Pyrénées – La mule et l’intello (4) : Le Canigou se défile

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La Canigou

Refuge de Batère, le 19 août : La mule émet un préalable à reprendre la grimpée vers le Canigou. Elle veut inspecter le pique-nique que l’intello vient de charger dans son barda. Il s’agit de tenir toute la journée avec. Le sac papier (biodégradable) contient un sandwich jambon blanc, une salade de nouilles, une pomme, un fromage blanc et une barre céréalière faite au refuge. Somme toute, un panier repas assez classique. L’intello met le GPS en route. Il prévoit 941 m de dénivelé positif et une distance à parcourir de 16,1 kms. Plutôt cool. L’équipage se met en route.

C’est une très belle « promenade » en forêt qui accompagne nos deux compères même si le brouillard rend l’atmosphère un peu étrange. L’ambiance est bonne. Enfin, la « haute » montagne s’approche. Au passage d’un ruisseau, un magnifique bouvreuil décolle à quelques mètres. Un moment rare !

Le sentier finit par sortir du bois, le brouillard s’épaissit. L’heure de la pose approchant, c’est face à un rocher « tagué » que le pique-nique est dégusté. Le tag, « street art » à l’origine, prend de l’altitude. Un peu plus loin, la carcasse d’un avion anglais, qui s’est « craché » là dans les années soixante, est aussi tagué. Sacrilège ou non ? L’avion Londres-Barcelone aurait eu ses instruments de vol déréglés par la masse ferrugineuse du Canigou. Les 80 passagers périrent sur le coup. C’est un moment à part que de découvrir cette épave le long du sentier mais, déjà, la sortie du bois s’approche et apparaît le bel ensemble de bâtiments en pierres de taille qui compose le refuge des Cortalets. Pour la première fois depuis le départ, la cote des 2000 m est passée. Le refuge est situé à 2150 m d’altitude et offre une très belle vue sur le Canigou. Vraiment un beau coin.

Il y a beaucoup de monde au refuge et autour. Il faut dire que le Canigou se gravit, depuis les Cortalets, en 1h30. Tout le monde (ou presque) peut y accéder. Le lieu est très populaire d’autant plus que la Canigou est emblématique pour tous les Catalans, du nord comme du sud. On le voit depuis la mer, on le voit depuis la plaine. Il est un symbole de la nation catalane, surtout pour les Catalans « espagnols » qui le gravissent en masse équipés de drapeaux rayés jaune et rouge. Photo souvenir oblige.

A la St Jean, fin juin, les « locaux » montent des fagots de bois en grande quantité au sommet du Pic pour y mettre le feu à la nuit tombée. Il est alors vu de très loin. Le flamme est ensuite récupérée et conservée toute l’année dans la vallée avant d’être régénérée à la St Jean suivante. Une belle tradition qui crée un lien fort entre tous.

Le refuge est une « grosse machine ». Près d’une dizaine de personnes sont nécessaires pour le faire tourner. Il reste cependant « cozy » et agréable. Pour dîner, je suis avec des Catalans de Barcelone qui veulent à tout prix me démontrer que l’indépendance de leur territoire est légitime. Madrid pomperait toute leur richesse vive, les Andalous seraient des paresseux etc. Le républicain français que je suis leur rétorque que notre nation est « une et indivisible », que la solidarité entre les territoires est nécessaire et qu’ils vont précipiter la balkanisation de la péninsule ibérique. Ce n’est pas leur problème. L’égoïsme des riches ! Bref, la tension monte d’un cran…

Etant seul dans ma chambre, je dors plutôt bien sans trop savoir si je pourrai gravir ou non le Canigou le lendemain. Depuis, le refuge, la montée se fait par le versant nord, ce qui ne pose pas de problème mais, dans mon cas, pour continuer ma traversée des Pyrénées, je dois redescendre le pic par sa face sud et là, une cheminée aérienne m’attend. Ludique à monter, elle devient compliquée à descendre pour faute de visibilité et le poids du sac peut compliquer la chose. Une descente à ne faire, que si le rocher est sec et accompagné de préférence.

20 août : Il bruine. Il y a du brouillard. Le randonneur itinérant n’a pas le choix. Il doit avancer. Je dois donc contourner le massif du Canigou par l’Est en montant les crêtes du Barbet qui atteignent tout de même 2712 m soit quelques dizaines de mètres de moins que le Canigou lui-même. Une consolation, la vue, si le brouillard le permet, sera belle sur celui-ci. Au fur et à mesure que je monte la crête, le vent augmente, la pluie se transforme en grésil. Serre-tête, poncho et protège-sac deviennent de rigueur.

Je marche malgré tout bien et dépasse trois Béarnais partis devant moi. Les nuages sont au-dessus de moi, en-dessous aussi. Une triste journée alors qu’elle devait célébrer la montée de l’emblématique Canigou. Pas de chance. Je reviendrai. C’est toujours ce que l’on dit dans ce cas-là.

Le col de la Porteille de Valmanya est atteint assez facilement. Descente vers le refuge de Mariailles (1718 m) dans une belle longue vallée. Près du refuge Arago, je vois les deux premiers isards de mon « périple ». Le manque de pastoralisme, en Catalogne, ne favorise pas la chaîne alimentaire. Les rapaces et autres prédateurs sont plutôt rares par rapport à la partie occidentale de la chaîne. Les montagnes, si belles soient-elles, paraissent souvent mortes. Dommage.

Il pleuvote jusqu’au refuge de Mariailles qui est « bondé ». Nous sommes entassés comme des sardines dans les dortoirs. Bon dîner, un peu court sur les portions, avec deux groupes de Béarnais autour de moi, les uns de Pontacq, les autres de Lembeye. De sacrés montagnards que ces Béarnais !

Vivement le lendemain et la montée au Pla Guilhem qui se prolonge, par une ligne de crête d’environ 12 kilomètres, entre 2200m et 2400m. Le guide, Trans’Pyr, annonce que cette crête est unique dans les Pyrénées et qu’elle ressemble à un plateau Népalais. Sa découverte : un moment important attendu, par la mule et l’intello, dans cette traversée des Pyrénées. Terminée la crête, l’équipage descendra vers le sud, à partir de la Porteille de Morens, en direction du refuge d’Ull des Ter en Catalogne espagnole.

Le moral est bon. La mule n’a pas de problème avec son genoux droit arrière. Par contre, devant, ses bâtons ont une fâcheuse tendance à se rapetisser quand ils sont trop sollicités. Il faudra les régler. Cela peut-être dangereux en dévers.

– par Bernard Boutin

Le diaporama de photos : C’est ICI (en bas de la page)

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