A l’insu de mon plein gré.

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imagesPersonne ne sait si Richard Virenque a réellement prononcé cette phrase en 1998 lors de l’affaire Festina. Elle lui a été prêtée par les Guignols de l’info. En cette période où le Tour de France honore de sa présence notre ville de Pau, se trouve peut-être là l’occasion de réhabiliter un coureur injustement moqué.  Qui peut nous expliquer ce que cette formule renferme ?

 Richard Virenque avait ressenti une forte émotion lorsque son équipe avait dû quitter le Tour de France cette année là. Il était persuadé de ne s’être jamais mis en faute et de n’avoir absorbé aucun produit dopant. Certains, comme les Guignols de l’info,  ont estimé qu’il se moquait du monde et que sa défense était particulièrement maladroite. Pas si sûr, pour s’en convaincre écoutons Raymond Poulidor.

Raymond Poulidor, et ceux qui le connaissent le savent, aime raconter des histoires ou plutôt des anecdotes sur sa vie de coureur cycliste. Ce qui suit est vrai, je l’ai entendu.

  • Raymond, pensez-vous que Richard Virenque raconte des mensonges ?
  • Quand je courais encore, le directeur sportif de l’équipe Mercier était Antonin Magne. On l’appelait « Tonin le sage ». C’était une personnalité avec un aspect bien particulier. Il portait toujours un béret et une blouse blanche.
  • Mais à l’époque on ne se droguait pas ?
  • Non personne ne se droguait. Nous ne couchions pas dans des hôtels de luxe, mais dans des établissements plus modestes. Le soir après l’étape, chaque coureur allait dans la chambre d’Antonin Magne. Celui-ci était assis devant une table sur laquelle se trouvaient des petites fioles. Nous restions debout devant lui et il disait : «Toi tu n’as pas été bon dans les montées, bois cette fiole ». Alors on buvait. Tous les soirs c’était ainsi, on comparaissait chacun à son tour devant lui et selon son verdict on avalait une « préparation ».
  • Qu’y avait-il dans ces fioles ?
  • Je ne l’ai jamais su et aucun de nous dans l’équipe ne l’a su.
  • Vous ne lui avez jamais demandé ?
  • Non jamais. Nous n’aurions pas osé. Antonin Magne était un personnage investi d’une grande autorité et les coureurs obéissaient.
  • Il y avait peut-être un produit dopant.
  • Je ne sais pas. A l’époque on ne parlait pas de dopage comme on en parle maintenant.

Peut-être que Raymond Poulidor que tout le monde aujourd’hui encore s’accorde à reconnaître comme étant au-dessus de tout soupçon, a été drogué par son directeur sportif sans en avoir conscience. Comme lui, nous ne le saurons jamais. Il en va de même de Richard Virenque comme d’un autre ancien coureur qui a dit qu’il avait une confiance absolue en ses soigneurs et que s’il a été en contact avec des produits dopants,  c’était « à l’insu de son plein gré ». En tout cas, moi je crois cela possible. Mais la gloire, la réussite sportive valent-elles que l’on sacrifie la santé d’un homme à son insu ?

Hier l’étape du Tour de France a été dominée de la tête et des pédales par un homme. Un autre a annoncé qu’il abandonnait parce qu’un cancer avait été détecté sur lui. Les questions reviennent.

 

Pau, le 15 juillet 2015

Par Joël BRAUD

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  • «Mais la gloire et la réussite sportive valent-elles que l’on sacrifie la santé d’un homme à son insu?»
    Cette conclusion me suggère un élargissement du problème.
    Il est absolument évident maintenant que la croissance «bienfaitrice (!)», telle qu’elle est envisagée et réalisée, est la source des perturbations environnementales:
    «La pollution de l’air en France, chaque année, coûterait120 milliards d’euros (entendu sur France Inter) sans compter les décès et maladies plus ou moins invalidantes qui en résultent et non quantifiables en euros.

    La gloire et la réussite économique valent-elles que l’on sacrifie l’argent du contribuable, la santé et la vie de millions de gens à leur insu?

    En ce qui concerne les substances «dynamisantes», légales et illégales, le texte est intéressant car il raconte la petite histoire de leur utilisation dans le Tour de France.

    En fait, cette utilisation dans le sport cycliste n’est pas, loin de là, une exception, mais la généralité, non seulement dans tous les sports, professionnels et amateurs d’une part, mais dans l’ensemble de la société, le monde du travail, la politique (on ne peut pas négocier âprement pendant toute une nuit sans se «dynamiser» et lutter artificiellement contre le sommeil!
    La politique basée sur la compétition impitoyable, l’individualisme pur et dur, la recherche de profit toujours de plus en plus grand,…en est la cause; il faut être le premier, toujours au top, le plus rapide, le plus beau, riche, inventif, dynamique….

    Le Figaro.fr écrit:
    «Le premier congrès «Addictologie et travail» s’est tenu cette semaine(avril 2014) à Paris. Il lance une alerte sur la situation du travail qui se dégrade.
    Médicaments psychotropes, cannabis, cocaïne, héroïne… Ils ne sont pas toxicomanes mais, pour tenir au travail, bien dormir la nuit ou booster leurs performances, ceux qu’on appelle «les dopés du quotidien» n’hésitent pas à consommer des substances addictives. Parfois au bureau, une à plusieurs fois par jour, et plus ou moins en cachette. Une consommation qui se banalise et inquiète les médecins et chercheurs sur ce véritable problème de santé publique.»
    Il poursuit :
    «La drogue est le futur outil du XXIe siècle»
    Contrairement aux toxicomanes, pour ces «dopés du quotidien» la drogue n’est qu’un outil pour mieux s’adapter aux exigences d’une société économique et non pour rechercher un plaisir momentané.
    Triste époque et triste ambition pour nos descendants!

    • Donc être toxico de base, pour le plaisir, se justifierait ?
      Sacré Baudelaire !
      Mais je n’arrive toujours pas à voir comment fonctionne la société idéale de Geoerges, sans compétition, sans différences ?

      • «Donc être toxico de base, pour le plaisir, se justifierait?»

        Cette déduction tirée de l’analyse du texte et des résultats du congrès d’«addictologie et travail» parus dans le Figaro.fr me stupéfait par son rapport et sa pertinence!

        «Mais je n’arrive toujours pas à voir»

        Avec l’âge, l’acuité visuelle diminue; on a plus de mal à séparer les problèmes les uns des autres; il y a aussi la cataracte qui apporte un flou dans la perception des choses, enfin la DMLA provoque un obscurcissement et des déformations des problèmes.

        Le jour où vous accepterez:

        de ne pas tourner en ridicule, par des réponses à l’emporte-pièce, les propos des rédacteurs.
        de démontrer, point par point, les erreurs que vous décelez dans leurs textes.
        de ne pas avoir toujours raison.

        alors, ce jour là, on pourra établir un débat constructif.

  • M.Braud, pour compléter votre témoignage sur Antonin Magne, nous avons celui de Bernard Labourdette, le Béarnais qui courrait dans l’équipe Mercier avec Poulidor.

    « On l »appelait l’homme à la blouse blanche… Il prenait la tension aux coureurs tous les soirs…il prenait le pouls, il choisissait le médicament avec l(a)e pendule… Il l(a)e passait au-dessus des médicaments et tout d’un coup, s’il s’affolait, ça c’était bon pour vous ! Oui, mais à moi il ne m’en a jamais donné. Il vouvoyait tous les coureurs. il disait « Monsieur Poulidor ». »
    (Extraits de « Je me souviens du Tour de France dans les Pyrénées », publié en 2010 par l’association Mémoire collective en Béarn, à l’occasion du centenaire du Tour dans les Pyrénées)

  • Il est bien connu que les coureurs se dopaient à l’époque Anquetil / Poulidor, avec des produits peu recommandables…
    Aujourd’hui, quand je vois Froome montant la Pierre Saint Martin avec une fréquence de pédalage de 110 Tr/mn sans quasiment transpirer et son co équipier Richie Porte interrogé à l’arrivée frais comme s’il sortait de la sieste, on est en droit de se poser des questions …

    • Les équipes qui ont le plus de moyens financiers ont aussi la meilleure came et le dopage est toujours en avance sur les outils de dépistage.
      Cependant, le « traitement » réservé au cyclisme est injuste. C’est pareil partout dans le sport pro.

    • « Aujourd’hui, quand je vois Froome montant la Pierre Saint Martin avec une fréquence de pédalage de 110 Tr/mn sans quasiment transpirer et son co équipier Richie Porte interrogé à l’arrivée frais comme s’il sortait de la sieste, on est en droit de se poser des questions … »
      Vroom vroom froome… C’est tellement flagrant….
      Heureusement que le ridicule ne tue pas !