Quand un cannibale mange avec une fourchette et un couteau, est-ce un progrès ? (1)

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imageLa 3ème édition des « Idées mènent le Monde » a eu lieu à Pau du 18 au 20 Novembre sur le thème du progrès.                                                                   Sans aucun doute, cette notion, comme image illustrant l’évolution du Monde, est pertinente ; le mot est dans le feu de l’actualité ; utilisé à toutes les sauces, il s’y dilue, si bien qu’on ne sait plus bien, à la fin, ce qu’il représente.                                                                                                               Le sujet a été abordé, ces jours derniers, par une très grande diversité culturelle.

>progrès : «Fait d’avancer, mouvement en avant, progression» Dictionnaire Larousse.
Exemple : Le progrès d’une épidémie.

C’est un constat objectif qui rend compte de l’histoire de l’Univers, de notre planète, de la vie : transformation par des lois naturelles, sans but (sens) avéré.
L’Univers est parcouru par trois catégories de flux stellaires : l’Energie, la Matière, l’Information ; ces trois flux, en interrelation, mènent le Monde : ils créent, transforment, détruisent. Ce sont eux qui imprègnent et animent les comportements biologiques et culturels, de tous les êtres vivants: vous et moi, de l’homme politique au poète, à l’écrivain, à l’artiste, au chef d’entreprise….

La Vie est un transformateur d’Energie et un créateur de biodiversité.

Des quarks aux nucléons, des atomes aux molécules, aux cellules, organes, organismes, sociétés…, il s’est produit une structuration et un fonctionnement par le jeu des créations-sélections, adaptant la «progression» à celle de l’univers.
Considéré a posteriori, cela donne l’impression d’une continuité organisée, en ligne droite, vers un objectif. Les connaissances scientifiques prouvent le contraire ; d’abord il n’y a pas continuité mais des sauts dans le temps et dans l’espace, des avancées, des culs de sac, il n’y a pas ligne droite mais bifurcations opportunistes incessantes ; quant à l’objectif, la définition même du mot est purement humaine et l’homme n’existe que depuis peu de temps ; il en est de même de la notion d’objectif.
«Rembobinez le film de la vie depuis l’explosion du Cambrien et repasser le film, l’évolution repeuplera la terre de créatures totalement différentes; la probabilité pour que ce scénario fasse apparaître une créature ressemblant, même de loin, à un être humain est nulle» Eventail du vivant. Stephen Jay Gould : le mythe du progrès.
L’évolution naturelle produit des adaptations locales et non une amélioration d’ensemble.

Si le progrès n’est qu’une une dynamique continue aveugle, il mène bien le Monde.

Sur ce fond commun à toute chose vivante, est venu se greffer un bourgeonnement culturel amenant un élargissement de la définition du contenu du mot progrès ; il a été opéré, au cours de l’histoire, par l’homme qui a défini le Bien et le Mal, le supérieur et l’inférieur, autant de valeurs inexistantes dans la nature ; il a organisé un changement culturel et bientôt biologique, en lui définissant un but.

>«Pour une société ou pour l’humanité, le progrès est l’évolution dans le sens d’une amélioration, sa transformation progressive vers plus de connaissance et de bonheur.» La Toupie.
Ce changement culturel n’est plus darwinien mais lamarckien ; tout savoir acquis est transmissible verticalement et horizontalement par l’éducation ; il est cumulatif et directif, complexifiant et fulgurant dans son accélération.
A partir de là, les choses se compliquent car dès que la subjectivité intervient, les versions se multiplient, le concept de «mieux» est évolutif dans le temps et l’espace. Quelques phrases montrent l’étendue de la réflexion :

«Le progrès, ce n’est pas l’acquisition de biens. C’est l’élévation de l’individu, son émancipation, sa compréhension du monde. Et pour ça il faut du temps pour lire, s’instruire, se consacrer aux autres» Christiane Taubira.

«Plus le niveau de la technique est élevé, plus les avantages que peuvent apporter des progrès nouveaux diminuent par rapport aux inconvénients» Simone Weil.

«Mille choses avancent ; neuf cent quatre-vingt-dix-neuf reculent : c’est là le progrès» Henri Frédéric Amiel.

Si le progrès est une avancée vers le mieux, qu’est-ce qui est mieux ? Pour qui ? Pour quoi ?

Du fait des avancées de la connaissance, de la technologie et de nombreux combats sociaux, l’amélioration, c’est-à-dire les avantages pour l’humanité, ont été «globalement» évidents dans tous les domaines de la vie de tous les jours : gestion des rapports humains, conditions de vie, culture,…; des civilisations se sont sucédées apportant chacune leur lot de plus et de moins.

« Le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous »

Malheureusement, le «cannibale culturel» qui couve en l’homme a consommé une partie importante des espoirs humanistes ; il les a transformés en un système de valeurs où l’éthique est laissée de côté au profit d’un mode de vie fondé sur le cercle infernal production-consommation-pollution. Le «progrès» technique s’est fait, de plus en plus, au détriment du «Progrès» : moral, des grandes valeurs humaines telles que l’altruisme, l’humilité, le partage, l’égalité homme-femme, etc.
Un monde «meilleur» est devenu celui où l’on gagne toujours plus vite, plus d’argent, où l’on consomme toujours plus. L’idée est séduisante, mais toute modification dans un domaine entraîne des perturbations dans d’autres domaines.

On ne peut donc parler de mieux que si le positif est supérieur au négatif.

Actuellement, le bilan global est vraiment «incertain!» car la «valeur» résultante n’est pas chiffrable . Si on comptabilise, dans le monde, la dégradation de l’environnement, du climat, des valeurs humaines : inégalités, destructions massives des ressources, la faim, pollutions, guerres, violences physiques et sociales, dangers sanitaires, spéculations, etc, d’un côté, et toutes les avancées positives moyennes : hygiène, longévité, niveau de vie, connaissances, liberté de pensée et de parole,…, au moins dans notre pays, d’autre part, il est impossible de faire un bilan.

Il y a celui qui profite du «mieux» et celui qui subit le pire. Le «pire» de l’un permettant souvent «le mieux» de l’autre !

Par exemple :
>La dégradation et la destruction permettent de créer de la valeur, au sens économique du terme. Les accidents, voitures ou autres, les séismes, les tempêtes, les inondations… sont bons pour le PIB, cela fait travailler le garagiste, le dépanneur, le carrossier, les reconstructeurs, ceux qui prêtent de l’argent, les bureaux d’étude… Il en est de même avec les blessés et les coûts de l’hôpital, les trusts pharmaceutiques en profitent ! Les conséquences du réchauffement climatique sont une aubaine car elles vont gonfler le PIB ; ne nous étonnons pas que les accords internationaux pour limiter le réchauffement climatique et la pollution soient inaccessibles !
Par ailleurs, c’est l’angoisse de l’impatience, nous ne savons plus attendre. Or le désir se nourrit de l’attente. Nous vivons donc une dépression dont la frénésie de consommation est à la fois cause et symptôme.

 La croissance (progrès) illimitée, impossible d’ailleurs, ne mène pas au bonheur. Ce n’est donc pas «un Progrès»

Page 8 de Sud Ouest de vendredi 18 novembre :
– ¾ de la page titre : «Une grande pauvreté qui s’installe». Mères isolées, retraités, étrangers, autoentrepreneurs…, 9 millions de personnes sont recensées en France par l’Insee en dessous du seuil de pauvreté.
     – Le ¼ restant titre 560 dossiers de fraude épluchés par Bercy.
Cette mise en page est révélatrice que le progrès n’est pas un «Progrès»

Il est difficile de ne pas aussi se projeter dans le futur, d’ignorer l’importance des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication; si d’un côté on peut y trouver l’espace d’un «Progrès» extraordinaire possible, l’absence de régulation, de limites, dans le temps et l’espace, l’impossibilité du contrôle des informations véhiculées, la liberté totale de l’accès.., représentent des risques énormes de discernement entre l’essentiel et le futile, l’urgent et l’anecdotique, le public et le privé, mais aussi le vrai et le faux, voire le bien et l’inacceptable. Quel sera le bilan entre le mieux et le pire? On peut y voir là, même, une possibilité de libération des passions irrationnelles et des fantasmes.
Beaucoup commencent à comprendre que plus n’est pas synonyme de mieux.

On distingue, de plus en plus, l’avoir de l’être.
Le véritable «Progrès» ne serait-t-il pas celui qui est créateur de sens ?

Ce serait un monde que l’on comprend davantage, donc plus facilement maîtrisable, où l’on peut trouver un équilibre dynamique dans tous les domaines ; c’est l’homéostasie du biologiste ou le «bien être»du neuro-biologiste (Damasio).
Dans cette vision du sens, il est bien évident que notre monde actuel n’en a plus, il devient inintelligible ; ce n’est pas un monde qui s’améliore (Progrès) mais un monde qui ne fait que passer, qui va (progrès), comme dans la chanson d’automne «Au vent mauvais, Qui l’emporte».
Pour Alex Kahn,
«le progrès est la mobilisation de l’intelligence et de la créativité pour produire des connaissances et des techniques, et générer des richesses dans un but humaniste. Il faut sans cesse accompagner les sciences et les techniques d’un travail d’analyse des retombées sociales et l’inclure dans une vision globale.»

Thomas Pikétty évoquait la nécessité de fusionner l’Economie et le Social dans un même ministère des Sciences sociales.

Les trans-humanistes rêvent de pouvoir un jour transférer le cerveau à un ordinateur.
L’activité cérébrale s’appuie sur l’incarnation d’un passé relationnel construit de génération en génération, depuis l’origine de la vie ; c’est un leurre que de vouloir, un jour, le remplacer par une machine qui, elle, n’a pas de passé !

«progrès» sans doute, «Progrès», j’en doute ! 

L’idée de Progrès, pour mener le monde, en améliorant la vie de tous était une idée généreuse, humaniste et la seule possible pour une vie durable sur cette terre ; elle est toujours dans le cœur de beaucoup.
L’appât du gain et du pouvoir, utilisant les technologies les plus puissantes du XXIè siècle : le génie génétique, la robotique, et les nanotechnologies, menacent d’extinction l’espèce humaine, en tout cas celle que nous avons connue jusqu’ici. 

La technologie n’est pas en cause mais la façon de l’utiliser.  

 Le progrès technique multiplie la puissance de l’Homme sans le rendre plus sage.

                Même s’il mange avec une fourchette et un couteau, le cannibale est resté un cannibale !

Remarques :
(1)Nouvelles pensées échevelées(1993) Stanislaw Jerzy Lec

Pascal Picq évoque les combats entre mâles:«Ces combats sont codifiés, et la soumission du perdant y met fin: ce ne sont pas des combats à mort mais pour le privilège de donner la vie.»
Chez l’homme, il n’y a pas de codes appliqués, ce sont des combats ayant «le privilège» de donner la mort !

                                         L’homme est-il vraiment un «Progrès» par rapport à l’animal ?

signé Georges Vallet
crédit photos:garandel.e-monsite.com

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  • Documentaire passé ces derniers jours sur Arte, « sur les traces des loups solitaires ». Le loup baptisé « Ligabue »/M15 équipé d’un collier GPS en Italie et arrivé dans le Mercantour après un périple de plusieurs centaines de kilomètres en quelques mois, est retrouvé mort en 2005. La cause de la mort n’a pas pu être déterminée avec certitude compte tenu de l’état du cadavre, mais les biologistes estiment que le scénario le plus probable est qu’il a été attaqué et tué par une des meutes déjà présentes sur le territoire sur lequel il était arrivé.

    Encore une exception des « meurtres intra-espèce » ?

    • Le problème des loups solitaires est complexe; vous avez sans doute eu des informations en regardant sur Google. La hiérarchie chez les loups, est comme chez l’homme, parfois redoutable! Il y a des codes. Peut-être avait-il été blessé dans un combat avec un mâle dominant (car c’est très certainement un mâle) et, affaibli, il n’a pu subsister isolé! Ce n’est qu’une supposition bien sûr car comme il est dit:  » La cause de la mort n’a pas pu être déterminée avec certitude  » Alors????
      Il résulte cependant que si meurtre il y eu, il se situe très certainement dans le cadre d’une rivalité sexuelle pour la conquête de femelles, un peu comme chez les félins qui tuent les jeunes; ce n’est pas, comme chez l’homme un meurtre de masse comme l’actualité nous en fournit les exemples.

      • Votre position initiale était que l’homme était la seule espèce pratiquant la violence létale intra espèce, mais à chaque exception que l’on vous produit vous répondez en gros « oui mais non c’est pas pareil » ou « l’homme fait bien pire ».

        En fait vous avez une conception mystique de l’Homme, en cela que vous le placez comme une espèce à part de toutes les autres. Les gens font cela en général pour placer l’Homme sur un piédestal plus ou moins divin de la création. Vous prenez le contrepied de cette position en le faisant pour votre part pour affubler l’homme d’une tare plus ou moins diabolique et unique dans la création.

        • 1)«Votre position initiale était que l’homme était la seule espèce pratiquant la violence létale intra espèce, mais à chaque exception que l’on vous produit vous répondez en gros «oui mais non c’est pas pareil».

          Bien sûr que ce n’est pas pareil!

          Chez les animaux les violences faites aux femelles, par les femelles ou par les mâles, sont à peu près inexistantes; des cas pathologiques existent sans doute mais ponctuellement.
          Les violences faites aux mâles par les mâles existent au cours de combats pour la conquête des femelles, l’objectif inconscient est la fécondation et la création de la vie pour la survie de l’espèce. Les morts sont rares. Je vous rappelle les propos de P.Picq que je partage:«Ces combats sont codifiés, et la soumission du perdant y met fin: ce ne sont pas des combats à mort mais pour le privilège de donner la vie.»

          <Chez l’homme, les violences et la mort faites aux femmes et aux hommes par les femmes et les hommes, s’étalent tous les jours dans l’actualité et dans l’histoire. L’objectif n’est pas un seul instant de donner la vie mais bien de donner la mort.

          2°)«vous le placez comme une espèce à part de toutes les autres.»

          Mais, chaque espèce est à part de toutes les autres! Chacune a ses caractéristiques biologiques; il n’y a rien de «mystique» la dedans! Si l’homme n’était pas à part il ne serait pas une espèce autre. Il n’est pas «supérieur» aux autres espèces, il est différent.

          3°) «Vous prenez le contrepied de cette position en le faisant pour votre part pour affubler l’homme d’une tare plus ou moins diabolique et unique dans la création.»

          La «tare», le «diabolique», reconnaissez-le, n’existent pas dans le mode animal; ce sont des conceptions purement culturelles humaines!
          Le scientifique ne parle pas de «tare ou diabolique», il se contente de faire un CONSTAT, celui rappelé au 1°), rien de plus!

  • La fourchette et le couteau sont ils nécessaires à la survie des cannibales (dont il doit rester deux ou trois exemples sur la planète -entre Guinée Papouasie et Amazonie-, bien qu’il faille se méfier des fausses découvertes). Le Progrès, si fourchette à gauche et couteau à droite, je crois, réside-t’il dans ce qu’il y a dans l’assiette ? Le cru face au cuit, le feu bleuté d’une crêpe flambée ou l’innocence d’une huître consommée avec son jus de citron dont on a intentionnellement coupé le cordon?

    Bref, la question ne serait-elle pas : le Progrès est-il cannibale ?
    https://www.youtube.com/watch?v=nB5IKxCwT-M

    • « La fourchette et le couteau sont ils nécessaires à la survie des cannibales »
      Pour nos cannibales culturels des primaires, il faut non seulement le nécessaire pour manger les autres avec bienséance mais aussi, j’avais oublié, des montres Rollex pour faire sérieux et importants.

       » fourchette à gauche et couteau à droite »
      Que font alors les centristes?

      « Le cru face au cuit »
      En l’occurrence, « le cru »(pour un temps court) sera Fillon, « le cuit »(pour longtemps) sera le lampiste!

       » Le Progrès est-il cannibale ? »
      Le « Progrès » je ne le pense pas, « le « progrès », c’est probable!

  • Qui est ce qui peut me passer un Prozac ?

    • Je peux vous en faire prescrire mais attention aux effets secondaires!
      effets secondaires possibles du Prozac:
      de l’anxiété;
      une baisse de la pulsion sexuelle;
      un dérangement d’estomac;
      la diarrhée;
      une diminution de la capacité sexuelle;
      un état de nervosité;
      des étourdissements;
      de la faiblesse;
      de la fatigue;
      des maux de tête;
      de la nausée;
      réduction de l’appétit;
      une sécheresse de la bouche;
      de la somnolence;
      une sudation accrue;
      des symptômes d’hypoglycémie (faible taux de sucre sanguin), notamment :
      de l’anxiété ou un état de nervosité;
      des frissons,
      des sueurs froides,
      de la confusion,
      la peau froide et pâle,
      des difficultés de concentration,
      de la somnolence,
      une faim immodérée,
      des battements de cœur rapides,
      des maux de tête,
      un secouement ou une démarche mal assurée,
      une fatigue ou une faiblesse inaccoutumée.
      des troubles du sommeil.

    • Je serais susceptible de vous en procurer une prescription mais j’y renonce car il entraîne de nombreux effets secondaires comme des céphalées, insomnies, troubles gastro-intestinaux, affections cutanées (boutons, urticaire..), diminution de la libido….
      Ce serait dommage de prendre ce risque qui vous empêcherait de lire mes prochains textes!!
      Je vous signale par ailleurs que, de mon côté, sans prendre de Prozac, j’ai souvent des boutons et de l’urticaire en vous lisant.
      J’ai trouvé la solution, je vous lis de moins en moins. Faites comme moi!!!!

  • Pascal Picq évoque les combats entre mâles : «Ces combats sont codifiés, et la soumission du perdant y met fin: ce ne sont pas des combats à mort mais pour le privilège de donner la vie.»

    C’est une vision idyllique de la nature sauvage, mais complètement fausse. Les combats peuvent être à mort aussi chez de nombreuses espèces, y compris évoluées.

    • par exemple, les coqs (gaulois). A voir sur TF1 et A2, à écouter (cocorico) sur France Inter. Les bookmakers sont sur les dents ! (et les poules?).

      Bon, maintenant, je vais lire l’article de GV;

    • «L’homme est la seule espèce dont les mâles tuent les femelles» Françoise l’Héritier Professeure émérite au Collège de France.

      Quelques extraits d’un texte de Pascal Picq maître de conférence au Collège de France.

      «Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de violence dans la nature, voire chez les bons sauvages de Jean-Jacques Rousseau, mais que les sociétés humaines se distinguent par un taux de violence inconnu chez les autres espèces. C’est, hélas, le cas des peuples traditionnels avec une ampleur de plus en plus organisée dans l’histoire et même industrialisée au cours du XXème siècle.»

      «la violence intra-spécifique existe pour préserver un territoire et dans le cadre de la guerre des sexes. Mais elle fait rarement des morts. Les seules espèces connues pour mener des guerres et s’entretuer avec intention sont les chimpanzés et les hommes.»

      «Hélas, chimpanzés et hommes se distinguent par leur taux de violence, que ce soit au niveau du groupe social(enjeux de pouvoir entre individus et coalitions) ou entre les groupes voisins»

      Sans chercher aucunement la controverse, je suis davantage convaincu par l’expérience et la compétence qui s’expriment dans les propos de paléoanthropologues de Collège de France.

      • Ah, on passe de « l’Homme est la seule espèce où les combats sont à mort » à « en fait les chimpanzés aussi, mais c’est les seuls ».

        Continuons à gratter un peu, et on pourra peut-être aussi parler des combats qui sont très souvent à mort entre les rouge-gorges, des lions qui tuent les lionceaux des rivaux qu’ils ont réussi à écarter, et probablement de plein d’autres exemples qui vont mettre à mal votre vision de l’Homme qui serait la seule espèce à pratiquer le meurtre. Mais en fait je devine que vous savez tout cela.

        Mais en fait sur le fond tout ce débat est sans objet. Observer les comportements des animaux est très intéressant et souvent plein d’enseignements, mais en tirer des conclusions d’ordre moral, que ce soit sur les animaux ou sur l’Homme, n’a aucun sens. Il y en a qui justifient le mariage à vie parce que les oies ont un partenaire unique toute leur vie, d’autres qui justifient la polygamie parce que la majorité des espèces sexuées sont polygames, d’autres qui justifie l’homophobie parce que ça n’existe pas dans la nature, d’autres qui justifient l’homosexualité parce que ça existe dans la nature, etc ,etc…

        Tout cela n’a aucun sens, pour au moins deux raisons :
        1) parce que l’Homme est tel qu’il est. Si il a des instincts d’agressivité il n’y est pour rien. L’évolution lui donné ces instincts, qui ont probablement été un avantage évolutif à un moment donné, et il faut faire avec.
        2) parce que l’Homme est un animal culturel. Ses capacités cognitives et sa conscience de soi lui permettent de choisir comment il veut vivre, et pas simplement de subir son état naturel.

        • Votre discussion me rappelle une publication d’un conseil de N. Hulot (Barbeau ?) qui explique le comportement du vivant par la priorité donnée à la transmission de ses gènes.
          L’article de M.Vallet m’a intéressé. Une impression furtive :
          Je trouve qu’il présente deux échelles de temps. Le temps long et le temps court. A l’échelle du temps long nos préoccupations sur le progrès me paraissent bien futiles. Comme elles ne le sont pas, la méthode de mise en cause des acteurs et actions néfastes pour la planète ne doit pas être la bonne.

        • Je vous remercie pour les discussions intéressantes que vous engagez souvent après la publication de certains de mes textes ; elles s’inscrivent tout à fait dans les avantages permis par A@P, ceux d’un débat sur le fond du texte proposé. Rappelez-vous les dinosaures! A ce sujet, avez-vous eu l’occasion de lire l’article paru dans la revue «Espèces» N°21?
          L’extinction des dinausores n’est pas ce qu’on croît.
          Guillaume Lecointe, Directeur du département «systématique et évolution»
          Muséum national d’histoire naturelle.

          J’en arrive à votre dernière réponse.

          1°)«combats qui sont très souvent à mort entre les rouge-gorges»
          J’ai eu souvent l’occasion de lire ce qu ‘on peut trouver dans Wikipedia:
          «En général, il suffit que le propriétaire exhibe son plastron rouge pour que l’intrus recule mais il peut arriver que la lutte s’engage et les combats s’achèvent parfois par la mort de l’un des adversaires.»Wikipedia.
          Je pense que le «très souvent»est de trop.

          2°) «des lions qui tuent les lionceaux des rivaux qu’ils ont réussi à écarter»

          L’objectif, à la différence du comportement humain, n’est pas de tuer mais de conquérir des femelles. Pascal Picq écrit à ce propos:
          «Et les mâles? Leur stratégie de reproduction consiste à écarter les autres mâles et à séduire les femelles. C’est «la guerre des sexes»….
          Cependant, ces conflits sont codifiés, et la soumission du perdant y met fin: ce ne sont pas des combats à mort mais pour le privilège de donner la vie.
          Face à la loi du vainqueur, les femelles savent déployer des stratégies…. quand le nouveau mâle résident tue les petits non sevrés (lions, gorilles). Les femelles cessent d’allaiter et reprennent leurs cycles de fécondité.»
          Ce type de «meurtre» se trouve aussi au niveau des femelles de Mante religieuse qui parfois dévorent le mâle au moment de l’accouplement pour assurer la maturation des ovules qui donneront la progéniture.

          3°)«Tout cela n’a aucun sens, pour au moins deux raisons:
          1) parce que l’Homme est tel qu’il est. Si il a des instincts d’agressivité il n’y est pour rien. L’évolution lui donné ces instincts, qui ont probablement été un avantage évolutif à un moment donné, et il faut faire avec……..»

          Là encore P.Picq apporte une réponse différente que je ne suis pas loin de partager:

          «La découverte de cette «violence originelle» étendue aux chimpanzés a suscité un choc philosophique qui conduit au «Manifeste de Séville» du 16 novembre 1989. Sommes-nous condamnés à la violence et à la guerre par notre évolution? Non, et les bonobos nous en donnent la preuve, eux chez qui on n’observe ni meurtre politique ni guerre entre groupes(«L’homme est-il un grand singe politique.»Pascal Picq édit. Odile Jacob 2011.). Donc, ni Hobbes, ni Rousseau, mais une évolution complexe qui renvoie à des aspects socioculturels, même chez les chimpanzés. La violence de nos sociétés n’a aucune légitimité naturelle. Du coup, c’est à elles de comprendre et d’en éliminer les facteurs idéologiques, sociologiques et culturels.»

          4°)«l’Homme qui serait la seule espèce à pratiquer le meurtre»
          Toujours P.Picq:
          «On n’a jamais observé de violence intra-spécifique massive et différenciée entre membres de la même espèce. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de violence dans la nature, voire chez les bons sauvages de Jean-Jacques Rousseau, mais que les sociétés humaines se distinguent par un taux de violence inconnu chez les autres espèces. C’est, hélas, le cas des peuples traditionnels avec une ampleur de plus en plus organisée dans l’histoire et même industrialisée au cours du XXème siècle.»
          Il y a le meurtre lié à la volonté de tuer (assassinat) et celui lié à un instinct supérieur, celui de permettre la pérennité de l’espèce. Le déterminisme et le résultat quantitatif sont très différents. Comme vous le suggérez: «Ses capacités cognitives et sa conscience de soi lui permettent de choisir comment il veut vivre»!!!!
          Objectif étrange!!!

          • Vouloir introduire une barrière et une différence de nature entre le meurtre par volonté consciente de tuer (qui serait propre à l’homme) ou le meurtre par instinct (qui serait propre à l’animal) est sans objet de mon point de vue. D’une part parce qu’au final le résultat est le même, et d’autre part parce que cela découle du même raisonnement (mais dans l’autre sens) que celui qui consiste habituellement à mettre l’Homme dans une case à part parmi les espèces animales.

            L’homme est tel qu’il est de par son histoire évolutive, c’est un tout. Car encore une fois rien ne dit qu’il aurait connu en tant qu’espèce la même évolution vers un être doté de capacité intellectuelles remarquables sans ses instincts agressifs. Aujourd’hui ces instincts agressifs apparaissent plus comme un handicap majeur dans les modes de vie actuels, mais ils ont probablement été un atout évolutif dans notre lointain passé.

            Dire qu’on peut vivre sans violence parce les bonobos le font est ridicule d’un point de vue scientifique. L’Homme n’est ni un bonobo, ni un chimpanzé, ni un lion, etc… Il est l’Homme, avec ses caractéristiques propres. Iriez-vous dire que l’Homme pourrait vivre dans l’eau sous prétexte que les dauphins y parviennent ?

            Il est un autre point à considérer quand on parle de violence : la densité de population. Aucune autre espèce que l’homme n’a atteint de façon aussi « durable » (qui ne durera peut-être pas, d’ailleurs…) une densité de population comparable à celle de l’homme. La promiscuité subie est un facteur de comportements violents reconnu par tous les psychologues, et il y a sûrement des explications évolutives là aussi : quand trop d’individus étaient présents sur un territoire, tout le monde ne pouvait pas survivre et les plus forts et agressifs évinçaient les autres. Et c’est bien une des façons de la nature de réguler les populations animales quand elles dépassent ce que les ressources naturelles offrent pour survivre : si ce ne sont pas les combats qui éliminent directement les individus, les perdants sont néanmoins condamnés à mourir de faim.

          • «D’une part parce qu’au final le résultat est le même,…..»

            Non, le résultat est complètement différent:

            Qualitativement, le lion qui tue des lionceaux obéit à un instinct qui est de féconder des lionnes dont le cycle de reproduction est bloqué par la «maternité». Cet acte sera suivi de l’apparition de nouvelles vies. Quand l’homme tue, l’objectif est d’éliminer des obstacles à sa volonté, il élimine, sans discernement, hommes, femmes, enfants, donc des personnes qui ne pourront plus se reproduire.
            Quantitativement, c’est très différent aussi; pour deux ou trois victimes chez l’un, c’est, avec des «outils» bien plus «performants», une possibilité d’hécatombe chez l’autre.

            «Aucune autre espèce que l’homme n’a atteint de façon aussi «durable»une densité de population»
            Sans doute si on considère l’étalement de sa technologie culturelle mais pas si l’on considère seulement sa démographie car, par unité de surface, bien des espèces ont une densité bien supérieure. Quant au «durable» l’homme est sur terre depuis bien peu de temps par rapport à bien d’autres espèces.

            «quand trop d’individus étaient présents sur un territoire, tout le monde ne pouvait pas survivre et les plus forts et agressifs évinçaient les autres»

            Dans le domaine biologique, s’il y a trop d’individus, c’est que, momentanément, il y a eu des conditions favorables qui ont permis un décalage entre le nombre d’individus de cette espèce et celui des prédateurs. La régulation ne se fait pas forcément par l’agressivité de supposés plus forts mais tout simplement par la multiplication des prédateurs ou par la disparition de la nourriture du fait d’une hyper-consommation . Ce fait peut se généraliser à tout le monde des herbivores et des espèces solitaires. Quant aux prédateurs, leur régulation suit la même évolution, ils sont régulés par le manque de nourriture et non par l’agressivité de leurs semblables.
            Chez les étourneaux ou sansonnets, la régulation du nombre des individus ne se fait pas par des combats entre forts et faibles mais, comme j’ai pu le constater, le vol groupé se pose sur des buissons, c’était un petit bois de bambous, des cris intenses sont émis qui génèrent un stress intense dans le groupe et le cycle d’ovulation des femelles est bloqué.

            Dans le domaine culturel qui ne se manifeste que chez les espèces sociales, les choses diffèrent car , des hiérarchies se mettent en place à partir de codes. Chez les invertébrés et chez les vertébrés , disons jusqu’aux mammifères supérieurs, les codes sont respectés et la régulation se fait à partir, non pas de la violence mais par une régulation de la fécondité adaptée aux conditions environnementales.
            Il reste les anthropoïdes, et essentiellement les chimpanzés et l’homme, où là, effectivement, les codes «de bonne conduite» ne sont plus respectés et ou les plus forts, pas forcément physique d’ailleurs: argent, rang hiérarchique, puissance économique….éliminent les plus faibles.
            Nous en revenons à la case départ.

          • On va arrêter là ce débat dans lequel votre volonté de lecture idéologique de la nature vous pousse à une mauvaise foi caractérisée.

            On a bien compris qu’il n’y avait aucune violence intra-espèce dans la nature mais de simples chorégraphies entre congénères, que la régulation des populations animales se faisait exclusivement grâce au planning familial, et qu’au pire si il arrivait ponctuellement qu’il n’y ait pas à manger pour tout le monde, les plus faibles se portaient volontaires pour mourir sans faire d’histoires.

            Amen.

          • D’accord pour en rester là car effectivement nous n’avançons plus.
            Je conteste, pour finir, « la volonté idéologique » et la caricature de la fin du texte. Votre interprétation n’a rien à voir avec mon raisonnement.

  • Pas d’accord . Il n’y a plus de cannibales . Le dernier ils l’ont bouffé hier !!!