La Soule ultime province béarnaise ?
En ces temps de rassemblement monsieur Pyc fait dans la provocation.
Peut-être pour attirer 5.000.000 de lecteurs sur un sujet terriblement périphérique qui ne parle même pas de la piétonnisation du boulevard des Pyrénées ou de la montée au firmament de l’archange de Bordères.
Non pas, évidemment, pour se désolidariser des terribles événements qui frappent le pays mais, seulement, pour égratigner nos amis basques.
Cela en s’intéressant à la province de Soule dont la morphologie et surtout l’architecture sont très peu différentes de celle du Béarn comme une excroissance du susdit Béarn, voire un quartier haut-béarnais au large de Saint-Pée.
De quoi parle-t-on ?
De la plus petite des 7 provinces du Pays basque : environ 16 000 habitants soit nettement moins que le grand Oloron qui dépasse, allègrement, les 20 000 habitants… même sans compter le chat de PYC.
De la plus identitaire des provinces basques françaises avec une langue une variété, (une variation) ? euskarienne qui lui est propre. Ce qui n’est pas anodin dans un pays qui se définit par sa langue (Euskal Herria ).
Un Pays basque aux toits couverts exclusivement d’ardoises sauf le magnifique château d’Andurain couvert de bardeaux de châtaigniers. Le dit château fut édifié par Arnaud de Maÿtie, nommé évêque d’Oloron par Henri IV en 1598 avec pour mission de rétablir le culte catholique dans un diocèse à majorité protestante.
Un pays qui, historiquement et administrativement, est tourné sur Oloron et dont la sous-préfecture béarnaise est, sinon la véritable capitale économique, du moins la pourvoyeuse d’emplois et de débouchés notamment pour ses artisans, sans parler, en matière de rugby, des transferts voire des transfuges entre le FCO et le SAM.
De plus la maternité d’Oloron qui, à la différence de celle d’Orthez, a su se préserver voit naître les petits Mauléonais. C’est ainsi qu’Aurore Martin, la nouvelle Dolores Ibârruri, au patronyme terriblement franchouillard, la pasionaria du Pays basque nord, est née à Oloron un beau jour de 1979.
Le chemin secret qui unit les deux capitales :
Pour cela comme pour rejoindre Oloron à Lasseube et aller visiter notre ami Pierre Bourdieu nous allons enfourcher, une fois encore, notre vélo notre beau Vitus argenté emperlé d’or et d’azur. Avec cette différence que c’est un itinéraire 1.000 fois emprunté dont nous connaissons chaque recoin, chaque nid de poule, chaque traîtrise souvent augmentée par la force du rêve entraînée par l’effort et l’improbable beauté de certains recoins. De plus, la distraction dont PYC est parfois victime notamment quand il s’agit de trouver un sujet susceptible d’amuser tous ces grands intellectuels palois qui écrivent sur Altpy.
Pour cela nous allons passer par la route la plus secrète, la moins évidente, celle qui emprunte, et ce n’est pas son moindre intérêt, la frontière mouvante et subtile qui court entre Basques et Béarnais où, d’une ferme à l’autre, on ne parle (on ne parlait ?) pas la même langue.
Depuis la ferme Rousseu et à l’arrivée à Esquiule au premier fronton on évite le cœur du village et on monte légèrement vers Chabalgoity puis Narbérburu sans forcément rentrer par Barcus qu’on peut laisser sur main droite. Puis passer, sur le tout petit plateau, le petit col, court mais casse-pattes, qui plonge vers Montory sans même regarder le menu du restaurant CHILO (la meilleur table de l’endroit, du grand Béarn ?). Surtout en délaissant ce magnifique et prospère village très identitaire et très passionné. Une vraie merveille rurale dans ce vallon perdu où s’élaborent, aujourd’hui encore, les pastorales chantées en Souletin.
Et puis là, redescendu sur la nationale jusqu’à Mauléon sur le plus grand plateau et le plus petit pignon, se croire coureur du Tour de France notamment en passant à Sauguis Saint-Étienne la patrie de Marcel Queheille même si le vélo est beaucoup plus plein de coureurs prestigieux béarnais que de coureurs basques (1) (en oubliant évidemment le roi Miguel familiers de ces routes) comme on peut le vérifier dans l’exposition permanente à la sortie d’Arette en montant vers Issor. Un autre itinéraire pour rejoindre Oloron à Mauléon en passant devant les châteaux d’Aramits et de Porthos… et dans les deux cas passer par Trois-Villes, Iruri en basque, et son château renaissance.
Mais là, poussé par l’élan, la ferveur et le vent favorable, on est déjà entré dans Mauléon, Maule-Lextarre en Souletin, dont on perçoit ici la perméabilité aux racines gasconnes.
(1) Évidemment notre propos fait l’impasse sur le Pays basque sud ultime patrie du cyclisme ibérique.
Oloron, Mauléon, deux villes sœurs complémentaires et dissemblables :
Les dissemblances.
La taille sinon le caractère urbain et administratif ; un rapport de 1 à 4 en faveur d’Oloron. Mais les deux villes font partie du même arrondissement et de la même circonscription celle de Jean Lassalle le plus célèbre des chanteurs pyrénéens.
La richesse économique.
A Mauléon l’industrie historique, pas totalement anéantie, ce sont les espadrilles version semelles de corde et toiles cousues : un positionnement moyennement porteur et forcément très concurrencé par la production asiatique. Oloron c’est la ville qui fonctionne le mieux au plan économique sur tout le 64 avec le taux de chômage le plus faible notamment, et surtout, grâce à deux locomotives industrielles de première importance que sont les usines Messier (aéronautique de pointe) et les usines Lindt, leader très avancé dans le chocolat de moyen et de haut de gamme, plus de 800 emplois dans les deux cas sans compter la sous-traitance.
Bien sûr la culture basquaise voire abertzale dans un cas et béarnaise dans l’autre mais dans les deux cas de manière ouverte et assez modérée. Peut-être parce que, dans les deux cas, il s’agit de villes périphériques dont les rapports à la culture gasconne n’est jamais absente.
Les ressemblances et les complémentarités.
Deux villes ouvrières penchant nettement vers la gauche avec même une présence relativement forte du parti communiste, principalement à Mauléon, une rareté dans l’Aquitaine plutôt radicale et modérée.
Une présence ibérique, espagnole et portugaise, j’allais dire une communauté espagnole et portugaise importante. Mais le terme est impropre dans la mesure où il y a amalgame complet avec le reste de la population. A Oloron l’identité est au moins aussi influencée par l’Espagne que par mes vallées béarnaises. La spécialisation, historique et actuelle, dans le textile et les emplois induits, nombreux et assez peu rémunérés, n’est pas étrangère à cet état de fait.
La morphologie urbaine.
Comme beaucoup d’autres villes, singulièrement celles du piémont pyrénéen, les villes sont construites et tournées vers le fleuve à savoir les gaves d’Ossau et d’Aspe réunis en le gave d’Oloron, d’une part, le Saison, de l’autre, la morphologie urbaine est très dissemblable.
Mauléon est une ville très classique pourvue de deux chanteaux exceptionnels un château-fort du 11ème siècle au départ une motte féodale qui prit une importance singulière du fait que la Soule et la Navarre furent anglaises en tout cas sur la frontière entre les mondes français et anglais ; le château de Maytie sus évoquée une pure merveille de la renaissance qui est resté jusqu’à aujourd’hui dans la famille Andurain.
Pas de château à Oloron seule de nombreuses maisons de maîtres. Mais, par contre, une modeste mais belle cathédrale ; classée partiellement ; au patrimoine de l’humanité.
Mauléon est également dotée d’une vaste place sur laquelle donnent les deux châteaux et la mairie construite par Mansart et de vastes et beaux cafés comme on peut en voir dans le midi languedocien et avec, placés sur le pourtour, des bâtiments de style très classique et au milieu un grand fronton pour jouer à la grande chistera.
Rien de cela à Oloron construit sur des collines et des rues étroites mais avec, donnant sur les deux gaves, de remarquables constructions bardées d’ardoises et surtout des toits d’une infinie complexité. Des toits qu’on peut le mieux admirer depuis l’église Sainte-Croix.
Mais le plus remarquable à Oloron c’est le site, tout à fait unique et très romantique, qui fait apparaître la ville comme elle est vraiment c’est à dire surgie des deux gaves avec la très haute montagne pour décor.
Ces deux villes ont donc beaucoup de points communs même si un certain complexe de supériorité du côté basque participe à ériger une vraie frontière culturelle. Une frontière pas forcément plus forte que celle que l’on trouve, une fois franchi le col d’Osquich, en sortant de Mauléon par Ordiap pour entrer en Basse-Navarre (capitale Saint-Jean-Pied-de-Port). On se trouve alors dans un Pays basque de poupée avec ces toits de tuiles canal et ses vastes linteaux dont la seule ressource, au demeurant très bien exploitée, est la manne touristique. Après pour rentrer à Oloron le mieux est de passer par l’Hôpital-Saint-Blaise et sa charmante église mozarabe, puis dépasser la nationale et rentrer par l’autre côté du gave par Saucède et Lédeuix ….
PS 1 :
En écrivant ce petit texte PYC est tombé, par le plus grand des hasards, sur une livre de 1976 « Passeport pour la Corée» aux éditions Marrinpouey à Pau, de Célestin Coyos.
Cemonsieur (ce monsrigneur ?) Coyos, natif de Mauléon, est un prêtre missionnaire. Il servit en Corée, notamment pendant la guerre éponyme. Il raconte ses voyages en bateau en passant par les États-Unis, Hawaï et le Japon pour atteindre le Corée. Avec toujours une référence à la Soule et à Mauléon où il fit le collège et toujours pour exprimer les distances, une référence aux distances Mauléon-Tardets ou Mauléon-Oloron par exemple, pour quantifier la longueur des rues américaines. Un document extraordinaire sur les mentalités et les valeurs des années cinquante dans les milieux basquisants, polyglottes, ultra cultivés et ultra-catholiques. Tout à fait passionnant… Avec des photos en soutane et cheveux en brosse et des yeux pétillants de ce singulier personnage entre Tintin et le docteur Schweitzer …
PS2 :
Pour les courageux (ses) qui sont allé(e)s au bout de ce sujet très périphérique et plutôt cycliste… un petit jeu concours : trouver l’identité de la beauté en noir et blanc, native ni d’Oloron ni de Mauléon, qui illustre le sujet.
La récompense, pas n’importe quoi, une bise de Madame PYC...
– par PYC
Oloron, le 25 / 01/ 2015.
La réponse au PS2 est citée dans le texte : Dolores Ibârruri
Mais avec Google Images c’est trop facile !