Enfin !
Une esquisse de la loi sur la moralisation de la vie publique vient d’être dévoilée, avec un titre reformulé. Sera-t-elle votée à l’unanimité ?
C’est douteux, car peu de lois en dehors de la loi Edgar Faure ont eu l’assentiment unanime de l’assemblée. De plus, ce n’est pas de gaieté de cœur que les députés voteront la limitation de leurs privilèges. Mais la majorité des citoyens de ce pays attend des mesures fortes pour redonner confiance dans notre vie politique.
Cette attente donnera un semblant de justification pour ceux qui ne voudront pas voter la loi, en prétextant qu’elle ne va pas assez loin. Le subterfuge ne serait pas nouveau. Mais il ne peut nous berner. Si la loi contient des avancées, il faut la voter. Quitte à l’amender.
Voyons son contenu.
• Un casier judiciaire vierge
C’est la moindre des choses ! Comme c’est déjà exigé des fonctionnaires, les élus devraient donc présenter un casier judiciaire vierge des infractions les plus graves (crimes, agressions sexuelles, atteintes à la probité…). Nombreux sont ceux qui pensent qu’il faudrait aussi exiger des élus qu’ils présentent la preuve qu’ils sont en situation régulière avec les impôts. C’est notamment la position du député PS René Dozière, spécialiste des questions de transparence.
• Interdiction du cumul des mandats dans le temps et dans la simultanéité
Les parlementaires ne pourront plus aller au dela de trois mandats de même nature. Des associations comme Anticor proposent d’élargir cette mesure aux mandats locaux et que la limitation s’arrête à deux mandats. Le but étant évidemment de favoriser le renouvellement et le lien entre élus et activité normale.
• Interdiction des recrutements familiaux
Les emplois familiaux au sein des assemblées concernent actuellement plus d’une centaine de parlementaires. Leur rémunération peut correspondre à une activité vérifiable. Mais aux yeux des citoyens elle apparaît comme une possibilité d’enrichissement indu et une forme de népotisme.
• Disparition de la réserve parlementaire
Il est des sources d’économies plus importantes que la suppression de la manne que peuvent distribuer les parlementaires à leur convenance. Mais c’est une forme de clientélisme qui ne peut être encouragée et qui a des effets pervers.
• Fiscalisation et contrôle des indemnités représentatives de frais de mandat
Ces indemnités peuvent être assimilées à un complément de revenu. Leur usage discrétionnaire choque ceux qui rendent des comptes pour leurs déplacements, qu’ils travaillent dans le public ou dans le privé. De plus, une vie plus sobre rapprocherait les élus de leurs électeurs.
• Interdiction ou encadrement des activités de conseil
Le but recherché est d’éviter les conflits d’intérêts et les causes de dévoiement des lois en faveur d’intérêts privés contraires à l’intérêt collectif. Mais la tâche n’est pas simple car il est bon que les lois soient élaborées par des personnes connaissant les dossiers.
• Traque des activités des lobbyistes
La loi Sapin 2 votée en 2016 prévoit déjà la création d’un registre des représentants d’intérêts et un code de déontologie pour le lobbying pratiqué à l’égard du gouvernement et de l’administration. Mais il faudrait l’approfondir et l’élargir, ainsi que le demandent des associations comme Transparency et Anticor. La lutte contre le lobbying n’est pas chose aisée. Mais ses enjeux sont considérables et les pratiques anciennes et bien masquées.
• Encadrement du financement des partis politiques et des campagnes électorales
Le financement des partis politiques et des campagnes électorales est considéré par beaucoup comme le point faible de notre démocratie et une source de scandales. Il n’est que de voir la multiplication des micro-partis pour deviner qu’il s’agit là d’un moyen de capter de l’argent public.
• Introduction d’une meilleure représentation par injection d’une dose de proportionnelle
C’est un objectif d’équité, mais aussi de sérénité. Il vaut mieux canaliser le diversité des opinions dans un cadre stable plutôt que de voir des débordements dans les rues. Mais la mise au point doit être faite de telle sorte qu’elle préserve la facilité de gouverner et qu’elle ne soit pas suspecte d’intérêts partisans.
La tâche est exaltante, mais pas simple. Bon courage M. le Garde des Sceaux !
Paul Itaulog
Crédit photo : Le Figaro
En ce qui concerne la dose de proportionnelle, cette question est un marronnier qui refleurit à chaque consultation électorale. Dans son programme Marine Le Pen avait fait une proposition qui avait attiré mon attention. C’était le principe de ce qui a été retenu aux élections régionales : le parti qui arrive en tête a un bonus de sièges qui lui permet de gouverner. L’avantage est que tous les partis qui ont remporté plus de 5% des voix peuvent sièger au parlement. Ce que ne suis pas capable d’imaginer est de savoir comment cela est compatible avec un scrutin d’arrondissement à deux tours. Ou alors ce dernier n’est pas conservé. Bref, excusez moi car je ne suis pas spécialiste.
Une remarque :
Ce n’est pas juste un « contrôle » (qui existe déjà) dont il est question, mais du passage au régime des frais réels : l’IRFM ne sera plus attribuée d’office, mais en remboursement sur justificatifs. Dans ces conditions ça ne peut être considéré comme un complément de revenu, donc ça ne peut pas être fiscalisé.
Bonjour,
J’ai souhaité réagir sur le deuxième point, la question des emplois familiaux chez les parlementaires, venue sur le devant de la scène récemment après la médiatisation du cas Fillon.
Peut-on interdire à des personnes de la même famille de travailler ensemble?
Combien de citoyens travaillent en famille? Dans le commerce, l’artisanat, les TPE, l’agriculture… combien de conjoints, de « SARL X frères » ou « SA Y & filles » ? Sont-ils suspects d’emplois de complaisance voire fictifs sur la base de ce lien de parenté?
Il ne semble pas qu’une telle interdiction soit envisagée à l’échelle de la société. Je comprends qu’on cible donc spécifiquement les élus, sur la base des propositions suivantes:
1- l’élection justifie des devoirs et contraintes supplémentaires, spécifiques,
2- le risque d’emploi de complaisance, voire fictif, est moindre si deux personnes n’ont pas de lien de parenté
Sur le point 1, assez consensuel peut-être sur le papier, je m’interroge en pratique sur le paradoxe qu’il y a vouloir simultanément rapprocher les conditions de travail des parlementaires de celles d’un grand nombre de citoyens (parcours professionnels et sociaux, fiscalité, rémunération, risque, responsabilité, fin des « privilèges » etc…) et à leur interdire de faire ce que font des millions de citoyens, à savoir bosser en famille.
Sur le point 2, même doute sur l’impact pratique de la mesure. Admettons que l’on interdise aux parlementaires de recruter des membres de leurs familles. Cela les incitera-t-il à recruter des inconnus d’eux sur seul critère de compétence? Ils privilégieront je gage, pour un bon nombre d’entre eux, le recrutement d’amis, de membres de leur parti, de collaborateurs d’amis ou d’entreprises amies. Le risque d’emploi de complaisance, voire fictif, aura-t-il été diminué? J’ai dans l’idée que l’impact serait marginal, pour une discrimination symbolique de la relation de parenté assez brutale. Cela vaut-il la peine?
Ce que l’on souhaite réduire il me semble c’est l’emploi de complaisance, voire l’emploi fictif: A recrute B et le rémunère pour une tâche peu ou pas réalisée. Que A et B aient un lien de parenté ou non le problème est-il changé? Si oui, dans quelles proportions?
La question qui me semble-t-il sous-tend ce dévoiement est: « le collaborateur travaille-t-il effectivement? » Et je chercherais des moyens de contrôler son activité.
Étrangement, j’ai le sentiment que l’on pose la question « qui est le collaborateur? » Et que l’on chercherait à contrôler son identité.
Pourquoi m’attardè-je sur ce « détail » vous demandez-vous peut-être. Je crois que s’il m’interpelle c’est qu’il illustre un pli croissant de notre société : faire d’un problème d’activité un problème d’identité (quant à la part en ceci des « créateurs d’opinion », quid?). J’ai pris le temps de taper ces lignes parce que cette glissade me semble peu dite et pourtant pas sans effet: elle nous rend collectivement plus tendus c’est certain, moins efficaces c’est probable. Je me trompe peut-être.
Romain, Ossalois, 30 ans.
Contrôler l’activité d’un collaborateur de parlementaire c’est compliqué, et surtout cela peut être vu comme une ingérence dans le travail des parlementaires. Avec ses collaborateurs le parlementaire est comme un petit patron, mais avec un chiffre d’affaire garanti. Le juge de paix ce devrait être les électeurs à la fin du mandat (quelle activité réelle a eu le député en 5 ans, tout cela est public), mais qui s’en soucie ? Quasiment personne.
Vous oubliez un point fondamental qui différencie les emplois familiaux de complaisance dans le public, c’est qu’ici on parle d’argent public.
Chez les scandinaves on ne parle jamais d’argent public ou de l’argent de l’Etat, mais de l’argent du contribuable. Cela est significatif.
Ah! une nouvelle photo de Bayrou dans AltPy ! Réjouis-toi, peuple de France !
https://www.youtube.com/watch?v=6EBbGGykwug
Bernard Cazeneuve au Parisien le 4 juin:
« Je suis stupéfait d’entendre qu’il y aurait enfin une volonté de moralisation de la vie politique française. 90 % de ce qui devait être fait en la matière a été fait durant le quinquennat précédent. Le parquet financier, c’est qui ? La Haute Autorité pour la moralisation de la vie politique avec obligation de déclaration du patrimoine des parlementaires et des ministres, c’est qui ? L’agence anticorruption, c’est qui ? La limitation du cumul des mandats, c’est qui ? Les mesures sur les conflits d’intérêts, c’est qui ? C’est la gauche au pouvoir ! Ce qui est présenté aujourd’hui est un complément utile, qu’il faut soutenir sur des sujets de fond sur lesquels nous n’avons pas pu avancer faute de majorité : la suppression de la Cour de justice de la République, le renforcement de l’indépendance de la magistrature. »
« La tâche est exaltante, mais pas simple. Bon courage M. le Garde des Sceaux ! »
C’est pas sérieux… Un consensus existe sur cette loi.
Notre Ministre de la Bonne Parole n’a rien d’autre à faire qu’à faire recopier ce qui a été écrit depuis des années…
Je trouve que ce projet s’intéresse surtout aux élus nationaux et très peu aux élus locaux.
Quid des conflits d’intérêt dans les petites communes, du nombre d’élus locaux (nombre de communes) par exemple ?
Cela dit, si on diminue le nombre d’élus et la durée des mandats, il faudra doter les députés de moyens conséquents (attachés, experts, etc, c’est-à-dire affecter des budgets).
J’avais noté, il y a plusieurs mois, une remarque sur la « dé-professionnalisation » de la vie politique : Elle sera réservée aux personnes très fortunées. Comme aux US par exemple.
Oui… attendons de voir les amendements et ce qui sera réellement voté.
Très bien mais pour être plus exigeant et respectueux de nos impôts, j’aurais ajouté :
– un candidat qui promet alors qu’il ne tient pas ses promesses relève du contexte dolosif pénalement répréhensible, donc « remerciement » + peines pénales + remboursement de toutes les subventions touchées lors de son élection.
Sinon cela relève de l’incompétence donc également « remercié » comme dans toute entreprise privée.
– peine pénale (amende et prison) + interdiction de se représeter à quelque élection que ce soit.
– application stricte de la gestion des frais et tout esprit chagrin doit démissonner et voir s’il serait capable d’être « embauché » dans une entreprise.
« Remerciement » si non respect des règles de gestion + remboursement
– rémunération sur la moyenne des rémunérations nationales soit 2 à 3 fois moins qu’à ce jour tous avantages compris.
– suppression de toute rémunération si absentéisme > 3 %
– diminution des rémunérations si aucune proposition cohérente en rapport avec les attentes des français
Déjà avec tout cela il y aurait moins de candidats profiteurs
En fin de compte : c’est ce qui se passe dans le privé ou la vie civile