Indécision
Comme beaucoup d’entre vous, j’imagine, cette campagne électorale pour la présidentielle, me lasse, me gave. Il me semble qu’elle a débuté depuis longtemps et qu’elle n’en finit pas. D’autant plus que, je l’avoue aussi humblement que possible, j’ai du mal à prendre une décision.
Je suis en effet en veine de confidence, sans pour autant attendre de quiconque un conseil dans un sens ou dans un autre. Les convictions politiques ont cela de particulier que ceux qui ont des idées, des opinions, voire des convictions n’ont qu’une ambition vous convaincre et faire en sorte que vous soyez acquis à leurs idées. Il vous est certainement arrivé d’entendre vos amis, vos camarades faire des démonstrations longues et fastidieuses en prétendant prouver que le candidat qu’ils soutiennent est le meilleur, celui qui va sortir notre pays du marasme. Ou à l’inverse, lorsqu’ils décrivent l’adversaire ils l’affublent de tous les défauts et les incriminent de vouloir détruire ce qui existe. L’objectivité n’est jamais au rendez-vous dans ces discussions que pour la plupart du temps je me contente d’écouter sans apporter de commentaire.
J’appartiens à cette catégorie de gens qui ne sont les affidés de personne, les inconditionnels d’aucun. Je n’ai jamais adhéré à une formation (ou parti) politique et de cela suis assez fier. En effet, je considère que ce faisant j’évite l’enfermement. J’en ressens comme une sorte de liberté. N’en déduisez pas pour autant que je n’ai pas de règles ou d’idéal et que je me désintéresse de la chose publique, non, ce qui me déplait au plus haut point c’est le contenu des débats politiques. C’est Raymond Aron (je crois) qui disait débattre, c’est prendre le risque de changer d’avis. Vous en avez rencontré beaucoup de ces beaux parleurs en matière politique qui acceptent de prendre le risque de changer d’avis. Moi pas, ils sont pétris de leurs certitudes et sont inaccessibles à toute idée différente qui viendrait entamer leur conviction. Alors qu’on ne nous parle plus de rassemblement, d’unité, de regroupement et autres grands principes.
Et puis dans cette politique, il y a des manières qui sont incompréhensibles, et pour certaines révoltantes. J’ai toujours eu l’impression que les politiques ne faisaient jamais rien sans espoir d’un retour d’ascenseur. Actuellement, au delà de la présidentielle, ce sont les élections législatives qui se jouent. Ces alliances affichées en spectacle contiennent évidemment des arrières pensées. Ils cherchent à remembrer leurs partis politiques et certains entrevoient une fonction ministérielle. Nous sommes loin du débat d’idées. Les tensions sont telles que des magistrats et des journalistes ont reçu des lettres de menaces de mort. Jusqu’où va-t-on ? J’ignore si dans les pays voisins la politique revêt de telles exagérations ou imbécillités. Que va-t-il sortir de tout cela ?
Tous ces candidats qui nous présentent un programme savent, comme bon nombre de citoyens, que ce n’est pas leur projet qui les fera élire, parce que d’une part les engagements ne sont jamais intégralement tenus et parce que d’autre part il est établi que la majorité des électeurs votent à l’affect. Les programmes sont en réalité peu lus et souvent incompris. Alors il faut démolir le concurrent. Quant à moi, si je n’avais qu’une lanterne pour éclairer mon choix je considérerais qu’il faut surtout éviter le scrutin proportionnel aux législatives. La peur d’un retour à la IVème République. Ma conviction se limite à cela, pour le reste je n’aurais pas l’arrogance de vous faire croire que j’ai tout compris et mesuré les conséquences de toutes ces promesses.
Les Français sont passionnés de politique c’est vrai, mais apprécient-ils vraiment toutes ces chamailleries ?
Pau, le 13 avril 2017
Joël Braud
Le feuilleton de la campagne présidentielle nous a bien réservé des surprises inédites, pas toujours très joyeuses, mais pittoresques et pimentées.
Une campagne extraordinairement différente de celles du passé du coté des candidats,
que maintenant les électeurs, hésitants mais non indécis, veulent s’ approprier, afin de vider le marigot politique en place depuis 1968. Le plus pittoresque reste peut être à venir.
Cela risque d’ être le match Macron / Mélenchon, pour le deuxième tour, qui surprendra tout le monde, même nos amis sondeurs.
Cela ne sera que le remake d’ une confrontation, qui aurait dû avoir lieu il y a 40 ans, entre De Gaulle et Mitterand, mais qu’ aucun des deux n’ avait eu le courage de provoquer de par leur passé et leur personnalité.
Car cela reste tout à fait possible. Marine n’ étant qu’ une excroissance bubonique d’ un passé révolu……
Aucun des deux n’ était attendu, mais je pense que les électeurs sont décidés, un bonne fois pour toutes, à tourner la page des partis traditionnels, qui ont pillé la France depuis 40 ans avec leurs idées éculées.
Ces deux candidats, aussi bons orateurs truculents l’ un que l’ autre, sont les seuls à être en dehors des partis, non issus d’ élections primaires, avec le mérite l’ un comme l’ autre, de s’ être faits par eux mêmes, à l’ encontre des partis.
Cela laisse enfin, depuis bien longtemps, le choix aux électeurs de pouvoir se faire plaisir en dehors des sentiers battus et rebattus.
On a là l’ opportunité de tourner la page de 68, qui depuis 40 ans bloque la société de part sa bien pensance ordonnée. Maintenant les paris sont ouverts.
Reste à savoir, si nous voulons mourrir d’ épuisement en marchant ou bien figés par le froid sidéral étatique ……
Nous avons là l’ opportunité de mettre les deux pieds dans le futur, ou d’ y rentrer à reculons les pieds gelés.
Je trouve cela assez normal que lors des débats politiques, les responsables de partis aient des avis tranchés dont ils ne comptent pas changer. Ce serait l’inverse qui serait un peu surprenant, voire inquiétant : ils sont censés avoir réfléchi avant aux sujets abordés dans les débats. Ces débats ne sont pas faits pour que les débateurs (?) se convainquent entre eux, mais pour qu’ils essaient de convaincre les spectateurs.
Sur la 5ème République : elle a été faite par et pour un homme providentiel, mais des hommes providentiels on n’en trouve pas tous les jours. Et c’est un système qui accentue les clivages : la majorité des voix à un moment donné donnant un pouvoir quasi-absolu pendant 5 ans, forcément le but unique des prétendants est d’obtenir cette majorité. Pourtant quand on vote pour quelqu’un on est rarement d’accord avec TOUTES ses conceptions.
Lorsque je cite Raymond Aron, je ne parle pas seulement des responsables de partis mais de tous les citoyens comme vous et moi. Lorsque l’on débat et qu’en préalable ont est définitivement décidé de ne pas se laisser convaincre, ce n’est plus un débat, mais cela s’appelle un exposé. Le respect des autres c’est aussi de prendre en compte leurs arguments.
Pour revenir sur le débat (toujours) lancé par M. Vallet qui parle de la IV République, je conseille de lire l’interview de Michel Winock, historien bien connu, sur le journal Sud Ouest Dimanche de ce 16 avril 2017, page 10. Eloquent sur plusieurs sujets abordés ici.
Justement, je l’ai lu ce matin; très intéressant en effet.
+Il dénonce l’altération du système actuel où, finalement, le pluralisme lié à la proportionnelle a été remplacé par le pluralisme au sein de chaque grand parti sensé, par sa cohésion, d’assurer une stabilité d’action gouvernementale. Cela devient presque pire que la IVème!
+Il dénonce le fossé entre citoyens et politiques: insuffisance dans la représentation du peuple et de sa représentation parlementaire qui n’est plus qu’une caisse d’enregistrement des décisions d’un Président monarchique et de son fidèle collaborateur.
Je reste persuadé qu’une part non ridicule de proportionnelle mettant au parlement une représentation démocratique de la pluralité citoyenne reste indispensable.
D’accord pour un renforcement du pouvoir du Parlement. D’accord pour un rééquilibrage des pouvoirs dans l’exécutif.
Une appellation m’a toujours intrigué: un Président préside, organise coordonne, oriente, un directeur dirige; nous n’avons plus un Président mais un Directeur de la République.
+Referendum? Je me demande si, étendu aux matières législatives, ce n’est pas de la fausse vraie démocratie, plus une entrave, une réorientation obligée, une continuité possible brisée, une démission possible qu’une réelle nouvelle voie de stabilité.
Par contre, je suis heureux d’apprendre que le référendum existe déjà sur la politique économique et sociale ou environnementale!!!Combien de fois avons-nous été sollicités dans ce domaine alors que les causes ne manquaient vraiment pas. Il y aurait peut-être à faire remonter en surface cette possibilité?
+ Septennat non renouvelable: bonne idée je pense.
+ Réforme du statut de l’élu: pas de problème. En passant, il faut dire que la conservation de l’emploi ne se posait guère, dans le privé, pour les profession libérales, avocats très nombreux entre autres!
Autre sujet très différent. Vous avez sans doute lu l’article de J-Cl.Guillebaud(Paris-Province) sur la parution de l’ouvrage d’Adair Turner: «Reprendre le contrôle de la dette…..»édit l’Atelier.
Beaucoup sur ce site devraient le lire car, de près ou de loin, il n’est pas sans rapport avec la pagaille chaotique que l’on vit maintenant.
34% des électeurs sont aujourd’hui indécis (sondage Odoxa pour France Info de ce jour)
http://www.francetvinfo.fr/elections/presidentielle-un-tiers-des-francais-toujours-indecis-a-pres-d-une-semaine-du-premier-tour_2144522.html
« Les indécis sont très typés, décrypte Gaël Sliman, le président de l’institut Odoxa, pour franceinfo. Ils se comptent politiquement essentiellement auprès des électeurs qui envisagent de voter pour l’un des trois grands candidats issus de la gauche du gouvernement. »
Ceci posé, on attend avec impatience la suite …
Comment se cristallisera la décision dans la tête de notre Président qui de surcroit possède un passé d’enquêteur professionnel ?
Je suppose que cela sera l’objet du prochain article ? (sourire)
Concernant la proportionnelle qui fait débat, aujourd’hui la tendance est simplement à une dose de proportionnelle. Tout est dans la dose… et dans les calculs machiavéliques du parti qui aura la majorité…
Je partage l’analyse générale, j’apporterai seulement un bémol à propos de la peur d’un retour à la IVème République avec la proportionnelle.
Malgré l’instabilité, les échecs et les faiblesses de la IVème République, elle a fait beaucoup de choses: reconstruction de la France après la guerre: l’économie a redémarré, nationalisations, progrès sociaux, début des trente glorieuses., la société se transforme, la construction européenne se met en place: CECA, CEE.
La Vème s’est dotée d’une constitution donnant la stabilité, c’est vrai;
+ Actuellement, peut-on faire le bilan des avantages de cette stabilité? Croyez-vous que les échecs et l’impuissance de la Vème ne sont pas comparables! On se plaint qu’on met toujours les mêmes; pendant la IVème cela changeait souvent! Certains pays restent longtemps sans gouvernement et cela ne marche pas plus mal!
La Vème a été faite par et pour de Gaulle, de Gaulle n’est plus.
+ Les oppositions détruisent ce que le précédents ont réalisé.
+ Il n’y a plus de diversité de conceptions créatrices, tous les élus sont derrière le président du parti détenteur de la pensée unique et doivent avoir la même opinion. La bipolarité est la stérilisation du progrès, c’est le domaine du tiers exclu, celui qui apporte le plus souvent la solution!
+Pour les électeurs, c’est l’assurance que pendant 7 ou 5 ans ils n’auront plus leur mot à dire; de plus; à chaque élection, 40 à 49% des électeurs ayant voté sauront qu’ils seront ignorés, seule la majorité le jour de l’élection sera considérée, et encore(paroles tenues!)
La vie d’un écosystème vivant (la société en est un) est toujours le résultat de la gestion d’un pluralisme d’idées, de concertations, d’actions, il n’y a jamais de stabilité fixe mais dynamique; l’évolution est progressive, par petites touches; les monopoles se terminent toujours par le chaos, la révolution conceptuelle pouvant devenir plus violente; on entre dans ce domaine d’incertitude.
M. VALLET, vous comparez la IV République à la V République. Mais parlons également de la III République. Celle-ci (1870 – 1940) était un régime parlementaire. Les députés étaient élus au suffrage universel majoritaire à deux tours. Beaucoup de réalisations sur la plan social. Elle a surmonté des épreuves comme l’affaire Dreyfus et la guerre de 14.
La IV République (1946 – 1958) était également un régime parlementaire. Instabilité gouvernementale chronique. La durée de vie moyenne des gouvernements était de 7 mois. Si la IV République a connu un essor économique important, il faut le mettre au compte du plan Marshall. Et certainement pas au crédit des politiques.
Durant la V République, de 1986 à 1988, l’Assemblée Nationale a été élue au suffrage proportionnel. Au bout de deux ans il a fallu dissoudre et revenir au système électoral antérieur. Puis première cohabitation.
Certes la V République est de type présidentiel, mais elle connaît une stabilité gouvernementale. Elle a permis de surmonter des épreuves comme la guerre d’Algérie, mai 1968 et plus récemment la crise économique. Elle a été plusieurs fois réformée.
La représentation proportionnelle est à l’origine des alliances en sous-main, des arrangements, des connivences et autres compromis qui favorisent le rôle des partis. La politique des partis, si vous voulez, au prétexte de dire que toutes les tendances sont représentées. Mais les tendances sont multiples et cherchent à se différencier les unes des autres empêchant ainsi de réelles réformes. Leurs préoccupations sont principalement électoralistes.
Dans votre dernier § vous évoquez « la vie d’un écosystème avec une gestion d’un pluralisme d’idées, de concertation de dynamique ». C’est vrai, mais sans les politiques tels que ceux qui existent actuellement dans notre pays.