J 31 – 100% d’émotion sous le Mont Perdu !
Le topo-guide est clair pour introduire ce qui attend, en hors-d’œuvre de cette 31ᵉ étape, les 4 compagnons de randonnée : « Toi, qui n’as pas connu la montée du col de Niscle, tu n’as pas connu le doute… En comparaison, l’escalade de Migouélou est une flânerie pour curistes, et le col des Mulets un sentier d’interprétation. Dès que le sentier s’élève, il passe à la verticale…* ».
L’équipe est préparée mentalement et du mental, il lui en faudra. Une montée « au ciel », tout « dret », pour passer de 1240m à 2454m. A 7h30, l’intello sent déjà le « chat mouillé », tellement il transpire. Un peu plus tard, il lui faut des essuie-glaces pour dégager les grosses gouttes de sueur qui lui tombent du front. On l’a compris l’effort est intense. Les gourdes se vident rapidement. L’eau du refuge est remplacée par de l’eau de fonte des neiges.
Pour autant, les semaines de pratique font que toute l’équipe atteint le col d’Aniscle sans difficulté majeure. Repos de quelques minutes puis départ pour le col de Los Maquis (2455), vite atteint. La deuxième difficulté du jour se présente alors : le passage des vires de Las Olas, équipées en deux endroits de chaînes. Main aux rochers à diverses reprises et, progression horizontale pendant de longs moments, à environ 2700 mètres, sous la Punta Olas (3022) qui jouxte le Mont Perdu.
Petit à petit, la vue se dégage en direction du canyon d’Aniscle. Comment une telle « tranchée », aussi profonde, a-t-elle pu se former ? Derrière le canyon, à l’horizon, de hauts plateaux descendent lentement vers l’intérieur des terres. La « meseta » espagnole. L’œil cherche au loin Saragosse et pourquoi pas Madrid ? Quelle vue ! Après trente et une étapes de traversée des Pyrénées, cet endroit est à part. Il y a de la magie dans l’air. La cuadrilla reste un long moment à contempler ce paysage exceptionnel.
Côté émotion, tout n’est pas terminé et loin de là ! Après la montée « verticale », les passages aériens des vires, la vue sur Aniscle, l’équipe rejoint le col Supérieur de Goriz dans une ambiance minérale rappelant l’Atlas marocain (pour l’intello), à moins que cela ne soit l’Altiplano andin (pour Connie) ou la planète Mars !
Que de changements depuis les trois derniers sites traversés ! Le cirque glacière du Portillon, les ambiances « champètres » de Viados et maintenant la minéralité des contreforts du Mont-Perdu n’ont rien en commun. Tous ensemble, ils expliquent une chose : le pluriel donné aux Pyrénées !
Passé le col Supérieur de Goriz, le refuge du même nom, n’est plus loin. Une longue traversée, presque horizontale, y conduit. Au fur et à mesure de la progression, c’est au tour du canyon d’Ordesa d’apparaître sous les yeux des randonneurs. Une nouvelle séquence émotion avec la découverte, par au-dessus, de ce canyon qui partage avec le cirque de Gavarnie le titre envié, et unique dans les Pyrénées, de « Patrimoine Mondial », décerné par l’UNESCO.
Le refuge de Goriz est atteint. A son tour, la vue s’ouvre sur la face sud du Cirque de Gavarnie. A porté de main : Le cirque de Gavarnie, le Mont-Perdu, les canyons d’Aniscle et d’Ordesa. Cet endroit est unique dans la chaîne pyrénéenne.
Pour autant, le refuge est tout, sauf à la hauteur de son environnement : des dortoirs des années 50 avec ses rangées de couchettes en bois, superposées sur 3 niveaux, des sanitaires sales, des douches froides. Il est tellement bondé que le dîner donne lieu à 2 services et qu’il faudra faire, le lendemain, la queue pour le petit-déjeuner.
Le lendemain justement, à 5h30 du matin, Iñigo et l’intello, sans se concerter, quittent leur couchette respective, avec tout leur matériel, pour aller se « réfugier » à l’extérieur et y attendre le petit déjeuner. Les dortoirs de Goriz : à vite oublier**. L’étape « 100% émotion » de la veille s’en chargera rapidement.
– par Bernard Boutin
Nota :
– Le verdict du GPS : Pinieta – Refugio de Goriz : 2,8 k/h, 5h22 de marche, 8h03 de rando, 15,3 km parcourus, 1548m de dénivelé positif
– J 31 de la traversée des Pyrénées d’est en ouest de la « mule et l’intello ». Les précédentes étapes, c’est ICI
– * Source : Topo-guide sur le GR11
– ** Si le refuge de Goriz ne correspond pas à ce qu’il devrait être, il faut reconnaître que le personnel est remarquable d’efficacité dans des conditions pas faciles. Merci à eux.
– Crédit photo : Connie Mayer et Bernard Boutin