Démocratie(s)
Certains événements piochés dans l’actualité conduisent à s’interroger sur les possibles exercices de la démocratie. D’un côté il y a ceux qui s’expriment et qui ne sont pas écoutés, ceux dont l’avis est sollicité mais qui ne se sentent pas concernés et ceux qui sont représentés et se plaignent de leurs élus. Différentes conceptions du pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple.
Ce mouvement qui s’étend maintenant dans les grandes villes de France, « Nuit debout », ne finit pas d’interpeller tous les observateurs. Ils ne comprennent pas vraiment ce que veulent ces jeunes qui dissertent à n’en plus finir sur les nouvelles formes que devrait adopter notre démocratie. Un slogan a retenu mon attention : « Ce n’est pas aux gens de pouvoir d’écrire les règles du pouvoir ». La formule est aussi belle que vide de sens. L’utopie du pouvoir qui est dans la rue, comme cela se disait en 68, est de retour. Mais c’est vrai que l’utopie a quelque chose d’enthousiasmant, qui permet de rêver à un monde meilleur. Cependant arrive un moment où malheureusement ce rêve doit prendre fin : lorsqu’on prend conscience que ce n’est qu’un rêve et que les illusions s’enfuient. Ce rêve se nomme la démocratie directe, sans doute la forme la plus séduisante de ce système de gouvernance, aussi séduisante qu’irréaliste. Comme l’anarchie, sa proche parente, elle ne se réalise que dans l’imagination. On écoute pour ne pas décevoir et parce que on ne peut se désintéresser d’un mal vivre. Mais on pense que cela va se dissoudre dans l’air du temps. Il en restera peut-être quelques enseignements…
Récemment plus proche de nous, dans les limites de la nouvelle région, Aquitaine plus Limousin, plus Poitou-Charentes, les élus en place cherchent des idées, ils sont comme en panne d’imagination. En effet le problème est d’importance, pensez-donc, il s’agit de trouver un nouveau nom à ce nouveau découpage administratif qui a pris forme depuis le début de l’année. Alors on sollicite le bon peuple, on lui demande si, lui, de son côté, avec son imagination qui ne connaît pas de limites, n’aurait pas une idée. Comme il est difficile de mobiliser les esprits sur un sujet de cette nature, on bat la campagne, on multiplie les annonces, on met la presse à contribution. Peu de propositions sont faites et lorsqu’elles le sont, elles paraissent originales, voire farfelues et en tout cas indignes d’être prises en compte. On a même dit, mais cela venait d’un plaisantin, que parmi les propositions l’un avait formulé : « Apoil ». Cet acronyme partait de A comme Aquitaine – Poi comme Poitou et L comme limousin. Voilà un bel exemple de la démocratie participative. On sollicite le peuple sur des sujets sans importance qui ne modifieront en rien la gouvernance confiée aux élus et c’est là sans doute son principal intérêt. Le risque c’est que, sous prétexte de démocratie participative, un jour, par erreur, on pose au peuple une question lourde de conséquences, comme : « Faut-il supprimer les impôts ». Je n’ose imaginer la réponse.
Et enfin il y a la situation que nous vivons actuellement et qui se nomme la démocratie représentative. Le peuple est représenté par des élus qui ont proposé un programme qu’ils se sont engagés mordicus à mettre en place. On sait maintenant que « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent » (Henri Queuille). L’expérience le confirme tous les jours mais le peuple est mécontent et se sent trahi. A juste raison ou pas, il trouve que ce système présente, par certains côtés, comme une forme de trahison. La preuve, les partis politiques sont en perte d’audience et le monde politique se sent discrédité. Comme le disait Tony Benn, nous devons poser constamment cinq questions à ceux qui nous gouvernent :
– Quel pouvoir avez-vous ?
– D’où le tenez-vous ?
– Dans l’intérêt de qui l’exercez-vous ?
– A qui rendez-vous des comptes ?
– Comment peut-on se débarrasser de vous ?
La démocratie reste le moyen de gouvernance le plus juste et respectueux des aspirations de chacun mais toutes ses formes ne sont pas réalistes. Et si l’on raisonne comme Winston Churchill on convient que « La démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous les systèmes.»
Pau, le 20 avril 2016
par joël Braud
Bayrou, par exemple, mais cela vaut pour les autres aussi, peut être tranquille: personne ne va en réunion publique le coincer sur les dépenses indues de la ville. Personne non plus, hors politique politicienne, ne peut se présenter contre lui avec une chance d’être élu. Je ne sais pas quelle est la solution, mais je crois que le problème est là.
et personne non plus ne porte plainte contre les politiciens pour manquement à leur obligation de « gestion responsable ».
M. Braud, vous devriez vous rendre à Nuit debout, vous y découvririez rapidement les raisons d’être de ce mouvement qui s’amplifie.
Il ne s’agit pas prioritairement de discuter de la question de la démocratie, qu’elle soit directe, représentative, participative, ou je ne sais quoi. Attrape-nigaud que tout cela. Nous savons tous que le véritable pouvoir n’est pas aux mains de nos élus, simples exécutants, mais dans celles des possesseurs du grand capital.
L’objet principal de Nuit debout -déclenchée au départ par de nouvelles atteintes aux droits des salariés et de la jeunesse – est de réfléchir aux voies et moyens d’abattre le capitalisme, dont les méfaits sont devenus insupportables pour le petit peuple et notre planète, pour le remplacer par une gouvernance au service de l’humanité.
Un magnifique dessein, une merveilleuse utopie. N’est ce pas de ça que les hommes vivent?
Les journalistes ont fait disparaître tout le vocabulaire marxiste, qui était pourtant sensé. Par exemple: « aliénation », « exploitation » sont devenu des mots interdits, auxquels « on » ne pense même plus… Même si le système marxiste ne fonctionne pas en tant que tel, tout n’est pas à jeter, loin de là. Idem pour le capitalisme d’ailleurs.