Les silences du corporatisme

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imagesUn événement palois passé quasiment inaperçu me conduit à choisir ce sujet. Le mardi 12 mars, France Bleu Béarn était, le seul organe de presse à se faire l’écho d’un vol commis par des étudiants à l’Université de Pau. Peu de bruit autour de ce fait divers qui, à deux titres au moins, est significatif de certains comportements. Quel événement ? Quel enseignement ?

A cette date donc, il était révélé que des étudiants en anglais ont dérobé le contenu de l’ordinateur de leur professeur renfermant le texte de leurs dictées hebdomadaires. Les notes de ces épreuves comptent pour le contrôle continu. Ces voleurs puisqu’il n’y a pas d’autre mot pour qualifier leur acte, doublés de tricheurs, ont été sanctionnés, mais pas suffisamment selon leurs camarades. Les enseignants ont fait savoir qu’ils avaient été sanctionnés en écopant d’un zéro. Certains étudiants veulent plus de sévérité, la sanction, disent-ils, est insuffisante. Une commission de discipline est chargée de trancher. Il est certain que sans la revendication de ces camarades auprès d’un média, cette affaire n’aurait jamais été dévoilée.

L’éducation Nationale, et nous y sommes maintenant habitués, préfère régler son linge sale en famille et surtout que rien ne transpire qui pourrait nuire à son image. Cela ne serait pas si grave si, à partir de ce principe qui devient maintenant un peu trop fréquent, on ne pouvait y voir une forme de corporatisme ou plus précisément de silence corporatiste. Car ne nous y trompons pas, le fait rapporté relève de la rigueur de la loi.  Voler ainsi et tricher de la sorte sont prévus et réprimés par le droit pénal. Garder le silence sur ces actes lorsqu’on est un enseignant, c’est-à-dire celui qui est chargé de préparer des jeunes femmes et hommes au fonctionnement et aux rigueurs de notre société, revient à ignorer  la nature éducative de la mission confiée. C’est à la Justice de gérer ce genre de fait, non pas parce qu’il s’agit de vouloir punir à tout prix, mais parce que c’est de sa seule autorité  que cela dépend.  Qui peut prétendre s’ériger en justicier ? Il n’est pas éducatif de laisser croire que l’on peut laver son linge sale en famille. Les professeurs ne peuvent se substituer à l’institution judiciaire. La sanction administrative ne peut être exclusive.

Dans un excellente chronique, intitulée « Pédophiles : les silences de l’école, Emmanuel Davidenkoff, dans l’hebdomadaire l’Express (n° 3330 du 29 avril 2015) ne dénonce pas autre chose lorsqu’il écrit : « Que faire lorsque son enfant est victime d’actes de pédophilie de la part de son instituteur ? « Ne rien dire, et changer l’enfant d’école, ce que font beaucoup de mères. » Cette réponse fut donnée par un inspecteur de l’Education nationale, en 2004, lors du procès d’un instituteur de CP de Cormeilles (Eure). Le procès a montré les mécanismes du  silence corporatiste de l’Education nationale. Il a montré que la défense de l’institution justifie que l’on sacrifie des enfants. »  Pas de bruit, pas de vague, on sait ce qu’il en a résulté par l’exemple d’autres faits divers plus récents.

Dans un cas comme dans l’autre, aux circonstances différentes, c’est vrai, on peut voir un corporatisme destructeur. Il s’agit là de la défense exclusive des intérêts particuliers d’une catégorie de personnes. Le corporatisme désigne, de manière péjorative, l’attitude consistant à défendre les intérêts de sa corporation, de sa caste ou de son groupe social. C’est le cas lorsqu’un groupe puissant, ayant un comportement qui s’apparente à celui des corporations de l’ancien régime, parvient à faire pression sur les pouvoirs économiques, sociaux et politiques et à contrôler ses décisions au seul bénéfice de ses adhérents plutôt qu’à celui de l’intérêt général.  Peuvent ainsi être cités certains syndicats, les grands corps de l’Etat, certaines organisations professionnelles telles que les conseils de l’ordre, les anciens élèves des grandes écoles. On pourrait également parler ici des tribunaux arbitraux qui sont étrangers à l’institution judiciaire.

 Le corporatisme peut être considéré comme un dévoiement de la démocratie. C’est pourquoi  il faut être vigilant et combattre cette tendance naturelle de certaines catégories sociales, dont il ne faut surtout pas exclure les politiques, à vouloir se protéger et à chercher à bénéficier de privilèges.

Pau, le 18 mai 2014

Par Joël BRAUD

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2 commentaires

  • Contribuable Palois

    Un délit a bien été commis à la Fac de Pau: vol + détournement de copies d’examen .
    Les fonctionnaires doivent être mis en cause s’ils ont omis d’avertir l’autorité judiciaire pour que celle-ci puisse enquêter sur les faits.
    Pour ne pas entacher leur réputation il y a trop de baronnies des administrations civiles ou militaires qui ont tendance à masquer les dérives de leurs subordonnés (en se réservant au pire une supposée admonestation entre quatre z-yeux) , ouvrant la voie à ententes ou compromissions .
    Article 40 du Code de procédure pénale
    « Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner conformément aux dispositions de l’article 40-1.
    Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».

  • Autant que de corporatisme je parlerais de politique de l’ouverture du parapluie, sachant que toute vague est sensée porter tort à la hiérarchie soucieuse de soigner son avancement plutôt que de s’attaquer aux vrais problèmes. Dans certains collèges, on conseille gentiment aux parents d’enfants qui ont commis des faits répréhensibles de partir vers d’autres établissements avec l’argument qu’en cas de « résistance », la faute serait inscrite à l’encre indélébile sur le livret scolaire. ça évite les discussions, les remises en cause, les conseils de discipline et les vaches croient ainsi être mieux gardées. ça s’appelle de la démagogie !