Ras l’képi !

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imagesDepuis maintenant une semaine, le forces de police manifestent leur mécontentement dans la rue. Tout le monde savait bien qu’elles sont en première ligne sur plusieurs fronts : les migrants, l’état d’urgence, les banlieues, le terrorisme. Mais l’administration, la hiérarchie et les syndicats ont été débordés, ils n’avaient pas vu venir le mouvement ni estimé son ampleur. Quelle signification faut-il donner à cette contestation partie de la base ? Quelles en sont les causes ?

Comme toujours dans ce genre de mouvement spontané, il est difficile d’identifier ces revendications au contour flou. Mais les déclencheurs sont connus. Outre le surcroît de travail qui leur est demandé, les policiers ont à l’esprit les assassinats de Magnanville et la tentative d’assassinat de Viry-Chatillon. Ils se sentent en insécurité.
Pour ce second événement, dramatique et qui aurait pu avoir des conséquences mortelles, certains se sont interrogés pour savoir si les éléments de la légitime défense étaient réunis. Question tout à fait justifiée et à laquelle on peut répondre par l’affirmative. En s’en tenant à ce que la presse a rapporté, à Viry-Chatillon, les policiers ont été victimes d’une tentative d’assassinat avec cette double circonstance aggravante qu’elle était commise en réunion et à l’encontre de personnes investies d’une autorité. Alors pourquoi n’ont-ils pas tiré ? Personne n’a de réponse à cette question, pas même les victimes.

En utilisant leurs armes à feu en direction de leurs agresseurs, les policiers auraient été en légitime défense. La loi fixe trois conditions :
–  Que l’agression soit actuelle ;
–  Qu’elle soit injuste ;
–  Que la riposte soit proportionnée à l’attaque.

Pour en revenir à ces manifestations spontanées organisées par des policiers dans plusieurs grandes villes de France, il faut observer plusieurs éléments qui sont inhabituels et qui, par leur caractère, donnent une idée de la gravité du malaise.

En premier lieu, lorsqu’ils sont interrogés, les manifestants répondent que les syndicats sont du même côté que l’administration et qu’ils se démarquent d’eux. Quand on sait que la police est l’administration la plus fortement syndiquée (même avant l’Éducation nationale) on constate une critique qui constitue une première dans le genre. Les syndicats ne seraient donc plus en phase avec la base. Voilà un reproche gravissime de nature à disqualifier les nombreuses organisations qui se prétendent représentatives. Mais il faut aller plus loin et comprendre qu’à force de donner trop d’audience aux représentations syndicales les politiques ont fini par porter atteinte à la hiérarchie policière. Elle n’est pas si loin l’époque où un ministre de l’intérieur, sans doute le plus incompétent, promouvait au grade de préfet certains délégués syndicaux et même son garde du corps ; où malgré la formule qui prônait l’avancement au mérite, il valait mieux d’abord et avant tout se préoccuper de sa carrière ; où il était particulièrement mal vu pour un chef de service d’entrer en opposition avec une délégation syndicale. Maintenant les syndicalistes complétement déconnectés du métier de policier de terrain parce qu’ils bénéficient de détachements permanents, tentent de reprendre la main. Ils laissent croire qu’il suffit d’améliorer le matériel et d’augmenter les effectifs pour satisfaire les revendications. Dans la police, les syndicats ne rêvent que d’une chose, faire de la cogestion et imposer les règles d’emploi. Elle serait longue la liste des missions abandonnées parce que considérées par eux comme charges indues. Ils n’ont pas réalisé que ces missions justement rapprochaient les policiers des citoyens et leur donnaient cette proximité indispensable à une plus grande efficacité. Peut-il y avoir une police sans proximité ?

Les politiques devant cette situation ne savent plus vers qui se tourner et sont bien en peine d’apporter une réponse à ceux qui demandent d’abord et avant tout une plus grande considération. Alors fidèles à leurs principes ils promettent des vêtements ignifugés, de renouveler un parc automobile vieillissant, de décharger les policiers de missions que seuls les syndicats considèrent comme indues etc. Ils ne voient pas que le problème n’est pas là. Ils ne voient pas que malgré les applaudissement qui sont adressés aux flics qui manifestent, la population n’accorde pas vraiment son soutien à sa police. Son attitude n’est que de circonstance. En permettant, comme ils n’ont cessé de le faire, la promotions des polices municipales, les politiques ont donné aux élus locaux des moyens démagogiques. Il est en effet très porteur sur le plan électoral de dire regardez, je suis préoccupé par votre sécurité. Il n’y a que les politiciens pour croire et faire croire qu’en développant, comme à Nice, les caméras de vidéo surveillance, en augmentant sans cesse les effectifs de la police municipale et en leur donnant des armes à pouvoir létal, on se protège de tout drame. Elle n’existe plus l’époque où dans les stades l’ordre public était confié à la police nationale, maintenant il y a des stadiers, où les sorties d’école étaient du ressort de cette même administration, maintenant ce sont des ASVP municipaux etc. La sécurité est une mission régalienne de l’État ; permettre de partager cette responsabilité essentielle conduit à marginaliser cette administration centrale.

Enfin lorsqu’on les interroge sur leur hiérarchie, les manifestants disent que celle-ci est carriériste. Ce serait donc une hiérarchie qui n’est plus à l’écoute de ses équipes qui ne perçoit plus ce mal vivre professionnel. Il se dit souvent, à ce niveau, qu’il vaut mieux être relationnel que professionnel, la formule, aussi facile soit-elle, en dit long sur un état d’esprit. Ce souci de recherche d’avancement fait le beau jeu des intrigants, des courtisans et donne aux responsables politiques le pouvoir de trouver facilement des affidés. Il faut dire que les chefs de service, généralement du niveau commissaire, face à l’autorité des magistrats du parquet ou de l’instruction, qui sont les véritables dirigeants des enquêtes judiciaires, constatent qu’ils sont court-circuités et s’intéressent alors à d’autres missions. Cette hiérarchie devient silencieuse. Devant la presse, elle ne parle pas, ce rôle est réservé soit au procureur soit aux délégués syndicaux qui sont eux libres de parole. Cette situation témoigne d’une évolution qui ne peut à terme qu’affaiblir l’institution.

« Albert Camus dans la pièce « Les Justes » fait dire à Skouratov le représentant de la police : « C’est pour cela d’ailleurs que je me suis fait policier. Pour être au centre des choses. » La police est au centre des rapports sociaux parce que son organisation, son fonctionnement et ses pratiques concrètes, en expriment une vérité essentielle, celle des usages sociaux. Le jour où elle ne sera plus au centre des choses que deviendra-t-elle ?

Pau, le 25 octobre 2016
par Joël Braud

Crédit photo : liberation.fr

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  • En réponse à Lou Tillous.
    C’est effectivement choquant, le mot n’est pas trop fort. Significatif du poids des syndicats dans cette administration et de l’obligation faite à la hiérarchie de ne pas s’exprimer devant la presse sans en avoir reçu l’autorisation. L’obtention de cette autorisation nécessitant un délai, les journalistes considèrent qu’il est plus rapide voire facile de se tourner vers les syndicats. Pour eux la parole est libre, l’autorisation ministérielles n’est pas nécessaire.
    Et c’est ainsi que l’on voit et entend des délégués syndicaux commenter une enquête judiciaire devant la presse. Leurs propos sont des truismes du plus bas niveau et témoignent surtout de leur manque de pratique en matière judiciaire. Ah si les journalistes décidaient de ne plus les solliciter…mais il faut aller vite et être le premier à « informer ».

  • Depuis des années , j’ai toujours été étonné, voire choqué que quand il y a une affaire où est impliquée la police ( criminelle ou autre) c’est le représentant d’un syndicat qui pérore sentencieusement sur les medias. Ce n’est quand même pas son rôle ! Les autres organismes ont des porte- paroles ou des responsables de communication.C’est là où je me suis aperçu qu’il y avait quelque chose de malsain dans l’institution.

  • Réponse à RDV.
    Tout à fait exact et il serait ridicule de le nier. Ce n’est pas sur cela que porte ma critique, mais sur le fait que les politiques laissent croire qu’en développant certains dispositifs (caméras, police municipales armée etc.) on pourra bénéficier d’une sécurité absolue. Sur cette prétention, les propos du maire de Nice sont révélateurs.
    L’invulnérabilité dans ce domaine est malheureusement une utopie. Il faut rester modeste.
    Autre point que je souligne : pourquoi les policiers agressés à Viry-Chatillon n’ont-ils pas fait usage de leur arme ? Qui peut répondre ? Personne, même pas les principaux concernés.

  • JB « […] les effectifs de la police municipale et en leur donnant des armes à pouvoir létal, on se protège de tout drame. »
    Ca peut permettre de flinguer un terroriste en cas d’attaque et de réduire ainsi le nombre de victimes. Non ?

  • Bonsoir à tous,
    Pas la peine de réécrire la Bible!
    HIERarchie a été conçu pour être dupassé.
    Economisons nous , l’ Avenir est à nous!!!!