« Ô temps, suspends ton vol ! et vous, heures propices, suspendez votre cours !
Le temps est partie intégrante de notre vie. Il rythme nos activités journalières et est présent dans chaque événement de notre vie (temps linéaire). Il préside à la succession des saisons, et en général, au fonctionnement de la mécanique céleste(temps circulaire).
«Le temps passe vite», «perdre son temps», «arriver à temps», «ne pas avoir de temps», «ne pas avoir une minute à perdre», «le temps c’est de l’argent».
Toutes ces expressions meublent en permanence notre langage. Le rapport est tendu avec le temps dans notre société contemporaine, que ce soit au travail, en ville ou chez soi. C’est une course permanente contre la montre : il est l’heure de se lever, de manger, d’aller au travail, à un rendez-vous, de rendre un dossier, de payer ses factures, de consulter A@P !, etc. En observant l’environnement dans lequel nous évoluons au quotidien, les objets nous rappelant l’heure sont présents partout: micro-ondes, télé, portables…
A bien y penser, il ne s’agit pas d’un problème de temps mais plutôt d’un problème d’organisation des priorités.
GPS de navigation (2003), robot de cuisine multifonction (1961), micro-onde (1971), cafetière de cuisine (1978), première tondeuse électrique (1958), distributeur automatique de billets (1971),… Toutes ces technologies et produits innovants furent créés et ne cessent de l’être dans un but commun : laisser plus de temps libre.
Et on n’en a jamais!
Je n’aurai pas le temps, pas le temps
Même en courant
Plus vite que le vent
Plus vite que le temps
Même en volant
Je n’aurai pas le temps, pas le temps
De visiter toute l’immensité
D’un si grand univers
Même en cent ans
Je n’aurai pas le temps de tout faire
(Michel Fugain)
« Pas le temps ! » A la métaphore traditionnelle du temps qui s’écoule succède celle d’un temps qui s’accélère, un temps qui nous échappe sans cesse et dont le manque nous obsède.
L’urgence a envahi nos vies : il nous faut réagir « dans l’instant », sans différencier l’essentiel de l’accessoire, c’est la temporalité malade qui nous gouverne. « Tout, tout de suite, sans attendre : nous n’en finissons pas de courir plus vite que le temps lui-même. On tente de nous raconter l’événement avant même que celui-ci ne se produise, ou que les informations véritables soient disponibles…, nous préférons ce récit trompeur mais immédiat au récit véritable qui, par définition, exigerait un délai.» J-Cl Guillebaud
Ce malaise est encore accentué par les technologies de l’information et de la communication (TIC). Elles fonctionnent au rythme de la nanoseconde, bousculent le temps biologique et le rythme des activités humaines.
Les TIC sont dévoreuses de temps : usage désordonné des nouveaux modes de télécommunication, apprentissage de nouveaux logiciels, réparation des conséquences de fausses manœuvres, etc. Selon une étude menée en 1998 par une société suisse, lorsqu’un utilisateur d’ordinateur passe une heure sur son poste de travail, 20 minutes sont consacrées à des activités improductives, 62 % de ce temps improductif sont principalement consacrés à résoudre des problèmes ou des déficiences informatiques, 19% à l’auto-formation, 16 % à des activités informatiques sans rapport direct avec le travail en cours, et 3 % à une utilisation à des fins personnelles.
La quantité d’informations croît à un rythme qui n’est plus adapté aux capacités d’assimilation des individus. Le téléphone portable suscite des sollicitations hiérarchiques permanentes.
Selon certaines enquêtes, les employés anglais recevraient 170 mails en moyenne chaque jour, dont une bonne moitié de la part de membres de l’entreprise ou de leur propre service. Dans une étude menée en 1996 dans cinq pays pour Reuters Business Information, on pouvait lire que plus du tiers des dirigeants déclaraient souffrir de pathologies liées à l’excès d’informations. La surinformation empêche de distinguer l’essentiel de l’accessoire, et finit par brouiller toute information.
L’important, désormais, est la capacité à détenir les informations stratégiques avant les autres et à les hiérarchiser.
Pour rendre compte de la réalité vécue, il faut rappeler aussi les contraintes que représentent les horaires décalés, l’étalement des heures de travail au cours de la journée, le travail les samedis et dimanches et les pratiques du « 24 heures sur 24, sept jours sur sept ». Un tiers des salariés de la Communauté européenne sont soumis à des horaires dits « atypiques » ; en France, les horaires fixes reculent depuis la fin des années 70 : ils concernaient 65 % des salariés en 1978 et 44 % en 1998. Plus de la moitié (53 %) des actifs travaillent au moins occasionnellement le samedi et 25 % le dimanche. La proportion de salariés travaillant habituellement de nuit (entre minuit et 5 heures du matin, selon l’étude) a plus que doublé en vingt ans (3,5% en 1991, 7,4% en 2012). C’est la rupture ; les risques cardiovasculaires sont accrus, le travail de nuit favorisant certains facteurs néfastes, directement (stress secondaire lié à la dette de sommeil ou au sentiment d’isolement, par exemple) ou indirectement (hypertension artérielle, troubles du rythme cardiaque, surpoids, tabagisme), perturbation de la vie sociale et familiale .
Un nombre croissant d’entreprises fonctionnent sur un cycle de 24 heures, ce qui permet de rester continuellement en contact avec d’autres lieux où il est entre 9 heures et 17 heures – tôt le matin avec l’Asie et tard le soir avec les États-Unis.
La confusion entre l’urgent et l’important constitue sans doute une des composantes importantes des troubles pathologiques associés au « syndrome de Chronos ». L’écrasement par le court terme empêche de donner du sens au futur.
Georges Friedmann, qui fut le premier sociologue français à décrire la parcellisation des tâches dans le travail industriel, parlait du « temps en miettes ». Selon une enquête réalisée aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Allemagne par l’Institute for the Future et Gallup, un salarié est interrompu dans son travail en moyenne toutes les dix minutes par un coup de téléphone, un fax ou un mail. Constat pendant une visite chez le médecin !
La fragmentation du temps touche particulièrement les cadres. Si la capacité de passer d’un sujet à un autre est appréciée et utile dans certaines circonstances, la fragmentation nuit à la performance de l’entreprise. Elle occasionne une perte d’efficacité, affaiblit la concentration et conduit à privilégier l’action au détriment de la réflexion. Après avoir consacré une heure ou deux à des appels téléphoniques, il y a du mal à s’adapter à la concentration réclamée par une activité plus abstraite.
Le culte de l’urgence : La société malade du temps. Nicole AUBERT
Patrick Lemoine décrit ainsi les parents surbookés dans son ouvrage «S’ennuyer, quel bonheur !»: «Les «bons» parents s’activent pour aider leur marmaille à tuer le temps. On peut observer des cohortes de mères et parfois de pères, aussi pathétiques qu’épuisés, passer leurs mercredis et leurs samedis à courir d’un cours de musique à un entraînement de foot, foncer à une kermesse, un spectacle de danse, une compétition d’escrime, bref tout faire pour qu’ils «s’occupent intelligemment»».
Cari Honoré abondait déjà dans ce sens en 2005 dans son livre Eloge de la lenteur. Le temps de présence est un indicateur très imparfait de la réalité du travail.
L’amalgame entre temps de présence et efficacité est un des grands travers de la culture d’entreprise française. Comme le souligne Hugues de Jouvenel « légiférer sur la durée hebdomadaire du travail est anachronique dès lors que celui-ci devient plus immatériel et la frontière entre travail et non-travail devient plus poreuse »
Si nos entreprises savent accroître la productivité du travail – travailler moins pour produire plus –,elles restent soumises à la logique du « plus tu travailles longtemps, plus tu es efficace et plus tu gagnes ».
La vie de l’homme moderne étant hiérarchisée et chronométrée, le «temps libre» devient un paradoxe car il est également contraint par les temps qui l’entourent.
La dépendance à l’hyperactivité est telle que «la cessation de travail ne signifie plus farniente, mais présuppose que l’on s’adonne à une autre activité. Flemmarder au soleil n’est plus à la mode. (…) Cesser de travailler signifie s’activer autrement». Patrick Lemoine
Pourquoi les adultes ont-ils si peur de ralentir le rythme ?
Pour Jean Ollivro, «dire qu’on a le temps, ce n’est pas une honte». Ce serait même le signe que l’on se porte mieux. «La vitesse est incompatible avec le bien-être de l’individu», rappelle Christine Buscailhon.
Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges
Jeter l’ancre un seul jour
Le Lac. A. de Lamartine
–
– par Georges Vallet
crédit photos:base.d-p-h.info
Hier, j’étais à Cabourg, devant le Grand Hôtel (c’est véridique), « à la recherche du temps perdu ».
Les gens pressés ça n’existe pas ,il n’y a que des gens mal organisés , mais après ces énumérations du temps , il y en a une qui a été oubliée ….c’est le temps qui reste et qui nous concerne tous !!!
« c’est le temps qui reste et qui nous concerne tous !!!
Pour celui là, les gens ne sont pas « pressés » en général!
Pour celui-là aussi l’organisation est difficile car il est « incertain et imprévisible »!