Pau, quand la justice affirme son indépendance

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Les faits sont récents et remontent seulement au vendredi 2 juin 2017 au soir. Ils sont localisés, avenue Leclerc à Pau devant un supermarché, sur la voie publique. Les auteurs sont en groupe et ont une conception de la loi qui leur est propre. Leur réclamation faite de manière violente ne peut en la circonstance être acceptée. Pourtant …

Les gens du voyage sont en groupe, une centaine selon certaines estimations, ils réclament la libération temporaire de l’un des leurs qui est détenu à la maison d’arrêt de Pau. Ils considèrent que ce dernier a le droit de pouvoir assister aux obsèques de son frère tué à Toulouse lors d’une poursuite par la police. Il avait volé une voiture et avait pris la fuite malgré les injonctions des forces de l’ordre.

En fait de droit, il faut bien considérer qu’une telle libération ne se décide pas sous la contrainte, encore moins sous la violence et que les dégradations dont ils sont les auteurs devraient conduire les forces de l’ordre et les services de l’État à une certaine réticence… pour le moins. Sont présents sur les lieux, le directeur de cabinet du préfet, la directrice départementale de la sécurité publique et la première adjointe au maire de Pau, Josy Poueyto. Tout indique que cette action a surpris et n’a pas laissé le temps à ces autorités de s’organiser. Aucune C.R.S.ou une compagnie de gardes mobiles n’a pu être dépêchée sur les lieux dans un délai suffisant.

Alors, on négocie. Généralement lorsqu’on se trouve dans une telle situation, on n’a pas vraiment les moyens nécessaires pour imposer ce qui pourtant doit l’être : le respect de l’ordre public. Que s’est-il dit, on ne sait, mais l’expérience de certains permet de comprendre que les arguments développés par les manifestants sont de nature « extralégale » parce qu’ils considèrent que la loi ne peut s’interpréter qu’à leur avantage. On négocie, au point que le directeur de cabinet du préfet fait cette déclaration à la presse locale : « On a un accord : pour que l’engagement d’examiner avec bienveillance une permission de sortie du frère, il faut qu’ils se tiennent calmes ».

On est où là ? Quelle bienveillance ? La bienveillance de qui ? Qui a donc le pouvoir d’accorder une libération même temporaire d’un détenu ? Sans doute pas ceux qui ont obtenu cet « accord ». Et puis il faut bien le dire haut et fort la manifestation accompagnée de dégradations volontaires lourdes est une infraction grave de nature à justifier des interpellations dans le cadre du flagrant délit. Alors le rapport des forces en présence ne sert pas vraiment les autorités de l’État. Il faut surtout espérer que les auteurs de ces délits seront arrêtés et auront à répondre de leur geste devant la justice.

Dès le mardi suivant, le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Pau, Cécile Gensac, remet les pendules à l’heure. Elle rappelle que « la justice ne négocie pas » et qu’il appartient aux seuls magistrats du siège de pouvoir en toute indépendance, accorder ou refuser une telle demande ». Une occasion bienvenue de revenir sur un principe fondamental : l’indépendance de la justice. Qu’en pensez-vous Monsieur Bayrou, vous qui êtes à la fois (encore) maire de Pau et Garde des sceaux ? N’envisagez-vous pas en ce moment de réviser le statut des parquets pour les détacher dans une plus large mesure du pouvoir politique ?

Pau, le 8 juin 2017
Joël Braud

Crédit photo : village-justice.com

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  • Bernard DESVIGNES

    Avec un motif différent, cette manifestation (avec dégâts matériels importants qui reviendront à la charge des contribuables) arrive quelques semaines après celle de certains « forains » sur l’autoroute, vers l’échangeur de Pau. Dans les deux cas, on parle de gens « qui ne s’embarrassent pas toujours avec la loi » ou « qui ont une conception de la loi qui leur est propre ».
    Parallèlement, les media nous « bassinent » les oreilles chaque jour avec la démocratie.
    Tant que la loi ne s’applique pas de la même façon à tous, pouvons-nous avoir la prétention de vivre dans une démocratie ? La même question se pose pour moi quand les pouvoirs publics reconnaissent sans sourciller, et surtout sans rien faire, l’existence de « zones de non droit », ou bien tolèrent le blocage d’une partie de nos infrastructures (routes, voies ferrées, raffineries de pétrole, …).
    A l’origine de cette faiblesse, une donnée connue de tous : quand ils sont en situation de désaccord avec une décision émanant de l’autorité dite républicaine, c’est-à-dire émanant de ceux qui ont pour mission de gérer « la chose publique », certains « citoyens » ont une capacité de nuisance, d’autres n’en ont aucune.
    Comme aura dit une mère de chef d’Etat « Pourvou qué ça doure » …
    Bernard Desvignes

  • On est bien d’accord que les méthodes utilisées ne sont pas acceptables.

    Mais on peut aussi s’interroger sur l’absence d’humanité d’un système qui refuse à un détenu (condamné pour des délits et pas pour des crimes d’après la presse locale) une autorisation de sortie pour assister aux obsèques d’un proche, au motif hyper vague et fourre-tout de « risques de troubles à l’ordre public » (ce qui est d’ailleurs assez ironique avec le recul).

    • Aujourd’hui, le juge d’application des peines a accordé une permission de sortie au détenu. Il faut toujours être très prudent lorsque l’on émet une appréciation sur une décision de justice. Les juges ne se prononcent jamais sous la contrainte où les mouvements de rue. D’autre part ils prennent le temps. Le temps judiciaire est plus long. C’est ainsi. Il faut comprendre cela à partir de leur préoccupation obsessionnelle d’indépendance. C’est mieux ainsi. Que penseriez-vous d’une justice soumise aux pressions ?
      D’autre part dans les éléments d’appréciation du juge appelé à en connaître, n’entre pas seulement le souci de l’ordre public. Par parenthèses seul le trouble à l’ordre public que le détenu peut provoquer est pris en compte. Il doit aussi, selon la loi, apprécier la garantie de représentativité du détenu ainsi que son comportement en milieu carcéral.
      D’une manière plus générale il y a toujours un grand risque pour le fonctionnement de nos institutions à se prononcer sur et critiquer les décisions de la justice. Une justice soumise à la pression de la rue, soumise à l’opinion des particuliers, ne remplit plus son rôle de régulateur du fonctionnement de notre vie sociale. Elle devient contrainte. Son rôle est d’apprécier en fonction de la loi et seulement de la loi.
      Alors attention, danger !

      • « Que penseriez-vous d’une justice soumise aux pressions ? »
        Mais la décision d’autoriser une sortie aujourd’hui est une réponse à la pression de la rue . Il y avait eu une demande : refusée.
        Qu’est ce qui explique le changement d’avis des juges ?

        • Certes, certes, sauf qu’il n’y a jamais eu de demande refusée. Il y a eu une demande qui n’a pas reçu de réponse ce qui est quand même très différent. Le juges n’ont en conséquence pas changé d’avis mais répondu selon le rythme de la justice, lentement.

          • Non la justice n’est pas exemplaire en France. Un exemple : les fuites (organisées) sur le secret de l’instruction. Pourquoi aucune plainte concernant ces fuites systématiques dans les affaires médiatiques n’aboutit ?

          • Dans Sud Ouest aujourd’hui :
            « Une semaine après les événements qui ont marqué le centre-ville de Pau vendredi 2 juin, et au lendemain d’une marche blanche, le frère de Mickaël Simon a reçu une permission de sortie du juge d’application des peines (Jap) ce vendredi matin.

            Le jeune homme issu de la communauté des gens du voyage, détenu à la maison d’arrêt de Pau, avait demandé à sortir de prison pour participer aux obsèques de son aîné, tué le 29 mai par la police à Toulouse. Le refus du Jap avait entraîné une manifestation des gens du voyage sous haute tension vendredi 2 juin avenue du Général-Leclerc à Pau. 200 personnes s’étaient réunies. »

            On y lit bien que le JAP avait REFUSE la demande

            C’est donc bien sous la pression de la rue (pression scandaleuse vu les dégâts) que la justice a changé d’avis.
            Non la justice française n’est pas exemplaire.

          • Ca c’est que dit la presse à partir des déclarations de l’avocat. Personnellement j’ai des informations différentes.

          • Et sous quelle pression le JAP avait-il refusé cette permission de sortie? Interrogez vous donc là dessus.

          • Mon message de 14:04 s’adresse évidemment à M. Sango (pas celui de Bangui, l’autre).

          • On ne peut pas évoquer le rythme de la justice pour justifier qu’une décision n’arrive qu’après les obsèques. Les textes prévoient qu’un détenu puisse demander une permission de sortie pour assister aux obsèques d’un proche, et des obsèques c’est typiquement 3 jours ouvrables après le décès. C’est à la justice de faire en sorte de répondre dans les temps, et une absence de réponse dans les temps ressemble fort à une façon de refuser mais sans se mouiller de trop.

          • Laisser passer les délais pour ne pas assumer un refus serait la pire des choses. En tout état de cause, qu’il s’agisse d’un refus déguisé ou non, la justice s’est mal conduite et aurait du laisser ce détenu participer aux obsèques de son frère. La justice de classe, c’est une vérité en France tant les moyens de se défendre sont différents selon son appartenance sociale.

          • Pour éclairer ce débat je vous renvoie à une intervention dans le journal Sud Ouest dimanche de ce 11 juin 2017. A la page 4, rubrique courrier de lecteurs une intervention sous le titre : »Justice d’opinion ? » signée René Robert, Aiguilhe (43) dont j’extraie.
            « Quand l’opinion publique est prise à témoin avant le déroulement des procédures régulières, l’image que les faits renvoient peut l’emporter sur leur réalité, avec un risque que la suspicion ne s’étende et que les aléas de la gestion des peurs n’enferment dans un délétère entre-soi. […] Une substitution du tribunal électoral à une instance judiciaire affaiblit la justice en tant que pouvoir fondateur de la République. Elle expose aussi à une prédominance de l’émotion, qui fragilise les droits de la défense. L’opinion se révèle en effet parfois influençable, versatile ou impatiente jusqu’à l’acharnement. Ses jugements deviennent alors plutôt incertains ».
            Ce texte qui doit se suffire à lui même apporte une réponse à ce débat. Personne ne peut se substituer à la justice. Il est dangereux de contester ses décisions.

  • Le Ministre de la Bonne Parole ne dit rien.
    La future rédactrice des lois ne dit rien.
    Les media locaux n’ont pas l’air de s’offusquer de cette situation.
    Désespérant !