Ça reste encore à peu près convenable !

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imgresEn reproduisant ici cette phrase prononcée par Luc Poignant, syndicaliste policier de Unité SGP FO police, lors de l’émission « C dans l’air » sur la 5, le 9 février 2017, j’éprouve le devoir d’afficher mon indignation et d’accompagner celle-ci de quelques réflexions.

Lors d’un reportage, au cours de l’émission, une jeune fille déclare qu’il est fréquent que les policiers les traitent de « Bamboula».Questionné par Caroline Roux, l’animatrice, sur ce genre de paroles, Poignant eut cette réponse : « Bamboula, ça ne doit pas se dire, mais ça reste encore à peu près convenable ». Ce à quoi l’animatrice répond « non » sur un ton péremptoire et définitif. Quel âne ce syndicaliste ! Ne s’est-il pas rendu compte que le sujet portait sur des actes inadmissibles commis par quatre gardiens de la paix à Aulnay-sous-Bois. Les faits sont graves et ne peuvent en aucune manière être atténués et encore moins excusés. Que le travail des policiers dans ces banlieues soit difficile et souvent ingrat, est une réalité, mais rien ne justifie de telles violences physiques. Il est évident que la banalisation de ce type de propos est forcément générateur de dérives beaucoup plus graves. On ne peut être respecté que si soi-même on respecte.

Dans cette administration, il est particulièrement significatif de constater que le poids des syndicats a pris des proportions hors normes. Les médias sont en partie responsables de cet état de fait. Dès qu’un événement survient les journalistes recueillent systématiquement le témoignage de délégués syndicaux. Ceux-ci qui ne savent rien, qui n’ont rien vu et qui ont encore moins participé à l’enquête, se permettent de phraser et d’énoncer des truismes qui n’apprennent rien à quiconque. Ajoutons à cela qu’en leur qualité de détachés permanents, il y a bien longtemps qu’il n’exercent plus le métier de policier. Mais pour un journaliste c’est plus facile parce que plus rapide ; les syndicalistes sont libres de parole tandis que les véritables intervenants policiers ne peuvent s’exprimer en public qu’avec l’assentiment de leur hiérarchie ; cela demande du temps.

Libres de paroles en effet au point que le nommé Luc Poignant cité plus haut ne risque aucune sanction disciplinaire pour les propos qu’il a pu prononcer lors de cette émission télévisée. Pourtant il porte tort à son syndicat qui a pris ensuite la sage précaution de le désavouer. Et encore, si ce n’était que cela, mais il porte tort à l’institution policière dans son ensemble parce qu’en voulant atténuer la gravité de ces violences inadmissibles, il laisse entendre auprès des habitants de la banlieue concernée, et des autres d’ailleurs, que les policiers quoiqu’il fassent, quoiqu’ils disent méritent d’être compris voire excusés. Cette forme de complaisance renforce l’idée que ces fonctionnaires d’autorités appartiennent à une catégorie d’intouchables et peuvent se permettre beaucoup de choses. Il faut cependant dire, parce que c’est la vérité, que cette bavure constitue une exception. Souhaitons qu’il n’y ait jamais plus exception de ce genre.

Le politique, et surtout un politique, doit être considéré comme responsable d’un certain nombre de dérives. En supprimant la direction de la formation dans la police, Sarkozy n’a pas permis le recyclage périodique des fonctionnaires sur des sujets aussi essentiels que la déontologie. Ce même ministre de l’intérieur a également réduit en nombre, dans des proportions considérables, la hiérarchie policière qui est pourtant garante du bon fonctionnement des services. Mais il l’a fait parce qu’il fallait permettre des avancements au relationnel plutôt qu’au professionnel. Et enfin jamais autant que sous le règne de celui qui se donnait l’image d’une main de fer, les syndicats n’ont été autant écoutés et pris en considération. Renforcer l’audience des syndicats dans cette administration où la discipline est une nécessité, ne peut se faire qu’au détriment de la hiérarchie. Il se dit que la véritable autorité dans la police est syndicale. On pourrait également parler de l’abandon de la police de proximité qui pourtant avait pour principale préoccupation de rapprocher la police de la population. On pourrait dire que la fusion des Renseignements Généraux (RG) avec la Direction de la Surveillance du Territoire (D.S.T.) a affaibli la capacité de recueil du renseignement ce qui n’est pas rien surtout dans un contexte terroriste.

Pour conclure il faut rappeler que plus que toutes les autres administrations, la police nationale est un service public au service du public et que lorsqu’elle est en conflit avec la population qu’elle est chargée de protéger elle se marginalise, voire elle se disqualifie.

Pau, le 15 février 2017
par Joël Braud

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  • … comme quoi, ne varietur, exprimer une opinion au regard de situations non vécues reste un exercice délicat; sauf à s’ériger dans la posture du sachant ou de l’homme de dossier, bien souvent de formation universitaire, ne vivant ni fréquentant hors de son milieu; mais qui pourtant se permet d’avoir une opinion sur tout (ce qu’il ne connait pas). Pardon pour cette « écarte », mais j’ai lu l’article et suis contrarié par la vision docte et qui fait la part belle au syllogisme de ses nombreux commentateurs, ainsi que le fond a-pragmatique de son auteur.
    Carpe diem…

  • Dans cette affaire d’Aulnay, je pose une question. On accrédite la thèse du viol. Or sur les videos on ne voit rien de tel. Ensuite, la police scientifique a fait depuis quelques années de grands progrès qui donnent de beaux résultats et l’examen en laboratoire de la matraque télescopiques devrait donner des résultats d’ADN. Les juges d’instruction connaissent quand même leur métier, non ?

    • M. Tillous, vous n’avez pas bien suivi l’affaire. Personne ne met en doute que la matraque policière ait profondément pénétré l’anus et le rectum du jeune Théo, le blessant ainsi grièvement. Le seul point contentieux est de savoir si le geste du policier était volontaire ou involontaire.

  • Cette forme de complaisance renforce l’idée que ces fonctionnaires d’autorités appartiennent à une catégorie d’intouchables et peuvent se permettre beaucoup de choses.

    Une telle situation est inadmissible dans un pays qui se dit démocratique, de plus Européen et qui s’ est engagé à faire vivre la démocratie.
    Cette situation n’ est pas malheureusement pas propre à la police, mais à l’ ensemble de
    l’ Administration, qui malgré des progrès, se considère chez nous intouchable, au-dessus des lois et pas du tout au service de la nation, mais bien à son service.
    Cela est dû au fait qu’ il y a un espèce de mélange des genres, entre le pouvoir politique et administratif. Tant qu’ il n’ y aura pas de séparation totale entre ces deux pouvoirs on sera à la merci de ce genre de comportement et d’ affaires.
    Au même titre qu’ il y a séparation entre le religieux et le politique, il faut une séparation entre le politique et l’ administratif.
    Voilà un beau sujet à développer en cette période d’ élection présidentielle, mais aucun des candidats ne souhaite apparemment s’ engager sur ce terrain boueux et glissant
    de peur de créer la polémique et d’ entendre des cris d’ horreur.
    D’ autant, que certains candidats tirent de ce réservoir administratif de nombreux électeurs qui leur sont favorables dont ils ont un grand besoin.

  • M. Braud monte en épingle ce qu’a dit M. Poignant dans le but essentiel de se lancer dans une diatribe contre les syndicats de la police.

    En fait, M. Poignant, avec son franc-parler, n’a fait que répéter les mots dont usent quotidiennement la majorité des policiers de terrain avec les jeunes de banlieue. Comme M. Poignant le dit, le terme « bamboula » reste convenable par rapport aux injures souvent beaucoup plus graves subies quotidiennement par les jeunes qui ont le tort d’être bronzés, sans parler des coups et autres brimades régulières.

    • Poursuivons la logique de notre ami farceur H.Ellem :

      Bamboula ça reste convenable par rapport à d’autres injures plus graves.

      Les injures plus graves ça reste convenable par rapport aux coups.

      Les coups ça reste convenable par rapport au viol.

      Le viol ça reste convenable par rapport au meurtre.

      Le meurtre ça reste convenable par rapport au génocide.

      Bon, le génocide c’est pas convenable, je le concède.

      • Bien répondu PierU. Je me permettrais d’ajouter en réponse à ce énième pseudonyme de la même personne qui s’agite dans son bocal, que :
        Le nommé Poignant n’a pas dit ce que vous prétendez qu’il a dit. Il n’a pas dit cela reste convenable comparé aux autres insultes et brimades prononcées à l’adresse des jeunes de banlieue par la police, mais ça reste convenable par rapport aux insultes dont ces jeunes abreuvent les policiers. Il y a quand même une différence. Vous n’avez pas bien « décrypté » si vous voyez ce que je veux dire.
        D’autre part si vous avez un peu de temps, une fois sorti de toutes vos élucubrations, vous lirez sur le Canard enchaîné, (le dernier, page 1) un article intitulé « Théo et le grand décomètre ». Il y est précisé que Poignant, conscient d’avoir dit une ânerie, a présenté ses plus plates excuses. Je reprends les termes de l’article : »Mais oui, bien sûr c’est mignon, « Bamboula » ! Et pas un poil de « racisme » dans ce joli surnom qui fleure si bon « La case de l’oncle Tom ». Ah, cette nostalgie du bon vieux temps… »
        C’est là qu’on voit que les syndicats ont un rôle indispensable dans la police

    • Pour info et/ou rappel (Article 7 du Code de déontologie de la police nationale) :

      « Le fonctionnaire de la police nationale est loyal envers les institutions républicaines. Il est intègre et impartial ; il ne se départit de sa dignité en aucune circonstance.
      Placé au service du public, le fonctionnaire de police se comporte envers celui-ci d’une manière exemplaire.
      Il a le respect absolu des personnes, quelles que soient leur nationalité ou leur origine, leur condition sociale ou leurs convictions politiques, religieuses ou philosophiques. »

      Par ailleurs, je ne peux qu’inciter les internautes de ce forum, à lire le livre « Les jeunes de banlieue mangent-ils les enfants ? » . Auteur : Thomas Guénolé . Editions Le Bord de l’Eau 2015 – 212 pages) .

      A titre indicatif, veuillez svp trouver ci-après, la table des matières de ce livre susceptible de vous intéresser :
      Préface par Emmanuel Todd
      . Prologue : La balianophobie
      . Les balianophobes
      . Les « jeunes de banlieue » dans les médias
      . Les « jeunes de banlieue » au cinéma
      . Le triangle des banlieues
      . La langue de Molière
      . Babel
      . Vous avez dit « Islam-des-banlieues » ?
      . Le capital guerrier
      . L’insécurité réelle
      . Jeunes flics de banlieue
      . L’antisémitisme chez les jeunes de banlieue
      . Les galériens
      . Une banlieue à trois vitesses
      . On a marché sur Pluton
      . Ségrégation scolaire
      . Que consomment les jeunes de banlieue ?
      . Le sexe et la cité
      . Petite anthologie des poètes du béton
      . Epilogue : Faim de République
      Remerciements + Bibliographie

      « Last but not least » : on peut emprunter le livre précité à la médiathèque de Pau (MIAL), pôle « Homme et Société » au 2è étage…

  • Ce qui reste et/ou semble « pas du tout à peu près convenable » pour beaucoup de personnes habitant dans les banlieues, c’est aussi la conclusion de l’IGPN pour qui, « l’interpellation de Théo à Aulnay-sous-Bois est un accident, pas un viol » retenant ainsi la thèse d’une « opération qui tourne mal » et non du viol : laissons donc à la justice le soin de trancher…

    Par ailleurs, (hors commentaires sur la responsabilité des « politiques », telles qu’actions et longs discours sur la banlieue… : entre autres… « politiques de développement urbain »), je cite ci-après, quelques extraits d’un chapitre intitulé « Jeunes flics de banlieue » (page 97 à 108, source : livre « Les jeunes de banlieue mangent-ils les enfants ? » . Auteur : Thomas Guénolé . Editions Le Bord de l’Eau 2015 ) :

    « Les jeunes flics de banlieue sont d’autant plus braqués contre la chaîne pénale qu’ils prennent très vite des responsabilités sur le terrain face aux délinquants. C’est particulièrement le cas dans les banlieues autour de Paris. »
    « Pour les jeunes policiers de banlieue, une source de frustration professionnelle colossale et permanente : le sentiment justifié que le système judiciaire et pénal joue contre leur travail de terrain.  »
    « On n’est pas soutenu par notre hiérarchie ».
    « Derrière les clichés, la réalité ordinaire des jeunes policiers de banlieue tient en un seul mot : statistique. »
    « Le nerf de la guerre dans la police, c’est la statistique des infractions constatées et résolues. » (…)
    « Toujours est-il qu’expliquer n’est pas justifier. Le contrôle au faciès pose un problème moral insurmontable. Car de deux choses l’une :
    * S’il est fondé objectivement sur le signalement physique d’un coupable, il est injuste, illégitime et inefficace d’interpeller massivement la population qui transite par une zone de passage, sur la seule base d’un trait physique en commun avec un coupable.
    * S’il n’est même pas fondé objectivement sur le signalement physique d’un coupable, le contrôle au faciès est raciste quelle que soit la façon de prendre le problème. »

    • La conclusion contenue dans le rapport de synthèse établi par l’IGPN fait état de causes accidentelles. Rappelons que la qualification pénale retenue par l’enquêteur ne lie en aucun manière le procureur de la République seul compétent pour qualifier l’infraction. D’ailleurs, lorsqu’une information est ouverte, le juge d’instruction est tenu par la qualification pénale du parquet.
      C’est vrai par ailleurs que rendre public cette conclusion ne respecte pas le principe du secret de l’instruction et d’autre part est de nature à alourdir un climat déjà tendu.

  • Je partage pleinement l’esprit et la forme de cette intervention. Cette mise au point, objective et raisonnable est un état des lieux d’une situation gravissime qui devrait être considérée comme telle par les pouvoirs publics; il y va de la stabilité sociale de la République.

    Une fois de plus, je me permets d’ajouter qu’il ne faudrait pas perdre de vue que cette situation est le résultat d’interrelations et interactions nombreuses dans l’espace géographique, social, économique, politique… et dans le temps historique. Les racines sont fasciculées et profondes, elles ont élaboré une complexité qu’il faut manipuler avec la plus grande précaution en tenant compte de ce passé, c’est-à-dire en l’abordant, non pas comme un problème particulier à résoudre mais comme un phénomène global à appréhender.
    Pour cela, d’autres postulats que ceux existants dans les relations humaines sont à considérer; la campagne électorale, pour l’élection d’un nouveau Président, devrait être l’objet d’une confrontation, non de personnes physiques mais de projets abordant enfin les vrais problèmes qui sont toujours mis de côté.
    Or, nous vivons la stratégie de la diversion qui garde l’attention du public distraite, loin des véritables problèmes sociaux, captivée par des sujets sans importance réelle.