Jésus-Christ ou l'inconscient du Béarn.
Après Francis Jammes et Pierre Bourdieu monsieur Pyc a pensé (monsieur PYC pense beaucoup ces derniers temps) que comme constituant de l’inconscient béarnais on ne pouvait échapper à la question religieuse. Jammes par sensualisme panthéiste et par tradition familiale appartenait au catholicisme traditionnel sinon traditionaliste même s’il était très au fait et même sensible au monde protestant si important sur Orthez ; notamment par la famille Reclus.
Bourdieu par la nature même de son travail semble plus appartenir aux libres penseurs voire à ceux qui, comme Marx, voient la religion comme une oppression. Peut-être un opium du peuple probablement comme une superstructure oppressive.
Cette manière de voir suppose qu’il y ait un inconscient béarnais distinct des sur-mondes Pyrénéens d’une part et du sur-monde occitan d’autre part. Et que la question spirituelle et religieuse soit un réel marqueur de la culture et de l’inconscient collectif. En ces temps résolument modernes et mondialisés où les chinois (confucianistes?) acquièrent nos aéroports et se trouvent oscarisés pour cela beaucoup doivent penser qu’il s’agit là de vielles lunes résolument dépassées.
Nous n’en faisons pas partie.
Le tout économique et le tout mondialisé résolument connecté fût-il vers le néant dans un monde qui vacille peut sembler avoir remisé ces questions dans les poubelles de l’histoire. Sauf que le vide spirituel ainsi engendré rend plus prégnant cet appel au spirituel et, subséquemment, cet appel au marché des religions traditionnelles voire aux gourous de pacotilles. Avec toujours un questionnement, plus ou moins formulé, aux thèmes de la mort et de l’éternité. Incidemment aux questions de la morale et du rapport aux autres êtres vivants. Naturellement les religions n’épuisent pas tous les espaces de la spiritualité .
Faisons le tour de la question.
Le Béarn des sans Dieu :
Une première catégorie, certainement majoritaire aujourd’hui, au moins au niveau de la pratique : ceux qu’on ne trouve plus dans les églises ou toutes les sortes de temples et autres édifices religieux. La majorité revient certainement aux indifférents aux déchristianisés voire aux non concernés. Voire aux athées par agnosticisme ou aux athées militants.
A tous ceux qu’il ne faut pas oublier que la question indiffère ou hérisse ou qui désespérément cherchent des amis sur facebook pour calmer leurs angoisses.
Le Béarn et le sur monde protestant :
Commencer par ce monde peut paraître ne pas aller de soi.
Mais la petite province à la renaissance et encore, un peu, maintenant était une de pointes du croissant fertile du protestantisme qui courrait de la Rochelle (l’Aunis et la Saintonge) pour courir jusqu’au Béarn et remonter par toute la vallée de la Garonne et aboutir aux Cévennes et au Dauphiné. Par ailleurs à la renaissance sauf dans le Paris ligueur le protestantisme sous sa forme calviniste essaimait partout surtout dans les rangs de l’élite celle de la noblesse et de la bourgeoisie industrieuse nouvelle classe émergente qui voulait faire sa place au soleil. C’est tout le pays qui aurait pu basculer faute d’un modus vivendi comme dans les pays allemands ou flamands.
Alors le Béarn ? simplement à cause de Jeanne D’Albret vicomtesse du Béarn et reine de Navarre possessionnée dans tout le sud-ouest et dans beaucoup de pays français mais née à Pau et mariée puis séparée du prince de sang Antoine de Bourbon lui demeuré bon catholique. Et incidemment fondateur de la dynastie des bourbons.
Elle tenta de toute sa détermination et avec méthode de forcer la Béarn à la foi calviniste et à la réforme.
Par l’ordonnance du 19 juillet 1561, elle autorise le calvinisme dans son royaume. Elle entame après la mort d’Antoine, en 1562 une série de mesures visant à implanter la Réforme en Béarn et en Navarre ; Notamment la traduction en basque du Nouveau Testament par Jean de Liçarrague (1571), et la traduction en béarnais du Psautier de Marot, par Arnaud de Salette (1568). Une farouche opposition catholique se manifeste qui aboutit à ce que leur culte soit interdit et le clergé expulsé (1570).
Mais il faut croire que le ver était durablement dans le fruit et la réforme définitivement accrochée au pays avec ce goût mi figue mi raisin de cohabitation avec le monde catholique qui perdure jusqu’à maintenant.
Après bien sûr Henri IV le héros béarnais devenu roi des Français (et l’un des plus fameux) né à Pau comme sa mère mais élevé à la cour de France avec les deux autres Henri : Henri de Guise, Henri III de Valois le plus excentrique mais pas le moins talentueux roi de France qui tous trois seront assassinés par des fanatiques religieux : les djihadistes de l’époque. On peut penser qu’en lui-même il garda la foi de sa mère mais se fit bon catholique en tentant de faire cohabiter les deux confessions dans le pays comme dans sa conscience intime. Fin politique, farouche guerrier, bon administrateur, coureur de jupons sûrement mais à la conscience restée hantée par la question religieuse.
On peut également penser que Pau ville anglaise et, par conséquent, protestante et anglicane en a remis une couche. Au point qu’en se promenant dans la ville à part quelques églises de (très) moyen calibre on trouve beaucoup de temples réformés et des églises anglicanes voire des avatars du type scientologie très distincts de la tradition calviniste.
Le Béarn et le sur monde catholique :
Pour autant le Béarn participe encore, beaucoup, du monde catholique et latin mais infiniment moins que ses cousins basques. Comprenons nous bien beaucoup plus dans sa culture plus que dans ses pratiques. Pour nous et plus encore en terme d’inconscient la religion et l’irréligion sont au moins autant une question de culture de manière d être au monde que de pratiques ritualisées. Même si il n’y a pas de religions sans rites.
L’église au centre de la ville ou du village reste une destination difficilement contournable quand il s’agit de se marier fût-ce pour une bénédiction et, plus encore de passer pour une visite ultime avant de se faire inhumer.
Passer du funérarium directement au cimetière par les soins de ROC-Eclerc cela se fait ; mais ne reste pas forcément du meilleur goût. Naturellement pour les autres confessions existent des pratiques similaires.
On doit également noter que le Béarn très pauvre en belles églises sauf en montagne qu’on peut supposer avoir été moins touchée par la réforme disposent néanmoins de deux belles cathédrales à Oloron et à Lescar mais antérieures à la réforme et moins somptueuses sinon moins belles que celles de Bayonne et de Auch. les voisines de palier…sans parler d’Albi il est vrai en plein pays contre-réformateur…contre les parpaillots et bien sur les Albigeois c’est à dire les Cathares.
Il s’agit également d’un pays de contre réforme celle du 17éme siècle contre le protestantisme bien sur mais aussi celle du 19éme contre ou, plus précisément, en concurrence avec la république. A cette aune on peut voir là des ordres très puissants les visitandines à Orthez et le carmel à Oloron et de nombreux couvents à Pau et dans sa banlieue. Dans cette optique le pays de Nay, celui de l’archange de Bordères, est particulièrement important et très doté en institutions et en bâtiments catholiques même si on peut également l’inclure dans le prolongement du culte marial et lourdais que les uns décriront comme un miracle et les autres comme un apparition pas tout à fait fortuite.
On peut imaginer, enfin, que la forte présence hispanique et, plus encore, lusitanienne influe quelque peu sur cette culture mariale et latine à l’opposé de la présence anglo-saxonne d’essence réformée.
Si l’on s’en tient au territoire d’Oloron on ne trouve pas moins de trois église majeures dont une cathédrale une très belle église de style mozarabe qui domine Sainte-Croix et l’immense église Notre Dame datant du 19éme siècle de style néo byzantin, qu’à titre personnel, nous trouvons prétentieux et hideux. Cette église Notre-Dame nous raconte quelque chose d’exceptionnel sur la puissance financière de l’église à l’époque dans cette période contemporaine des sanctuaires lourdais. Et la ville dans ses écarts doit comprendre au moins quatre ou cinq églises secondaires sans compter les villages. Une situation qu’on ne retrouva pas à Pau et, moins encore, à Orthez.
Le Béarn et le sur monde juif :
Il existe sur Pau et la région une importante communauté juive qui ne semble pas devoir être rattachée à la communauté marrane du Portugal arrivée en 1492 importante au pays basque et dans le sud landais (Peyrehorade) et jusque sur Bordeaux. Le Béarn de l’époque ne devait pas constituer une économie assez dynamique, assez ouverte pour attirer cette population instruite et active, multinationale par essence, dans les circuits économiques.
Par contre on doit noter les juifs réfugiés en zone libre dans les années 40 assez aidés par la population dont le généticien René Frydman né et réfugié à Soumoulou.
On peut penser que le monde protestant, un peu comme dans les Cévennes, à pu être un pont et une aide pour cette population chassée par le nazisme. A cet égard le Béarn compte un grand nombre de justes parmi les nations.
Par ailleurs il existe également Un fort contingent séfarade rentré en 62 avec les réfugiés d’Algérie qui ont eu importance particulière notamment sur Mourenx.
On devrait aussi parler du monde bouddhiste très en vogue dans les milieux intellectuels et très chic notamment chez les dames. Il existe un centre bouddhique (bouddhiste ?) à Lasseube derrière le terrain de rugby au pays de Pierre Bourdieu le nouvel ami de PYC plus spécialement dédié à la méditation Zen. La beauté et lé côté reculé de l’endroit devant avoir quelque chose à l’affaire.
Évidemment on devrait parler de l’Islam mais il est difficile d’y voir une spécificité béarnaise bien apparente avant que le temps ait fait son œuvre.
Sur Oloron existe, dans une ancienne forge, sinon une mosquée du moins un centre cultuel dédié à la prière assez fréquenté qui semble plutôt bien s’intégrer dans le paysage plutôt paisible de la cité …
PYC, Oloron le 14/12/2014
« Par contre on doit noter les juifs réfugiés en zone libre dans les années 40 assez aidés par la population dont le généticien René Frydman né et réfugié à Soumoulou. »
On pourrait aussi noter Joseph Szydlowski, fondateur de Turbomeca, juif polonais replié depuis la région parisienne, d’abord à Saint-Pé de Bigorre le 12 ou 13 juin 1940 puis à Bordes à partir de 1941.
Merci pour ce joli texte.
« beaucoup doivent penser qu’il s’agit là de vielles lunes résolument dépassées »
Relativisez M. Couderc, il n’y que quelques baby-boomers pour penser ça…
Ceux nés après 1973 sont totalement fermés aux élucubrations libérales libertaires désormais ringardes de Dany le rouge.
Pour le symbole au sujet de l’Islam, le Béarn a quand même été une terre de naissance et d’accueil de djihadistes qui ont marqué l’Histoire : d’un côté Gaston IV de Béarn et de l’autre l’Emir Abdelkader 😉
Je ne sais si je suis le seul mais je reçois les textes en caractères 10 ou 11 donc difficiles à lire… Peut-on y remédier ? Le confort de lecture est indispensable à la compréhension de l’écrit…
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