Ode au numérique

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3d_sans_lunettesLa livraison de la semaine passée sur ce site est exceptionnelle. D’une part en raison de contrastes saisissants, d’autre part en raison de l’attention portée à un sujet qui n’est pas spécialement local, le numérique.

Pour ce qui est des contrastes, on constate que c’est un ancien commissaire qui fustige la police en épinglant plusieurs affaires récentes et un autre contributeur qui a connu la douceur des «bidules», ces longues matraques que maniaient les « forces de l’ordre » lors de grandes manifestations pacifistes (6 morts au métro Charonne) qui prend la défense de la police. Maintenant, c’est un nul en informatique qui entreprend une défense et illustration du numérique alors qu’Oscar, le maître d’œuvre du passage du site en une nouvelle formule et l’expert de l’internet qui souligne les dangers de la numérisation envahissante de nos sociétés.

Oscar n’a pas tort de montrer les dangers de ce changement. Comme la révolution industrielle porteuse de bien être, mais qui a apporté la pollution, le travail à la chaîne, le chômage de masse, l’abrutissement de bien des travailleurs, la révolution numérique a ses contreparties. Au nombre desquelles on peut ranger le délitement des rapports personnels, les troubles du rythme circadien pour les personnes addictives à l’écran, la mondialisation des échanges. Sans compter la surveillance illégale, la perte de souveraineté, le piratage des droits d’auteur et des comptes bancaires, la propagation de virus. On peut se demander si le monde virtuel ne connaîtra pas des épidémies comme l’humanité en a connu avec la peste et le choléra.

Mais je voudrais peindre un tableau plus revigorant. En commençant par souligner une initiative locale, celle d’une équipe de gens d’horizons divers installée à Hélioparc qui se propose de promouvoir le numérique dans le piémont pyrénéen occidental. Parmi cette équipe se trouve notre contributeur Emmanuel Pène. Il serait naturel qu’après la presse locale, notre site publie un reportage sur cette initiative qui peut avoir un impact notable sur l’économie régionale.

Des sites nationaux peuvent aussi avoir un impact de cet ordre. Je viens d’en faire l’expérience avec deux catégories d’artisans que j’ai pu faire venir très rapidement en cette période estivale grâce à un site proposant jusqu’à 5 devis émanant d’artisans locaux. Leur travail me paraît sérieux et leurs tarifs raisonnables. Voilà de quoi redonner du travail aux Français et aider à sortir de la stagnation. 123 partez si vous avez des réparations ou des aménagements que vous différez!

Il a été question ici de blablacar et d’autres sites de covoiturage. Il n’est pas niable qu’il s’agit d’un moyen de réduire l’usage immodéré de la voiture, de partager une ressource avec celles et ceux qui n’en disposent pas, voire d’enrichir des rapports sociaux. Les contreparties signalées me paraissent minimes en comparaison des avantages. Fustiger les écologistes (et plus largement les politiques) de ne pas avoir vu venir cette mutation ne me paraît pas justifié. D’une part parce que les écologistes ont toujours prôné le recours à d’autres modes de transport et d’utilisation de l’énergie. D’autre part parce que l’on ne peut faire grief aux politiques de ne pas savoir trier dans la masse énorme des innovations et des brevets. Il n’est pas évident de savoir à l’avance ce qui sera accueilli avec succès par la société et ce qui sera rejeté. En revanche, être à l’affût de ces changements et à l’écoute de celles et ceux qui les portent et évaluent les nouveaux besoins fait évidemment partie de leurs missions.

Au-delà de cette écoute figure la persévérance dans le soutien à ces initiatives. C’est à cette aune qu’il faut considérer l’appui donné par les précédentes municipalités et instances locales au projet de cité multimédia, aux pôles de compétitivité comme Aerospace Valley. La reconversion de la poste, notamment en milieu rural doit aussi être un sujet d’attention.

Reste la contribution à l’indice de bonheur prôné par quelques (encore rares) économistes. Le bonheur est difficile à définir et encore plus à mesurer, certes. Mais la possibilité de diffuser rapidement des conseils, des informations ou des avertissements peut s’avérer précieuse. Je pense qu’en matière d’alimentation, de santé, de prévision d’événements météorologiques graves les techniques modernes sont des atouts considérables. Elles peuvent aussi jouer un rôle en matière de solidarité et de justice. Des sites comme Avaaz ou Change ont obtenu des résultats notables grâce à internet, ce n’est pas douteux.

Je ne peux pas laisser oublier dans ce débat le plan affectif. Certes, dans le passé, des efforts ont été déployés pour faire au mieux avec les techniques anciennes. La nouvelle publication des lettres de Louis Pergaud, l’auteur de «La guerre des boutons» à sa Delphine (parfois plusieurs fois par jour) est un exemple émouvant de ce qu’a pu faire il y a un siècle la poste aux armées dans une guerre d’obus plutôt que de boutons. Mais, aujourd’hui, pauvre Pierrot un peu manchot qui a laissé partir sa Colombine à l’autre bout du monde, a la joie au cœur de l’avoir entendue sur son téléphone futé (smart) et d’espérer que demain il la retrouvera sur Skype. Et quels parents ou grands-parents, même ignorants des problèmes posés par la compression d’images et de données ne se réjouissent pas de rester à l’écoute de leurs proches et de voir leur solitude desserrée ?

– Jean-Paul Penot

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2 commentaires

  • Au terme de « fustiger », j’aurais préféré celui de « déplorer ». En effet plutôt que de critiquer, je regrette que certains dans cette administration en charge d’une partie de l’autorité de l’Etat, par leur comportement, salissent l’institution.
    Moi aussi j’étais étudiant en mai 68, ce n’était pas à Paris mais à Bordeaux.

  • Voyons les choses de façon un peu plus générale.
    Toute évolution, toute transformation, dans un système complexe comprenant une infinité d’acteurs, engendre un déséquilibre; c’est obligatoire puisque les échanges ne sont plus les mêmes. La montée en complexité, toujours très lente (chiffrée en million d’années), au cours de l’évolution biologique, s’est ainsi toujours accompagnée d’un rééquilibrage à la suite d’une sélection permettant une adaptation au nouveau milieu.
    Le numérique est l’exemple type d’une montée en complexité de la société humaine puisqu’il met en relations et interactions de plus en plus d’acteurs qui viennent perturber l’équilibre précédent. Plus il y a de participants, plus la diversité se manifeste, plus le nouvel équilibre devient difficile à construire. Il en est de même au cours d’une révolution et du passage à une nouvelle stabilité provisoire. Les exemples ne manquent pas en ce moment! Nous en sommes là actuellement avec le numérique.
    Dans la dynamique libérale en vogue, basée sur la croissance quantitative perpétuelle de plus en plus rapide, le numérique, tel qu’il est utilisé, s’inscrit comme un acteur principal, ce qui entraine la déstabilisation et la réaction de plus en plus importante de l’environnement: biologique et non biologique , ce qui vient encore renforcer le déséquilibre.
    Le numérique est sans conteste une avancée remarquable; il est porteur du bien pour les uns et du mal pour les autres; qui l’emportera? Le mieux serait le tiers inclus!
    Nous ne savons pas vraiment encore si c’est «un progrès culturel et/ou économique», tout dépendra des résultats destructeurs, sur cette même société, de la sélection qui se fera pour rétablir un nouvel équilibre.
    Ce n’est donc pas le numérique qu’il convient de mettre en cause et en doute, c’est LA VITESSE de son développement donc l’aptitude à la régulation et à l’adaptation progressive. Actuellement, elle n’est absolument pas adaptée à la biologie de ses utilisateurs, d’où les catastrophes, la violence, les désarrois, les bouleversements, les ruptures dans la vie de chacune et chacun. On ne laisse plus du temps au temps! Le progrès culturel doit-il accepter de payer ce prix?
    L’homme ne devient plus capable de s’adapter à l’homme