Contribution au débat sur la démocratie.
Dernièrement, sur notre site, Bernard Boutin diffusait une réflexion intitulée :
«Démocratie verticale ou démocratie horizontale : Que voulons-nous ?».
Un pays est un ensemble d’êtres vivants au sein d’un environnement non vivant, les deux, toujours en évolution ; c’est un système complexe dont l’avenir peut être orienté sur le court terme, mais reste imprévisible à moyen ou long terme.
La démocratie semble être la gestion la meilleure pour tenir compte du maximum de facteurs entrant en relation et interaction car elle assure la mise en responsabilité possible de tous les constituants appelés «le peuple».
La démocratie est multiple, chaque pays «démocratique» a la sienne!
«Oui, la France est «en démocratie». Nous élisons nos représentants», B.Boutin.
Institutionnellement, c’est vrai, mais, quand on creuse, le doute apparaît.
«La démocratie est le régime politique dans lequel le pouvoir est détenu ou contrôlé par le peuple (principe de souveraineté), sans qu’il y ait de distinctions dues à la naissance, la richesse, la compétence… (principe d’égalité).» La Toupie.
En théorie, le définition est belle et séduisante mais en pratique ce n’est pas respecté.
• Pour des pays comprenant des millions de citoyens, la chose devient impossible d’où la substitution de «représentants» (démocratie indirecte).
> Les intermédiaires déforment la volonté initiale.
> L’électeur n’a jamais l’intégralité de ses volontés parmi l’éventail des sollicitants.
> Le représentant est un être humain, pas une machine, il a sa force et ses faiblesses ; il ne peut jamais répondre intégralement et positivement, aux souhaits de tous les supporters car ils n’ont pas tous le même avis, et lui non plus, sur tout : économie, social, culturel, environnemental, défense, santé, enseignement….
> Inclus dans un parti et soumis aux contraintes d’une situation évolutive, le maintien indéfectible des demandes est non seulement impossible (il n’est pas le seul à décider), mais souvent non souhaitable du fait même de l’évolution de la situation.
Pour toutes ces raisons, non exhaustives, tirer à boulets rouges sur nos élus n’est pas forcément très juste !
- Les sénateurs, les ministres, le pouvoir judiciaire, bien des fonctionnaires ministériels influents, les conseillers, ne sont pas des élus !
- En admettant que le système soit «démocratique», même partiellement, au niveau de sa gestion étatique, il ne l’est pas au niveau économique, environnemental, social, éducatif…Toute la société «fonctionnelle», publique comme privée, est gérée par la dominance et la hiérarchie.
- Cette démocratie n’est pas continue mais alternative car «la vengeance démocratique électorale» !!! ne peut se manifester que tous les 5 ans, entre temps, c’est le dirigisme. A propos d’élections, quand on obtient des scores d’abstention dépassant parfois les 50%, la consommation de la démocratie est vraiment un désastre.
- «Cette démocratie verticale, ne fait pas le pari du citoyen» B.Boutin.
Vrai, mais la vie en société implique des contraintes, la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres ; on ne peut pas à la fois prôner l’unité de la nation et le laisser faire de chacun. La codification de règles donnant des droits et des devoirs s’impose pour le vivre ensemble. La liberté d’entreprendre doit être forcément limitée. Bernard l’admet d’ailleurs: «il nous faut un pays centralisé pour que l’ordre soit la règle et ainsi «éviter la chienlit».
La démocratie verticale a ses inconvénients et ils sont nombreux ; elle a aussi des avantages.
L’un d’entre eux vient d’être cité ; la gestion pyramidale est de plus ancrée dans nos gènes ; la sélection naturelle l’a retenue comme seul moyen pour assurer la survie des sociétés animales chez les oiseaux et les mammifères. La hiérarchie et la dominance, sans recherche de perversité, librement consenties, est un système vertical de gestion privilégié : horde de loups, société des éléphants, des primates…l’ordre du picage chez les poules a été très étudié. Le «cumul des mandats» dans le temps est assuré par celles ou ceux qui, souvent, ont l’expérience de l’âge.
La bonne marche d’un pays, d’une société, d’une entreprise, d’une association….semble nécessiter une structure pyramidale, mais, pour faire la transition avec la suite, en considérant que chaque élément de la pyramide a la même responsabilité et la même importance dans le fonctionnement de l’ensemble, ce qui n’est pas le cas dans notre démocratie : le nouveau directeur général du groupe pharmaceutique Sanofi recevrait un «bonus de bienvenue» de 2M d’euros à sa prise de fonction et 2M d’euros en janvier 2016, 469 fois le SMIC !
«N’est-ce pas plutôt de donner aux citoyens les moyens pour que, compte tenu de leurs capacités individuelles, chacun contribue, dans son domaine de savoir, voire d’excellence, à l’évolution de notre société dans toute sa diversité économique, sociale, scientifique, culturelle, sportive… » nous dit B.Boutin.
L’école républicaine, du haut en bas, y a contribué, en permettant l’ascenseur social.
La démocratie horizontale évoquée par B.Boutin est une forme de démocratie directe qui a vu le jour en Argentine en 2001 et qui a été reprise par d’autres comme les Indignados espagnols.
La démocratie directe est un régime politique dans lequel les citoyens exercent directement le pouvoir, sans l’intermédiaire de représentants. La démocratie athénienne en est l’exemple fondateur. Le courant socialisme libertaire anarchiste en dérive ; le référendum d’initiative populaire en est un instrument, l’autogestion une application dans le domaine économique.
Lorsqu’il est nécessaire de désigner des délégués ou de nommer des magistrats, le tirage au sort constitue le principe primordial qui permet l’égalité des citoyens. Montesquieu affirmait ainsi dans De l’esprit des lois «Le suffrage par le sort est de la nature de la démocratie. Le suffrage par le choix est de celle de l’aristocratie. Le sort est une façon d’élire qui n’afflige personne ; il laisse à chaque citoyen une espérance raisonnable de servir sa patrie.»
Elle aussi, comporte des avantages, ceux de pouvoir librement (est-on toujours libres !) extérioriser ses compétences, son énergie pour réussir,…., mais c’est aussi, par dérive, l’individualisme pur et dur qui privilégie l’intérêt privé et refuse toute participation à une cause commune. C’est chacun pour soi, que le «meilleur gagne» !
Si la démocratie horizontale peut apporter la gloire de «la créativité citoyenne», elle a aussi sa face cachée. La créativité citoyenne a fait ses preuves, elle a conduit à la pollution, le réchauffement climatique, les désastres arrivés et ceux à venir, la maladie de la vache folle, le «lasagne gate», la tromperie de la société Spanghero, l’affaire Servier, l’affaire Findus viande,…… «Faut-il s’étonner qu’on découvre des résidus de médicaments vétérinaires dans les petits pots destinés aux bébés (Food Chemistry, 15 juin 2012 pages 2171-2180)»!
«Rendons le pouvoir aux Français eux-mêmes»B.Boutin.
Très séduisant, mais à consommer avec modération. Tous les Français sont-ils capables d’assumer cette ambition ? Quand je lis, écoute, vois, les connaissances, le comportement, les raisonnements, les actions de beaucoup, j’en doute vraiment.
Un tel raisonnement serait valable si :
- Tout le monde il était beau, gentil, raisonnable…
- Tout le monde souffrait de narapoïa c’est-à-dire de ce délire de croire que tout le monde lui veut du bien !
Ce n’est pas le cas.
Alors, si c’est ni l’un ni l’autre, quoi faire ?
La bipolarité n’est jamais la solution. A l’opposition, substituons la complémentarité, au tiers exclu, le tiers inclus. Prenons ce qu’il y a de bien dans chaque démocratie et refusons ce qu’il y a de négatif.
Pas facile c’est vrai, mais avons-nous le choix ?
Une force irrésistible est entrain de prendre une place énorme dans ce débat. Avec l’arrivée des nouvelles technologies de l’information, une révolution se met en place.
«Sur Facebook, sur Twitter, par e-mail,….., les informations transitent de manière horizontale… d’individu à individu sans passer par un modèle hiérarchique.
Internet n’est dirigé par personne si ce n’est quelques passionnés qui soumettent des idées, peu importe qui ils sont et d’où ils viennent. Si une idée est bonne et qu’elle marche, elle a de grandes chances d’être reprise.» Mediapart.
Je ne peux que revisiter, à ce sujet, Michel Serres : «Petite Poucette» : «Tout le monde veut parler, tout le monde communique avec tout le monde en réseaux innombrables. A la nouvelle démocratie du savoir correspond, pour la politique générale, une démocratie en formation, qui demain s’imposera. Concentrée dans les médias, l’offre politique meurt, elle n’offre plus aucune réponse, elle est fermée pour cause d’inventaire.»
Est-ce cela que nous voulons ?
«La voix notait (périodiquement) son vote sur un bulletin écrit, local et discret ; elle occupe aujourd’hui la totalité de l’espace. La voix vote en permanence.» (sondages) L’avenir de la planète, de l’environnement, etc., tout est bousculé, menacé.«Il n’y a plus de spectateurs mais des acteurs, plus de puissants dans l’arène politique, rien que des décidés. Celui qu’une ancienne publicité dessinait comme un chien n’entend plus la voix de son maître, il n’y a plus de maître.» M.Serres.
«Le jour où le peuple s’éveillera !», disaient certains ; nous y sommes peut-être.
Faut-il pleurer, faut-il en rire
Fait-elle envie ou bien pitié
Je n’ai pas le cœur à le dire
On ne voit pas le temps passer.
Jean Ferrat.
– par Georges Vallet
crédit photo: nonfiction.fr
Les changements dans les entreprises semblent aller très vite maintenant. On voit tomber la hiérarchie intermédiaire. On passe du chef à l’exécutant; Le chef est informé et l’exécutant exécute et répond de ce qu’il a fait; Multiplications du contact Les réunions se font informelles à toute heure, sans déplacement et sur images. Les assistants de gestion ont d’autres rôles. Ils deviennent consultants et auditeurs dans l’entreprise ou pour plusieurs et en particuliers pour les clients et les fournisseurs . Ce sont de nouveaux type de créateurs de valeur ajoutée.
Les analyses sont de plus en plus dégrossies par des robots,, ( des programmes à partir de moteurs de règles qui peuvent évoluer à tout moment…). Et effectivement on rend compte tout naturellement de la qualité du travail . Jusqu’à présent le plus gros consommateurs de sous-traitants c’étaient dans les bureaux ( informatiques, spécialistes en tout genre; …). Aujourd’hui on dirait presque le tertiaire va disparaitre totalement; Il pourrait n’y avoir qu’une force commerciale et une force de production. Le tertiaire serait une conséquence des 2 premières forces. Et elle serait entièrement sous-traitée.
L’informatique n’existe même plus dans l’entreprise hors des imprimantes, et fax, et hors tablettes et IPhone et autres….Plus de DSI, plus de DAF, plus de tout ce qui faisait des moins ! J’ai l’impression que dans 20 ans tout cela sera parfaitement insérés . Il y a 20 ans j’avais commencé à faire héberger des applications bureautiques. C’était pas évident sur le plan psychologique. Aujourd’hui il n’y a plus de freins.
Vous avez raison : et c’est bien plus qu’une révolution, c’est ce que Guillebaud appellerait « une mutation ». Peut-être une prise de pouvoir par le peuple dans le fonctionnement de notre démocratie. On peut le regretter ou s’en féliciter… Cela aura, comme toute évolution, des effets créatifs et des effets destructifs et d’une façon totalement incontrôlable. Mais c’est maintenant une réalité irréversible. Et c’est là qu’un site comme le vôtre peut justifier sa raison d’être, en permettant un débat citoyen, indépendant des « professionnels de la politique » et des groupes de pression de toutes sortes, dans la sérénité et le respect de toutes les opinions.
Vous avez dit : « Transparence » ? N’est-ce pas ce qui permet d’apporter la lumière ?
Mardi soir sur Arte l’émission Théma présentait des entreprises européennes belge, française, allemande, privées et publiques, qui obtenaient des résultats très positifs en redonnant le goût du travail dans leur entreprise. Après de nombreuses réunions, planification et accord, la hiérarchie intermédiaire a disparu, les salariés choisissent en toute autonomie comment booster la productivité. Il ne s’agit plus de contrôler la durée du travail mais la qualité de l’objectif atteint.
Bien des améliorations dans les mentalités sont encore à faire mais c’est quand même un pas vers une association à bénéfice réciproque entre la gestion pyramidale et la gestion horizontale.
Le principe de la « gestion par objectifs » dans une entreprise pour motiver les salariés existe depuis des dizaines d’années, avec des formules choc du style : « Donnez-leur une fonction, vous en ferez des fonctionnaires !… Donnez-leur une mission, vous en ferez des missionnaires !… » Mais ce fut un feu de paille dans la mesure où la Direction fixait les objectifs, décidait des moyens et ne prévoyait aucune récompense quand les objectifs étaient atteints, seulement des sanctions quand ils n’étaient pas atteints.
Ce qui est nouveau, c’est la concertation et la participation des salariés à la définition des objectifs et des moyens de les atteindre.
C’est exactement le même problème en politique. Le langage « votez pour moi, je sais ce qui est bon pour vous » ne tient plus. L’implication des citoyens, précédemment limitée au seul vote en période électorale, est maintenant permanente tant au niveau des objectif que du mode opératoire (comportement des élus).
Il paraît qu’en Inde, quand un élu ne tient pas ses promesses électorales, il est destitué et c’est le second de l’élection qui prend sa place… Si on essayait en France ?…