Espagne : La Catalogne pourra t-elle lancer son processus de sécession après les élections au Parlement régional du 27 septembre ?
Dimanche, les Catalans sont appelés à élire leur 135 représentants au Parlement de Barcelone. Artur MAS, président de la Généralitat (gouvernement autonome catalan), compte bien obtenir 68 députés pour soutenir son projet indépendantiste. Pour cela, il a créé un large front indépendantiste « Junts pel Sí » (ensemble pour le OUI à l’indépendance). Un ensemble qui regroupe les politiques de la quasi totalité de la classe politique catalane qui militent pour l’indépendance. « Junts pel Sí », qui ratisse de la droite à la gauche, a un programme simple : faire en sorte que la républicaine Catalogne rompe enfin, et définitivement, les ponts avec la royale Espagne.
Ce jour-là, la Catalogne lavera l’affront que lui ont fait subir les Bourbons castillans, il y a 301 ans, le 11 septembre 1714, en conquérant Barcelone et, faisant disparaître, par la même occasion, la Catalogne indépendante qu’elle était jusque-là.
Si dimanche soir, au terme des élections, 68 députés sont élus sur les listes « Junts pel Sí » et du CUP (extrême gauche souverainiste qui n’a pas voulu faire liste commune avec « Junts pel Sí »), Artur MAS, fort de cette majorité lancera un « processus sécessionniste unilatéral » pour rendre la Catalogne indépendante dans un délais de 18 mois à compter de l’élection.
Artur MAS a du caractère, du charisme et de la persévérance. C’est un communiquant. Il « surfe », avec aisance, sur la frustration des Catalans de souche qui ne se sont jamais totalement soumis au joug des castillans. Le ressentiment est toujours vivace 300 ans plus tard. Le discours est simpliste : Madrid prélève par l’impôt nos richesses pour les redistribuer à de nombreuses régions espagnoles qui ne survivent que grâce à elles. L’Andalousie est la première désignée du doigt.
Populiste, il galvanise les Catalans en leur faisant croire que demain ne peut être que meilleur entre soi et loin des colonisateurs castillans. Les Catalans sont fiers. Fiers de leur culture, de leurs artistes, de leur capitale Barcelone qui brille de par le monde. Fiers aussi de leur activité industrielle, la plus forte de l’Espagne avec celle du Pays Basque. La Catalogne, c’est 19% du PNB espagnol, 25% de ses exportations et 7,5 millions d’habitants sur les 46,6 millions que compte le pays.
La tentative d’Artur MAS se traduit par une mobilisation impressionnante pour le oui à l’indépendance. A Barcelone, les indépendantistes étaient, le 11 septembre pour le jour de la Diada*, entre 1 et 1,5 millions à défiler. Un lien entre tous, le drapeau de la région : la senyera que l’on retrouve partout pendue aux balcons dans les moindres villages ou encore au sommet du Canigou et de la Pica d’Estats, pic le plus haut de Catalogne. Les ronds-points sont tous parés d’un mat au sommet duquel flotte la senyera. L’élan des souverainistes ressemble à une vague de fond. Le drapeau espagnol ne flotte plus en Catalogne, en dehors des rares casernes de la Guardia Civil et de quelques bâtiments publics nationaux. Surprenant !
De leur côté, les partisans, pour que la Catalogne reste au sein de la nation espagnole, sont trop dispersés pour occuper le terrain comme le font les indépendantistes. Ils sont pourtant nombreux à croire à l’utilité de rester unis à Madrid. Selon le dernier sondage du CIS**, institut de sondage similaire à l’IFOP français, ils seraient même légèrement majoritaires en voix, sauf que les indépendantistes (Junts pel Sí + CUP), aidés par le découpage des circonscriptions, arriveraient tout de même à avoir une majorité d’un ou deux sièges au Parlement.
A cela, Artur MAS répond que, même si l’élection n’est pas majoritaire en voix, avec la majorité en siège pour les indépendantistes, il poursuivra son processus de sécession unilatérale à l’échéance de 18 mois… Unilatérale, car la constitution espagnole ne prévoit pas l’indépendance d’une de ses provinces. On mesure là que les enjeux sont considérables et les risques de radicalisation certains.
Le gouvernement de Madrid, mené par Mariano RAJOY, n’a, à aucun moment, créé les conditions d’un dialogue afin de rechercher une issue négociée aux principales critiques émises par Barcelone, notamment à propos des impôts prélevés en Catalogne, insuffisamment redistribués sur place.
En son temps, le président du gouvernement espagnol, Luís ZAPATERO avait su négocier avec le gouvernement autonome basque, en lui accordant une large autonomie fiscale, et arriver à un accord qui a calmé le jeu en Euzkadi.
Si le vote des électeurs porte les indépendantistes au pouvoir à Barcelone, le rigide Mariano RAJOY sera co-responsable, avec Artur MAS, d’avoir crée une situation qui ne pourra dès lors qu’empirer.
Au plan national, l’étape suivante, serait celle des élections, qui devraient avoir lieu en novembre 2015, pour élire des députés aux Cortes, Parlement de Madrid. Elle porterait très probablement au pouvoir une majorité de gauche. Mariano RAJOY, rendu responsable du « désastre catalan » disparaîtrait alors de la présidence du gouvernement et serait remplacé par son homologue PS, Pedro SANCHEZ qui avec Podemos formerait une coalition. Ensemble, ils auraient alors à négocier avec Artur MAS pour tenter de trouver un accord pour rompre sa tentative sécessionniste.
D’ici là, beaucoup d’eau aura coulé sous le Manzanares (Madrid) et le Llobregat (Barcelone) et les pions auront probablement bougé.
– par Bernard Boutin
* Diada : fête nationale catalane pour célébrer le sacrifice des défenseurs de Barcelone le 11 septembre 1714
** En espagnol, l’analyse par El País, du dernier sondage du CIS
c’est bien parti « pour », en ce 27 septembre 2015 20h21. Les basques (aux infos) commencent à avoir la même intention. « chacun pour soi et tous pourceaux ». L’Europe est morte. Les baronnies (Catalogne, pays Basque, Ecosse, Bretagne, Corse, Lombardie, Laàs =:)) dominent sur l’intérêt général. Petits pays, petits rois, grands périls. On va déconstruire une unité qui devrait être non seulement essentielle pour les libertés mais encore nécessaire pour représenter un continent capable de lutter contre toutes les menaces totalitaires. C’est le contraire qui se profile.
« Les liens se délitent avec une nouvelle idéologie du local, du « Small is beautiful », de l’autonomie, et d’un consentement à l’impôt qui s’est abîmé un peu partout. Aux traditionnelles aspirations identitaires bien connues s’agrègent désormais des revendications économiques et surtout financières. C’est un autre des défis qui pèsent sur l’Europe, qui n’en manquent pas dans cette période de tensions. Nous assistons à un malaise grandissant entre les territoires et les nations. Et c’est très préoccupant. » Source : France Info
Karouge,
«On va déconstruire une unité qui devrait être non seulement essentielle pour les libertés mais encore nécessaire pour représenter un continent capable de lutter contre toutes les menaces totalitaires.»
C’est exactement, dit autrement, ce qui se passe à tous les niveaux de notre approche des problèmes.
La réalité est un tout qui fonctionne, se stabilise et évolue grâce aux liens infinis qui unissent les éléments constitutifs.
La destruction d’une unité, cela s’appelle faire de l’analyse, c’est la coupure des liens qui unissent les constituants; la synthèse est le cheminement inverse, la construction d’une unité en établissant des liens entre les constituants.
Le tout synthétisé est plus que la somme de ses parties, c’est l’émergence d’une force «essentielle pour les libertés…….capable de lutter contre toutes les menaces totalitaires».
Actuellement, on ne fait qu’analyser, on ne synthétise pas.
Ce raisonnement général a l’intérêt de pouvoir s’appliquer dans tous les domaines: traitement des problèmes sociaux, économiques, politiques, environnementaux….
Exemple: vouloir traiter séparément le problème du CO2 sans tenir compte de toutes les relations qui aboutissent à son rejet dans l’atmosphère, c’est la destruction d’une unité; il en est de même en voulant résoudre le problème de l’Europe, de la pollution, du chômage, des inégalités, de la pauvreté,….., des fonctionnaires!
Le domaine public unit, le domaine privé sépare.
C’est très grave car c’est suivre un raisonnement faussé dès le départ.
J’oubliai , peut-être l’essentiel, analyser c’est aller en sens inverse de celui de l’histoire de la vie. Depuis son apparition , elle n’a fait qu’unir et synthétiser des ensembles de plus en plus complexes, l’homme biologique, puis sa société serait le dernier en date!
Selon un tout dernier sondage publié samedi en fin de journée, les indépendantistes seraient majoritaires au Parlement de Barcelone au terme des élections de dimanche 27.
Si tel est le cas, dès le lundi 28 la prime de risque sur l’Espagne devrait monter, les investissements en Catalogne se tarir etc…
Reste à savoir si toutes les dernières déclarations anti-indépendance n’infléchiront pas le résultat en dernière minute. Elles ont été nombreuses et du type : le Barca devra quitter la Liga (Fédération), les Banques devront se rapatrier leur siège (union bancaire nationale), la Catalogne quittera automatiquement l’Europe (Bruxelles) etc…
Le sondage du País est ICI
L’expression «Le discours est simpliste » est un peu forte.
La redistribution dont profitent les provinces moins riches, ne retourne pas dans l’économie Catalane ; Elle part plutôt en Chine (ou peut-être en Allemagne…).
Par exemple, il y a longtemps que Renault n’attend plus la clientèle provinciale pour tourner ou que Fiat n’attend plus celle du Sud de l’Italie. Le monde est devenu le champ d’action de ces sociétés. La périphérie devient une charge pour les métropoles (pour simplifier…).
Mais les métropoles sont devenues très diverses en terme d’origine des populations. L’issu sera certainement la négociation, comme l’indiquerait la conclusion de l’article.
Aussi, on peut dire qu’il y a une volonté (un besoin) d’autonomie des territoires riches (Cf. création des régions métropoles en France) et aussi une radicalisation des électorats des territoires sinistrés (Nord Est avec le vote FN ou Bretagne Occidentale avec les bonnets rouges).
Voir par exemple : Laurent Davezies ; Le nouvel égoïsme territorial- Le grand malaise des nations ; Seuil ; 2015
Pour ma part, je pense que M. MAS est avant tout un populiste, grand pro de la communication et de l’usage des symboles comme le drapeau. Dans la presse, certains expriment leur dégout de l’utilisation à outrance du drapeau qui rappelle des heures sinistres de l’histoire européenne.
« Suivez-moi. L’indépendance réglera nos problèmes » : voilà le discours « simpliste » résumé.
Sur l’Europe, il est évident que si la Catalogne gagnait son indépendance, elle se mettrait d’office hors Europe. Un long processus d’adhésion aurait à se mettre en place. Il prendrait des années et dans l’immédait, l’euro ne pourrait plus être utilisé, la libre circulation des biens et des personnes poserait problème entre la France et la Catalogne, entre l’Espagne et la Catalogne, entre la Catalogne et le reste de l’Europe communautaire… en attente de la signature de traités entre l’EU et la Catalogne (pour peu que Madrid ne s’y oppose pas, ce qui semble improbable).
Bref un sac de noeud, pas possible que M. MAS n’aborde pas sur le fond, en dehors d’un interview, réalisée lundi à 5 jours du vote, sur La Sexta, où les sujets ne sont abordés qu’à demi-mot. Voir le compte rendu en Anglais.
A moins que M. MAS souhaite faire de la Catalogne, une nouvelle Suisse. Mais cela, il ne le dit pas non plus !
l’exemple de l’Ecosse : http://www.lemonde.fr/europe/article/2014/09/19/referendum-ecossais-les-cinq-raisons-du-non_4490978_3214.html
L’exclusion de l’Europe est un argument brandit par les opposants au processus d’indépendance, mais qui, malheureusement pour eux, ne se tient pas. Tout d’abord, aucun traité européen n’a pris en compte l’éventuelle sécession d’une région d’un pays membre. Ce cas de figure ne s’étant jamais réalisé, il n’existe aucune « législation » ou jurisprudence en la matière. Quand Rajoy affirme que la Catalogne serait automatiquement exclue de l’Europe, cela ne repose sur aucun fondement de droit.
Aujourd’hui, la législation européenne a été retranscrite dans le droit catalan, comme dans l’ensemble des législations des pays et régions d’Europe. Comment exclure un territoire ayant appartenu à l’Union, ayant satisfait à l’ensemble des critères, des obligations, s’étant mis en règle d’un point de vue normatif. Cela générera obligatoirement un débat de fonds au sein du Parlement européen, au sein duquel le processus catalan ne soulève pas que des oppositions.
Quant aux frontières, c’est oublier que certains pays non membres de l’Union font partie de l’espace Schengen : la Suisse (et oui), la Norvège, l’Islande… Donc la mise en place d’un nouvel état ne signifie pas que les frontières vont devenir hermétiques.
C’est la même chose pour l’Euro, qu’utilisent certains états non membres de la zone euro. donc rien ne s’oppose à ce que la Catalogne utilise d’euro.
Enfin, Rajoy indique que l’Espagne s’opposera à toute candidature officielle de la Catalogne auprès de l’Union. Il y a là un paradoxe. Si l’Espagne veut s’opposer à l’adhésion de la Catalogne dans l’Union européenne, cela signifie qu’elle doit au préalable la reconnaitre comme Etat. Et tant que cela ne sera pas fait, les traités et la monnaie européenne seront en vigueur sur le territoire catalan.
« Comment exclure un territoire ayant appartenu à l’Union, »
–> la Catalogne en tant que telle n’appartient pas à l’UE, donc il n’y aurait rien à exclure. Ce serait le scénario inversion de la réunification de l’Allemagne : en étant absorbés par un état membre de l’Union, les territoires de l’ex RDA ont été de facto intégrés à l’UE. Inversement, un territoire qui se séparait unilatéralement d’un état membre serait de facto en dehors de l’UE.
« Quant aux frontières, c’est oublier que certains pays non membres de l’Union font partie de l’espace Schengen : la Suisse (et oui), la Norvège, l’Islande… Donc la mise en place d’un nouvel état ne signifie pas que les frontières vont devenir hermétiques. »
–> L’espace Shengen ne s’occupe que des contrôles aux frontières, pas de la politique migratoire. Shengen signifie juste que chaque pays délègue aux autres le contrôle des frontières extérieures. Un Français peut de droit s’installer en Allemagne et y travailler, en tant que citoyen d’un état membre de l’UE, mais il ne le peut pas en Suisse, Shengen ou pas.
Les mouvements indépendantistes n’ont ni logique ni sens à un moment où les peuples veulent au contraire se rapprocher, mettre en commun, construire l’Europe.
Ce sont des politiciens cupides qui se lancent dans cette démarche populiste pour obtenir des fonctions qui les placeraient au niveau d’un Etat plutôt que d’une province.
Le progrès et la solidarité n’ont rien à voir avec ces démarches de politiciens indignes.
Jeu de dupes… Les responsables politiques catalans savent très bien que l’indépendance n’est pas jouable : une catalogne indépendante contre la volonté de l’Espagne ne pourra pas entrer dans l’Union Européenne. L’Espagne s’y opposera bien évidemment, mais aussi tous les pays qui ne veulent surtout pas encourager leurs propres régions à faire sécession.
Ca permet de faire parler de soi, et de se constituer ainsi une notoriété en vue des élections suivantes. Il est quand même triste de voir une société perdue dans ces faux sujets pendant que d’autres, réels et importants ne sont pas traités. Celui-ci n’en est qu’un parmi d’autres. Ici, c’est (entre autres) la LGV qui remplit ce rôle…