Comme ils jubileraient !
Comme ils jubileraient de voir leur journal passer de quelque 30.000 exemplaires à 6 ou 7 millions ! Eux qui ont eu tant de difficultés (menaces, incendies, procès, difficultés financières…). Mais hélas, ils ont été massacrés pour leurs impertinences et leurs audaces.
Des impertinences qui étaient loin d’avoir une seule cible, pourtant. Car ils visaient surtout la sottise, le fanatisme, l’intolérance. Et la sottise est la chose du monde la mieux partagée, comme ne disait pas un philosophe. Face à l’humour et au talent, elle n’est pas la plus forte. Le peuple de France l’a montré.
Comme ils riraient de voir ces chefs d’Etat bien en rang pour monter dans des bus, comme des collégiens en sortie scolaire ! Comme ils rigoleraient d’entendre les cloches de Notre-Dame sonner à toute volée en leur hommage ! Comme ils poufferaient de voir un manifestant embrasser un CRS !
Rions pour eux, même si nous avons le cœur triste. Mais l’émotion passée, pensons aux victimes, à leurs familles et aux dangers qui menacent le monde. Car l’atrocité n’a pas de limite. Pensons à cette petite fille de 10 ans utilisée comme une bombe vivante au Nigeria et aux 2000 victimes. Pensons aux carnages à Karachi et au Niger, et bien sûr, au Proche Orient.
En Europe même, de nombreux foyers de dangerosité sont présents. Résoudre les problèmes ne sera pas simple. Il faut tourner la page de l’angélisme et cependant devenir plus fraternels. Lorsque les familles elles-mêmes explosent et ne peuvent contenir les dérives, que tenter ?
Sans doute mieux les responsabiliser, mieux les conseiller ou les encadrer. C’est là autant la charge des musulmans modérés et clairvoyants que des autorités. Car dans le monde, ce sont les musulmans qui paient le plus lourd tribut au fanatisme.
Et ce sont eux les plus fragiles, comme on peut le constater avec les nombreux incidents recensés dans les écoles. Pour ce qui est des prisons, elles sont reconnues par de nombreux observateurs comme des lieux privilégiés de radicalisation.
On peut se demander si, au lieu de construire plus de prisons, on ne pourrait pas instaurer une coopération européenne visant à prévenir les endoctrinements. Par exemple, en envoyant les individus les plus dangereux, les plus nocifs, loin de leurs bases afin qu’ils ne reçoivent pas de l’extérieur tous les éléments dont ils sont ravitaillés, comme téléphones, caméras, explosifs, drogues etc. Le rempart de la langue aiderait aussi à leur isolement. Il faudrait bien sûr des compensations financières, mais cela aurait un coût moindre que la construction de prisons nouvelles sophistiquées.
Il faut surtout une réflexion sans tabous sur la manière de vitaliser les quartiers sensibles, d’y faire prévaloir l’éducation et la promotion, d’y éradiquer la délinquance. Vaste programme.
Observons que les artistes ont bien su détecter ces problèmes, comme le montrent des films comme « Le prophète » sur la réalité des prisons, ou « Timbuktu » sur la transformation du Sahel en zone de djihad. Les caricaturistes talentueux sont au nombre de ces artistes. Suivons leur regard et leur courage.
– Par Paul Itaulog
Crédit photo : France 3 (video) – http://www.francetvinfo.fr/economie/medias/charlie-hebdo/video-charlie-hebdo-est-imprime-a-sept-millions-d-exemplaires_800099.html#xtor=EPR-2-[newsletterquotidienne