La société civile

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imgresL’affaire se passe à Louhossoa, en Pays basque, dans la nuit du 16 au 17 décembre 2016. La police nationale française en collaboration avec la police espagnole, interpelle cinq personnes trouvées en possession d’armes et d’explosifs. Ce sont des personnalités estimées dans le coin ; elles expliquent qu’elles ont pris l’initiative de détruire un arsenal appartenant à l’ETA. Tout serait donc beau et noble de leur part, sauf que cela n’est pas aussi simple qu’ils ont pu l’imaginer.

Elles disent appartenir à la « société civile » et avoir obtenu l’aval du bureau directeur de l’ETA le 15 novembre en ces termes : « Nous déléguons à la société civile la responsabilité politique du désarmement (…) Notre objectif est de pouvoir déclarer dans les plus brefs délais que l’ETA n’est plus une organisation armée ». Tout cela est grand et généreux mais leur initiative les fait tomber sous le coup de la loi et leur vaudra par la suite une mise en examen pour «port et détention d’armes et explosifs». Elles auraient pu s’en douter d’autant que dans notre État de droit, la société civile ne bénéficie d’aucun pouvoir particulier et surtout pas celui de se substituer de sa propre initiative aux institutions républicaines.

Gageons que ces cinq honorablement connus de tous pour leur engagement comme artisans de paix, feront l’objet de l’indulgence du tribunal qui sera chargé de les juger. Et ce ne sera que justice. Mais il est permis de s’interroger. N’auraient-ils pas été mieux inspirés en portant à la connaissance des autorités compétentes l’existence de cette cache plutôt que d’intervenir eux-mêmes ? Les autorités étaient-elles au courant de ce dépôt d’armes ? N’ont-ils pas, en se comportant comme ils l’ont fait, contrarié un dispositif de surveillance policière qui avait pour objet d’identifier des membres de l’ETA ? Autant de questions qui n’ont pas de réponse. Cependant il est possible de tirer de cette aventure la morale suivante : « Ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon. Mais le principal est de l’appliquer bien. » (Descartes « Le discours de la méthode »). Autrement dit les meilleures dispositions d’esprit, les bonnes intentions peuvent conduire aux pires résultats. La volonté de bien faire ou de faire le bien aboutit parfois au contraire du résultat espéré.

Voilà donc pour le premier volet de cette histoire. Mais elle connaît un prolongement cocasse dès lors que les politiques s’en mêlent : d’un côté le ministre de l’intérieur pas encore affranchi de ces subtilités, affirme qu’un coup décisif a été porté à l’ETA. Puis des élus se permettent d’avoir des exigences vis à vis de la justice. Au premier rang de ceux-ci l’inénarrable et incontournable Jean Lassalle qui dénonce les machiavéliques dérives autoritaires de l’État français : « Je demande sa libération immédiate (de Txetx) et la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire sur les motivations de ce coup de filet ». Ben voyons, n’oublions pas que ce brave député puise une partie de son électorat dans le pays basque et qu’il a entamé tout à la fois une campagne pour la présidentielle et pour le renouvellement de son mandat à l’assemblée nationale. Quant à considérer que la justice doit s’expliquer devant une commission parlementaire, on croit rêver. Suffirait-il pour cela du claquement de doigts d’un élu ? Il y a d’autres élus qui ont pris position en particulier la sénatrice Frédérique Espagnac qui demande à ce que les cinq personnes soient libérées. Ça y est, les sénateurs donnent des ordres à la justice. On relève également que certains de ces élus sont à la tête d’une manifestation qui a rassemblé 2000 personnes. La justice est mise en accusation et son indépendance devient insupportable.

Enfin, sans doute parce qu’ils devaient avoir le dernier mot, le 23 décembre, 600 élus ont remis à la représentante de l’État une lettre demandant au gouvernement de « s’impliquer dans le processus de désarmement de l’arsenal de l’ETA afin que la société civile ne soit plus dans l’obligation d’intercéder comme elle y a été contrainte à Louhossoa ». Mais c’est qui au juste cette société civile qui se sent ainsi obligée et contrainte ?

Ah quand les politiques s’en mêlent tout devient plus clair !

Pau, le 26 décembre 2016
par Joël Braud

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