Notre système présidentiel
Deux livres contiennent une attaque frontale et bien documentée contre l’élection du Président au suffrage universel à la française :
– « Arrêtons d’élire des Présidents »
Chez Stock 2014 de Thomas Legrand journaliste politique à France Inter
– « Poison présidentiel »
Chez Albin Michel 2015 de Ghislaine Ottenheimer rédactrice en chef de la revue Challenges.
On retrouve les mêmes thèmes dans ces deux livres. Le « Poison présidentiel » va plus loin dans l’analyse.
L’HOMME PROVIDENTIEL
Tous les deux daubent, à plaisir, sur le mythe de l’homme providentiel. Legrand au chap. II « l’homme providentiel bouge encore » – Ottenheimer Chap.11 « la farce du sauveur ».
Ottenheimer, page 165 :
« Car l’homme providentiel, c’est un récit. Cela se fabrique. Les ingrédients sont toujours les mêmes. Premièrement : des images de foule pour montrer que le peuple est mobilisé, galvanisé. Deuxième ingrédient : la promesse de tout revoir de fond en comble. »
Legrand, page 27
« On sait que l’homme providentiel est anachronique mais on ne peut se départir de cette nostalgie des temps faciles où l’on pouvait suivre un homme en pensant qu’il avait les solutions… ou même qu’il était les solutions. »
Plus loin :
« Le Général de Gaulle a voulu l’élection présidentielle en 1962, à une époque bien particulière. C’était l’époque où la France sortait des guerres de décolonisation qui posaient la question de son existence même. C’était l’époque du Parti communiste à 25 %, des plans quinquennaux, des frontières, de la guerre froide, du capitalisme d’Etat. »
TOUT PASSE PAR L’ÉLYSÉE.
Sur ce point, Ottenheimer est la plus éloquente, dans son chapitre «Le nombril de la République» on trouve ceci :
«Toute l’organisation politique du pays remonte à l’Elysée. C’est là qu’on décide, impulse, négocie. MAIS SANS S’OCCUPER ENSUITE DE METTRE EN ROUTE CONCRETEMENT LES MESURES PRISES. »
Plus loin :
« Le Président, qui est constamment en première ligne, est tenu responsable de tout. Il veut donc à la fois des capteurs – pour le tenir au courant – et des donneurs d’ordres- pour contrôler les Ministres. »
Une phrase de Sarkozy : « Fillon et Juppé, ils disent ce qu’ils veulent, c’est moi qui décide ! »
ÇA NE MARCHE PAS.
Ottenheimer Chap. 9 : « Ça ne marche pas ! »
Legrand Chap. V : « L’impuissance publique. »
Ottenheimer : « Le chômage, la dette, les déficits, le commerce extérieur, la compétitivité, l’investissement, l’échec scolaire, la précarisation, la pauvreté, la pénurie de logements, la délinquance.
TOUT VA TOUS LES ANS PLUS MAL. »
Legrand : «Le déboulonnage de la statut du Président avait commencé par le constat édifiant de l’impuissance de Jacques Chirac. Qui se souvient d’une réforme structurelle majeure issue de l’un de ses deux mandats ? »
LE MANICHÉISME INDUIT
Les deux auteurs pensent que cette élection exacerbe le manichéisme des français. D’après Gilles Carez, cité par Ottenheimer : « Lors de l’élection présidentielle, le candidat est obligé de se démarquer avec une présentation très MANICHÉENNE. Tout ce qui a été fait est à jeter à la poubelle ».
D’après Legrand : « L’élection présidentielle, avec son moment d’illusion collective que représente la campagne, est un parfait réceptacle de ces deux fantasmes de droite et de gauche ».
ALORS QUE FAIRE ?
Nos deux auteurs posent la question :
– Ottenheimer: Chap. 15 « Un pays normal. »
– Legrand Chap. X « La panne et les dépanneurs. »
Legrand : « Il est assez symptomatique de constater que seuls les représentants de partis politiques n’ayant pas, raisonnablement l’espoir de voir l’un des leurs accéder à la présidence de la République proposent de modifier profondément ou même de supprimer cette institution. »
Ottenheimer : « Alors, que faire ? Qui va proposer au peuple de supprimer l’élection qu’il préfère ? Et puis, comment faire ? Comment enclencher une réforme constitutionnelle à froid ? »
Plus loin, deux solutions qui ont leur logique se dégagent :
– 1) Convoquer une Constituante, proposée par JL Mélanchon
– 2) Conserver l’élection du président mais transférer la réalité du pouvoir au Premier Ministre désigné par la majorité parlementaire. Cette solution a la faveur de Mme Ottenheimer.
NOTE ANNEXE HISTORIQUE
Chez Legrand on trouve un bon historique expliquant comment, en deux étapes on est passé d’un régime parlementaire à un régime présidentiel.
1958 : L’article 5 de la Constitution de 1958 fut ainsi rédigé :
« Le président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. »
Le président a été élu par quelque 80 000 grands électeurs.
1962 : Le Général de Gaulle obtient, par référendum, l’élection du chef de l’État au suffrage universel direct.
Donnons le dernier mot à Madame OTTENHEIMER, page 210 :
« Ce n’est pas subversif que de dire que 1962 a perverti 1958 »
Pau, le 10 Mai 2015
Par Jean-François de Lagausie