Les institutions françaises sont-elles réformables ?
Vient de paraître, en mars 2015, aux éditions Albin Michel un livre intitulé « On va dans le mur… » sous la signature d’Agnès Verdier-Molinié.* Cet ouvrage comporte plusieurs parties et une annexe, d’un côté un constat plus qu’alarmant, de l’autre une série de quinze objectifs permettant à ceux qui les pensent réalisables de rester un tant soit peu optimistes.
Agnès Verdier-Molinié, est diplômée d’histoire économique. Auparavant journaliste elle est maintenant la présidente de l’iFRAP, la Fondation pour la Recherche sur les Administrations et les Politiques Publiques. Elle intervient assez régulièrement dans l’émission quotidienne « C dans l’air » et le dimanche matin sur une radio nationale lors d’un débat face à Eric Heyer, lui-même, économiste.
L’auteure dit être « dans une démarche optimiste, et être sûre qu’on va y arriver ». Elle précise également que son livre fait principalement le constat des incohérences de l’organisation de la France. Il contient un certain nombre de données qui ont été particulièrement difficiles à obtenir. Elle cite ici l’absentéisme dans la fonction publique, domaine considéré comme tabou, qu’elle parvient cependant à dévoiler. Le constat, dit-elle encore, n’est ni de droite, ni de gauche, ni du centre ni d’ailleurs, il se situe en dehors des options de nature seulement politicienne.
Dans son avant propos, l’auteure interroge : « Qui connaît le nombre de taxes en France ? Personne. Qui connaît le nombre d’élus locaux ? Qui a entendu parler du nombre de primes et de corps de l’État ? Du nombre de mandats syndicaux à la Sécurité sociale ? De la prolifération des articles du code du travail ? Des lois et des normes ? Personne. /…/ Résultat, faute d’un diagnostic partagé sur des bases saines et chiffrées, nul ne peut donner le bon remède, chacun, à tour de rôle au pouvoir, se concentrant au mieux sur les manifestations du mal, sans s’attacher à le régler. »
Alors oui, il faut prendre ce livre d’abord et avant tout comme une compilation chiffrée des empilements, des dérives et des complexités de l’organisation des institutions françaises. Il s’agit du mal endémique de notre pays, mal duquel on n’a pas réussi à s’extirper. Si la comparaison avec d’autres pays d’Europe est utile, il ne faut pas méconnaître l’annexe intitulée comment éviter le mur. Cette dernière partie témoigne de l’optimisme d’Agnès Verdier-Molinié dans la mesure où il comporte quinze propositions concrètes. Elle pense que rien n’est perdu et que l’organisation de la République et de ses administrations est réformable. On pourra à l’envi critiquer ces objectifs et les classer dans le domaine des utopies, ils ont au moins le mérite d’exister.
Il y aura toujours des sceptiques qui, avant même d’avoir lu une seule page de cet ouvrage, le classeront dans la catégorie « populiste » ou « ultralibérale » pour justifier leur rejet. Ils démontreront ainsi qu’ils sont les tenants d’un clivage obligatoire, les partisans de l’inconditionnalité politique définitivement acquise. C’est vrai que ce dogmatisme sectaire est plus facile à afficher que de remettre en cause des données chiffrées. Je retiendrai qu’Alternatives Pyrénées qui a fait de la transparence son principal objectif, possède, par le contenu de cet ouvrage, des arguments chiffrés utiles et difficilement contestables.
Pau, le 7 avril 2015
Par Joël BRAUD
*269 pages – 19 €
Mon propos n’est pas de rejeter en bloc tout ce que dit l’iFRAP mais de souligner qu’il y a à boire et à manger.
Je ne dis rien d’autre quand j’écris qu’il faut prendre ce livre d’abord et avant tout comme une compilation de chiffres. Ils constituent des arguments chiffrés émanant de l’INSEE et de la Cour des Comptes.
Maintenant de là à adhérer en tout point aux propositions de l’auteurs, baptisées objectifs, il y a un pas, il faut sans doute savoir rester critique.
Pour faire court, la fondation iFrap (dont l’auteur du livre présenté est présidente) est un lobby ultralibéral. La lecture du site et les nombreux articles qui lui sont consacrés (et pas uniquement dans des médias gauchistes) ne laissent aucun doute à ce sujet.
L’iFrap a la droit de promouvoir une société utralibérale, le problème n’est pas là. Par contre il faut pas faire la passer pour ce qu’elle n’est pas, à savoir un institut se contentant de décortiquer le fonctionnement et les comptes de la sphère publique, à la manière d’une cour des comptes bis. Car au-delà du décorticage, l’iFrap soutient tout un tas de propositions : les analyses chiffrées objectives cherchent à faire passer ces propositions pour des évidences, alors qu’elles sont souvent sous-tendues par des shémas de pensée ultra-libéraux, donc parfaitement subjectifs. Comme si un mal n’avait qu’un remède possible.
Mon propos n’est pas de rejeter en bloc tout ce que dit l’iFrap, mais de souligner qu’il y a pour le moins à boire et à manger dedans, et qu’il est important de faire la part des choses entre les analyses objectives (clairement revendiqués) et les objectifs politiques (nettement moins clairement affichés).
Bravo Bernard. Personnellement j’ai contribué.
Une initiative intéressante de Jacques Attali. Comme dirait « Sango », il a du lire AltPy !!!
Les arguments de J Attali (désolé pour la pub avant) : C’est ICI
Pour participer à la mise en place du prochain programme présidentiel : C’est LÀ
Le dernier paragraphe est un bel exercice de rhétorique de l’homme de paille : on se crée un contradicteur imaginaire sur mesure en lui attribuant une position indéfendable. Ici le contradicteur imaginaire est réputé émettre un jugement sur le livre sans savoir de quoi il parle, ce qui permet à Celui-Qui-A-Lu-Et-Qui-Sait de le renvoyer dans les cordes d’une pichenette assaisonnée de qualificatifs définitifs tels que « dogmatique sectaire » ou « tenant d’un clivage obligatoire ».
Car Celui-Qui-A-Lu-Et-Qui-Sait sait aussi par avance que toute autre position que la sienne sur le livre ne peut venir que d’un ignorant. Il n’imagine pas un seul instant par exemple que le contradicteur, sans forcément avoir lu le livre, peut avoir entendu à maintes reprises le discours de son auteur, invitée régulière des médias (on notera d’ailleurs la contradiction, car Celui-Qui-A-Lu-Et-Qui-Sait rappelle lui-même en introduction cette omniprésence médiatique). Il n’imagine pas non plus un seul instant par exemple que le contradicteur peut aussi avoir lu la prose de l’auteur exposée sur le site de l’iFrap dont elle est présidente (il est vrai que le web n’est pas une source d’information sérieuse, sans doute).
Ses contradicteurs sont peut-être des « dogmatiques sectaires », mais Celui-Qui-A-Lu-Et-Qui-Sait ne serait-il pas pour sa part un adepte des raisonnements binaires, du type du célèbre bushisme « Si vous n’êtes pas avec nous c’est que vous êtes contre nous » ?
PierU, parce que je vous ai en estime et pour vous démontrer que je ne suis l’homme de paille de personne,, je vous offre cette citation d’Albert Camus :
« On ne décide pas de la vérité d’une pensée selon qu’elle est à droite ou à gauche, et moins encore selon ce que la droite et la gauche décident d’en faire. A ce compte Descartes serait stalinien et Péguy bénirait M. Pinay. Si, enfin, la vérité me paraissait à droite, j’y serais. »
Un beau cadeau que je vous offre.
L’homme de paille c’est le contradicteur imaginaire créé sur mesure , pas celui qui crée le contradicteur imaginaire : http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89pouvantail_(rh%C3%A9torique)
A part ça, Albert Camus a-t’il une citation toute prête pour celui qui se revendique ouvert à tout, mais qui traite directement de « dogmatiques sectaires » ceux qui ne partagent pas sa vision des choses ?
Les institutions françaises sont-elles réformables ?
Bien sûr que oui, autant ou même mieux que dans d’ autres pays. Sans avoir besoin du modèle anglo-saxon, dont beaucoup souhaiteraient nous imposer l’ esprit .
Les citoyens Français sont tous les jours un peu plus conscients qu’ il faut réformer, car il en va de leur avenir, mais également de celui des générations futures, ainsi que de la capacité de notre pays à faire partie des pays innovants en matière d’ idées et de recherches pluridisciplinaires. Les citoyens Français ont une très bonne vision de la situation actuelle, qu’ ils voient tous les jours se dégrader un peu plus, malgré les discours pleins d’ optimisme des dirigeants actuels et de certains futurs, qui s’ y joignent. Les Français mesurent bien cette situation, pour savoir ce qui est réalisable et acceptable ou non par eux.
Mais tout cela a un prix et ne sera réalisable que lorsque nos dirigeants politiques, actuels et futurs, se seront résignés enfin à abandonner le clientélisme politique et administratif, auquel ils succombent complaisamment pour assurer suffisamment leur faim insatiable de pouvoir.
Il serait très dommageable pour l’ image de marque de notre pays d’ en arriver à une situation » à la Grecque », par manque de courage, alors que nous sommes l’ un des moteurs de l’ Europe. Cela serait un signe fort d’ impuissance envers
les anti-européens, avec toutes les conséquences qui en découleraient.
Bel optimisme M. LACANETTE. Il y a donc, selon vous, d’un côté les citoyens français qui sont tout à fait conscients qu’il faut réformer et qu’il y va de leur avenir, et de l’autre les dirigeants politiques qui, eux pour des raisons qui ne les honorent pas, sont un frein, voire un empêchement à une réforme profitable à l’intérêt général.
Eh bien il est là le vrai problème, vous le touchez du doigt. La question est donc de savoir comment se débarrasser de ces dirigeants politiques accrochés à leurs privilèges.
Hélas, si en France on a tant de retard, c’est que d’autres encore freinent des quatre fers.
Nos syndicats, archaïques au possible, mais aussi les citoyens qui veulent bien des réformes à condition qu’elle touche les autres.
L’exemple le plus incroyable de cet archaïsme est le confit à radio France qui est aujourd’hui a son vingtième jour de grève.
Les économies qui sont demandées aux nantis de Radio France sont ridicules : une optimisation des coûts de fonctionnement de 24 millions d’euro se traduisant entre autres par la suppression de 200 a 300 postes sur 4600.
Très en dessous de ce que préconise la Cour des Comptes qui note aussi l’immense gabegie avec trois rédactions de journalistes (pour traiter de la même information principale) 140 a France Inter, 100 a France Info et 40 a France Culture.
Bien évidement une rédaction unique s’impose avec division par deux du nombre de journalistes, mais le PDG ne demande même pas cela !
Les grévistes sont très minoritaires (on cite entre 8 et 10 % mais silence radio …)
Non la France ne peut pas se réformer
La question n’ est pas de se débarrasser de ces dirigeants politiques accrochés à leurs privilèges, car je pense que pour reprendre cette situation, le pays aura besoin de tout le monde, particulièrement des idées. Par contre, il faut impérativement couper les liens forts qui amènent systématiquement à cette situation d’ immobilisme » confortable », qui fait que chacun se réfugie sous la couette, en attendant de passer le relais au suivant. Ce cycle infernal doit être rompu au profit de l’ intérêt général, au delà des tendances politiques partisanes. Il faut que la réal politique prenne le dessus.