Vous avez dit décadence ? Pas question !

5
(1)

imgresCritique du livre « DÉCADENCE *» de Michel Onfray

Un sophisme de base :

Une faute de raisonnement traverse tout le livre de M. Onfray : Parce que les êtres vivants ont en commun avec le reste du réel de commencer et de finir, il en déduit que «  une même vie traverse tout ce qui tout est » (page 25). Si cela était vrai il n’y aurait qu’une seule science : la biologie.

Or, l’expérience et l’observation scientifique (et même celle de tous les jours) nous indiquent que les différentes sortes d’êtres ont des évolutions totalement différentes ; il n’ont en commun que : commencer et finir !. Que tout commence et que tout finisse, je le lui accorde volontiers, je me suis même créé un aphorisme royal : « notre finitude est le prix à payer pour notre réalitude »

Extrapolation de cette faute de raisonnement

Il en va de même, il en va de même (répété à plaisir) : « Il en va de même avec les civilisations ; toutes obéissent au schéma du vivant : naître, être, grandir, croître, se développer, rayonner, se fatiguer, s’épuiser, vieillir, souffrir, mourir, disparaître » (page 25). Nous allons montrer que seul le vivant obéit au schéma du vivant.

COSMOS

Le réel n’est pas une ratatouille. Il est structuré du simple au complexe en même temps que du plus ancien au plus récent (l’univers s’organise en se refroidissant). Je propose cette liste pas du tout exhaustive : je mets 5 niveaux mais on peux en intercaler d’autres.

~atomes
~molécules et cristaux
~organismes unicellulaires
~organismes pluricellulaires doués ou non de langage
~organisations humaines : (familles,entreprises, nations, civilisations)
Tout le monde sait que ces différents niveaux n’obéissent pas à la même logique :

Le niveau atomes : les atomes d’Hydrogène se sont formés quelques centaines de millions d’années après le big bang et depuis, au dernières nouvelles ils se portent bien, ils ne donnent aucun signe de vieillissement, ils peuvent participer à une molécule d’eau puis d ‘alcool éthylique, puis par électrolyse retrouver la liberté !

Molécules et cristaux : Le cristal de Tourmaline qui orne ma vitrine ne présente, lui non plus, aucun signe de fatigue car toutes ses distances inter-atomiques sont stables, il n’est pas soluble dans l’eau. Il pourrait un jour disparaître par fusion dans une fournaise, dira-t-on qu’il meure ? non.

Les êtres vivants unicellulaires, ils se reproduisent en se dédoublant, dira-t-on qu’ils meurent ? non,

Les organismes pluricellulaires (doué ou non de parole) obéissent seuls à ce que Onfray appelle le « schéma du vivant ».

Il est intéressant de noter que leur stabilité apparente est totalement différente de la stabilité des cristaux, en effet les échanges d’oxygène, les synthèses de protéines, la lutte de notre système immunitaire contre le « non soi » sont permanents, des cellules meurent d’autres naissent. Tout cela sous le contrôle de l’ADN. L’organisme tout entier effectivement vieilli et meure et malheureusement non métaphoriquement ! On peux noter aussi que ces organismes se reproduisent par voie sexuée, ce qui est totalement oublié par Onfray, à la différence des étoiles et autre « réel ».

Notre soleil

Il y a un objet qui ne rentre pas dans ma classification du simple au complexe, mais qui nous intéresse fort, c’est notre soleil. Sa stabilité provient de l’équilibre entre la chaleur due à la fusion nucléaire qui transforme l’Hydrogène en Hélium, (cette chaleur tend à la dilatation) et la gravité qui tend à l’effondrement. Pour autant peut-on dire que le soleil vit ? Oui, métaphoriquement. Mais son « métabolisme » n’a rien à voir avec le nôtre.

Dans 6 Milliards d’années, ce bel équilibre sera rompu, au profit de l’échauffement et de la dilatation.

On pourra, alors seulement, dire adieu à la civilisation.

Les organisation humaines ne sont pas éternelles mais elles ne sont pas « programmées » pour mourir. La mort programmée n’est pas la règle mais une strict exception dans le « réel » : celle des êtres vivants multicellulaires à reproduction sexuée.

NOTRE CIVILISATION

D’après M. Onfray, : page 20 « notre civilisation judéo-chrétienne est en fin de course ».
Donc, 1 elle est judéo-chrétienne 2, elle a fait son temps.

Nous allons l’attaquer sur ces deux points. D’abord il est tout de même piquant d’entendre un athée déclaré affirmer que notre civilisation est chrétienne. Elle a certes des racines chrétiennes, mais elle a aussi des racines grecques (le nombre PI et les raisonnements rigoureux) et romaines (la notion de citoyen). Si on considère le nombre de textes grecques et latins recopiés inlassablement par les moines au moyen-âge puis imprimés et qui ont formé les jeunes intelligences de toute l’Europe, en nombre d’heures passées sur ces textes nous sommes bien plus gréco-romains que judéo-chrétiens.

La façade de notre Assemblée Nationale n’est-elle pas inspirée d’un temple grec ?

Et nous avons relevé le flambeau des Jeux Olympiques.

Les réalités humaines non plus ne sont pas des ratatouilles, elles sont structurées par grandeur croissante en Famille/Entreprise/Nation/Civilisation. Et aussi, TRANSVERSALEMENT, par les religions.

Passons sur la famille car elle est trop liée à la biologie.

Prenons l’entreprise, elle possède des contours parfaitement précis. Sa localisation est officielle avec un ou plusieurs établissements ; elle possède exactement tels moyens de production, tels stocks ; ses employés lui sont comptablement extérieurs, mais moralement intérieurs.

Elle est caractérisée par de l’abstrait précis : son statut, sa comptabilité.

Par de l’abstrait imprécis : sa culture d’entreprise.

Vis-vis du temps, elle commence un jour précisé dans son statut déposé au tribunal. Elle est faite pour durer, si elle s’arrête sa date de fin sera indiquée par le tribunal de commerce ou simplement par un avocat d’affaires.

Soit la Nation. Elle possède aussi des contours assez précis dans l’espace. Elle a un nombre d’habitants bien connu. Son « réel » concret est immense : entreprises, champs, forêts, mines, usines etc…

Sa réalité abstraite précise est représentée par sa constitution, ses lois, ses normes.
Son « abstrait » imprécis regroupe ses goûts, ses tendances, ses traditions, et chacun en a « une certaine idée ».

Vis-a-vis du temps sa situation est loin d’être simple : par exemple : quand a commencé la nation française ? Avec Vercingétorix, avec Clovis, ou bien en 1789 ?

Il m’amuse de noter que les Serbes font remonter la naissance de la Serbie à la bataille perdue de Kosovo polje; de même que nous commençons notre histoire par la chute d’Alésia ; des défaites fondatrices, en somme !

Remarquons aussi que, contrairement au schéma de Onfray, des nations disparues peuvent renaître comme la Finlande, la Pologne, l’Irlande, la Grèce.

Appliquons la même grille à notre civilisation. Elle n’a pas de contours concrets précis. Faut-il y inclure le monde orthodoxe, en principe oui, en acceptant le critère judéo-chrétien de Onfray.

Elle n’a même pas d’abstrait précis, car ce qui est précis sont des instances internationales qui ne se définissent pas par référence à une quelconque civilisation.

Ce que je veux dire est que c’est que les « objets » comme l’entreprise ou la nation, ayant des limites précises on peux définir (voir, prévoir !) leur fin ; tandis que, notre civilisation étant imprécise dans son réel concret et dans son abstrait on ne peux définir ni son début ni sa fin. Il est parfaitement arbitraire de dire qu’elle a fait son temps, à moins qu’on exprime par là moins une prévision qu’un souhait.

Il me semble que notre civilisation a pour caractéristiques : le Pluralisme (qui nous permet de changer de gouvernement sans violence), l’Égalité entre les hommes et les femmes, le Respect des animaux, l’Amour de la beauté des corps, autres……………. ?

Sa Sénescence, pour employer le terme de Onfray, n’est pas pour demain ; Car :

Il y a les exploits techniques qui indiquent l’intelligence, mais aussi la discipline librement consentie, l’adéquation avec le réel, toutes choses incompatibles avec une société en décadence.

Il y a la continuation de la création musicale et picturale par des artistes qui sont bien loin du prétendu NIHILISME auquel Onfray consacre 68 pages nauséabondes (boîtes de conserves d’excréments).

Est-ce que des millions de malheureux risqueraient leur vie en Méditerranée, pour rejoindre une civilisation en décadence ? Peu probable.

Donc, décadence, pas question. Par contre il y a, peut être, un choc non pas entre deux civilisations mais entre la civilisation et la barbarie. Dans ce cas on peut se rassurer en considérant :

INVERSION DE LA TOPOLOGIE DE LA RUINE DES CIVILISATIONS

Dans l’Antiquité, les civilisations étaient centrées sur une ville et entourées par les « barbares ». En somme, les civilisations était localisées et la barbarie était globale.
De nos jours une même civilisation, avec des variantes, va de Yokohama à Port Elisabeth,
de Casablanca à Tunis, d’Ottawa à Rio de Janeiro, de New Delhi à Melbourne. Ce sont les barbares qui sont locaux.

MISCELLANEES

~ l’Occident ne dispose que de soldats salariés » .Et alors ? Onfray devrait se rappeler qu’Athènes se payait des hoplites, et elle a mieux réussi que Sparte qui laissait ses enfants se faire dévorer le foie par les petits renards !
~«Peu importe le nom du dictateur, la dictature est inscrite dans l’ordre des choses. La résistance à la dictature obéit à un semblable déterminisme, de même pour l’indifférence à la dictature». C’est merveilleux cette croyance au déterminisme, qui explique tout.
~« Dans les ruines de Carthage……….je déambule dans une lumière contemporaine d’Augustin »

Les 9 pages de sa préface sont une sorte de délectation morose sur les ruines. Bon !

Il n’y a pas lieu de s’attrister, les ruines font parti de notre force. Elles sont comme une accumulation de troncs d’arbres, qui jetés sur un marécage, empêchent de s’enfoncer .

J.F de Lagausie

*Editions Flammarion

Notez cet article

Cliquez sur une étoile

Note moyenne 5 / 5. Nombre de note : 1

Aucun vote jusqu'à présent ! Soyez le premier à noter cet article.

Nous sommes désolé que cet article ne vous ait pas intéressé ...

Votre avis compte !

Souhaitez vous nous partager un avis plus détaillé ?

  • Manifestement, une des manifestations d’un renouveau hermétique se trouve dans Emmanuel d’Hooghvorst, « Le Fil de Pénélope » (Beya Editions). Le connaissez-vous?
    Après l’avoir lu, penserez-vous en termes de décadence ou de renouveau?

  • J.F de Lagausie.

    Passer en revue sur ce site, tous les arguments de votre analyse et impossible, ce serait vraiment trop long. C’est pourquoi, je me limiterai à l’un d’entre eux, plus à ma portée d’ailleurs:

    «Le réel n’est pas une ratatouille. Il est structuré du simple au complexe en même temps que du plus ancien au plus récent.»

    Cet argument, souvent mis en avant, est inexact car bien trop général, constaté à posteriori, d’une part, et surtout tendancieux, car il affirme à priori l’existence d’un ordonnancement dans la nature visant , par l’accroissement de complexité, à y voir un progrès continu dont l’objectif serait l’émergence de l’homme. Or, cette vision est complètement battue en brèche par la recherche.
    La réalité est toute autre:

    La caractéristique majeure de l’histoire de la vie est la stabilité et l’universalité du mode bactérien sur des milliards d’années.Nous sommes colonisés, 10% au moins du poids sec de notre corps sont constitués de bactéries dont certaines sont indispensables à notre existence.

    +L a partie droite de la distribution( les multicellulaires) est petite et n’abrite qu’un infime % des espèces. Au cours du temps, les occupants forment non une séquence évolutive mais une farandole de formes disparates, débarquées là au hasard, sélectionnées par nécessité d’adaptation au milieu. Si, historiquement, cette séquence pourrait se résumer à:bactéries, cellules eucaryotes, méduses, trilobites, nautiloïdes, poissons, placodermes, dinosaures, mammifères et Homo, au-delà des deux premières transitions, aucun organisme de cette séquence n’est un ancêtre direct de l’organisme suivant.

    80% des organismes multicellulaires (le phylum des arthropodes) connaissent un magnifique succès évolutif et ne manifestent au cours du temps aucune tendance à la complexité neurologique.

    +Si on peut parler d’un accroissement de complexité dans l’histoire de la vie, c’est pour une minuscule part des multicellulaires; on ne peut parler, pour l’ensemble de la vie d’accroissement de la complexité visant un quelconque progrès. C’est une erreur de faire d’une image limitée d’un petit filet de vie vertébrée un modèle de la totalité de l’histoire multicellulaire?

    +L’apparition d’homo sapiens doit être vue, non comme une conséquence prévisible de cette évolution, mais comme un évènement non reproductible.L’être humain ne bénéficie d’aucun statut privilégié et ne constitue en rien l’apogée de l’évolution. Les bactéries ont de tout temps été la forme dominante de la vie.

  • Je ne suis pas assez compétent pour parler d’une faute de raisonnement de M.Onfray.
    En revanche, quand je lis dans la critique:
    « l’univers s’organise en se refroidissant »
    je pense que les notions de base de thermodynamique ont échappé à notre commentateur, car l’entropie de l’univers, considéré comme un système fermé, ne peut qu’augmenter.
    Qu’il ait des îlots dans l’univers où l’organisation augmente n’est nullement contradictoire avec le deuxième principe de la thermodynamique qui veut que l’entropie du système, donc le désordre augmente.

  • Sujet passionnant. Je n’ai pas encore lu le livre de Michel Onfray; j’ai parcouru des analyses et ai écouté l’émission de Ruquier, très intéressante car il a pu s’exprimer et répondre aux questions.
    Bien des remarques en effet sont à faire; impossible ici de les exprimer; mon intention, pour l’instant, n’est pas non plus de faire la critique d’une critique, un temps de réflexion s’impose.
    A première vue, je me demande si, comme souvent dans les discussions, il ne serait pas nécessaire de définir le sens des mots qui sont utilisés afin de parler de la même chose, tous les raisonnements en dépendent.
    Je pense, par exemple, en ce qui concerne ce sujet, à:
    +Les êtres vivants. Mais, qu’est-ce que la vie? Existe-t-elle ou n’est-elle rien d’autre qu’une manifestation physicochimique?
    + Ensuite on envisage la biologie comme une science. En est-elle une, bien identifiée, indépendante, ou une super science synthétisant les résultats acquis par toutes les sciences(et bien au-delà!) , celle qui chapeaute le tout, donc qui a seule vocation de s’approcher de l’explication du réel? Nous sommes entièrement dépendants de notre existence d’être vivant; les explications, les discussions, ne se font que par l’entremise de la vie (fonctionnement du cerveau). Tout, jusqu’à maintenant, dans la culture, de la connaissance de l’atome au fonctionnement financier et de l’entreprise est gérée par la vie des concepteurs, des gestionnaires, des acteurs, des utilisateurs, des créateurs de machines.
    + Décadence est un vocable qui n’existe pas dans l’explication scientifique du monde; la science parle d’évolution.
    Une suite peut-être plus tard.
    Pour paraphraser votre conclusion je dirai:
    «Il n’y a pas lieu de s’attrister, les ruines font partie de la force vitale. Elles sont comme une accumulation de troncs d’arbres, qui jetés sur un marécage, vont permettre, non pas d’empêcher de s’enfoncer mais au contraire de se ressusciter »