Il y a en la circonstance un aspect un peu traditionnel : toujours un pot offert par la boîte et une enveloppe ou un cadeau (auquel chacun contribue, ou pas). Là : rien. Ce type est portugais, il a connu Lourenço à Marquès (devenue Maputo) au Mozambique, l’Angola, et Salazar. Il a émigré en France, je ne sais quand, et un de ses fils travaille aussi dans la même entreprise. Récompense : zéro. Remerciement : zéro.
Dans ces corps de métier, tous sont « vaillants », qu’ils soient portugais, espagnols, arabes, polonais (rares), français, voire gitans (rares mais aussi opérationnels et constants). Et la force qui prédomine dans ces espaces, c’est le respect de l’autre, qui inclut la solidarité dans les moments difficiles, moments qui constituent la majeure partie du travail.
Tout ceci ne forme qu’une façade, car le WE, que font-ils ? Ben, ils bossent, montent des maisons, coulent des chapes, coupent du bois pour l’hiver, cultivent des jardins, font aussi la fiesta, une fois coulée la chape plantées les graines, montés les murs. Comme tous les gens qui n’ont que leur vie pour toute espérance.
https://www.youtube.com/watch?v=ERYY8GJ-i0I&feature=kp
Ils ne sont pas tristes cher karouge. Le travail n’est de punition que pour ceux qui en ont perdu le souvenir et ceux qui y sont forcés non pas pour vivre mais pour survivre.
Tiens Charlie Haden est parti au paradis des contrebassistes…il aimait bien ce chapiteau.
http://youtu.be/_qAtXtHxrHc
cher A.K. une raison, peut être, pour le non pot de départ, est la responsabilité du chef d’entreprise en cas d’accident a la fin de la fête. dans mon ex entreprise, chaque départ ou chaque évènement de la vie était fêtés, mais….même mon départ a la retraite a été « sec »
quand a l’occupation surchargé des « fin de semaine »…cela s »appel travail au black;;; même si, connus par les caisses du bâtiment et l’inspection du travail, ils connaissent tous les tarifs , et considèrent « le bienfait d’une économie parallèle » comme bénéfique »
même le « chef du perchoir » sait et ferme les yeux… quand ça l’arrange;
quand a Cesaria… divine chanteuse, qui nous manque.