Les vieux sont inquiets

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Ce 15 mars 2018 deux manifestations ont animé les rues de Pau. Le matin, les retraités regroupaient 1500 à 2000 personnes, l’après-midi les personnels des EHPAD (Établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes) rassemblaient, eux, environ 200 mécontents. Face à la baisse de leurs revenus et devant l’insuffisance des soins dans les « maisons de retraite », les vieux sont inquiets.
Il y a donc une relation entre ces deux revendications au point que certains du matin ont rejoint ceux de l’après-midi.
D’un côté les retraités après avoir constaté que l’augmentation de la CSG leur faisait perdre une partie de leurs revenus ont fait connaître leur colère. On aura beau leur dire qu’ils n’ont pas à se plaindre, que leur revenu moyen – 1376 € brut – les situe parmi les privilégiés et qu’ils gagnent plus que les actifs, ils sont persuadés d’être les victimes de la soif inextinguible des politiques pour trouver de nouvelles recettes fiscales. D’ailleurs la disparition de la taxe d’habitation entraînera forcément la création d’un nouvel impôt : « Toute réforme fiscale consiste à supprimer des impôts sur des choses qui étaient taxées depuis longtemps pour les remplacer par de nouveaux plus lourds sur des choses qui ne l’étaient pas. » (Henri Queuille)
La première conséquence est que cette mesure tend à opposer deux générations. Il s’agirait en augmentant la CSG des retraités, de favoriser l’emploi par la baisse des charges sociales pesant sur les entreprises. Dire que les cotisations effectuées durant leur vie active doit leur revenir lors de la retraite ne correspond pas à la réalité. Nous ne sommes pas dans un dispositif de capitalisation mais de redistribution. Le principe est celui de la solidarité entre les actifs et les retraités. Les sondages font ressortir que nul, dans notre pays, ne considère que les retraites sont trop élevées, sans doute parce que les actifs sont de futurs retraités.
Les moyens pour se faire entendre dont disposent ces derniers sont plus importants qu’on ne l’admet. Ils ne peuvent faire grève, évidemment. Si cela était possible, quelle forme prendrait cette grève ? Ils consommeraient moins, moins de loisirs par exemple ; ils refuseraient de garder leurs petits enfants ; ils renonceraient à leur implication dans le tissu associatif, lequel serait alors privé du plus grand nombre de ses bénévoles ; ils n’accompagneraient plus un parent en grande difficulté, question d’affect. Cependant ils votent et représentent, en pourcentage, le plus grand nombre d’électeurs qui s’expriment, là se trouve sans doute leur arme principale. Alors leur demander un effort pour faire diminuer le chômage pourquoi pas, mais attention ! il ne faut pas se tromper et le résultat devra être au rendez-vous… C’est là qu’il faudra assumer.
Les revendications des employés des EHPAD pour être différentes, concernent également le troisième (ou quatrième) âge. Ils considèrent ne pas être assez nombreux pour faire face au travail qu’il leur est demandé. Il disent ne pas disposer de moyens suffisants pour apporter des soins indispensables aux pensionnaires dont ils ont la charge. Il faut connaître la détresse des aidants face à des maladies dégénératives pour comprendre l’implication et la disponibilité que cela exige et ne surtout pas considérer qu’ils se plaignent sans raison. Demain peut-être, l’un ou l’autre d’entre nous finira ses jours dans un établissement de cette nature.
Alors au delà de ces mécontentements il devient nécessaire de réfléchir à la problématique du regard sur les aînés. On parle de tsunami gériatrique. Mais on a le droit de vieillir. Une société doit prendre en compte toutes les fragilités.

Pau, le 22 mars 2018

par Joël Braud

Crédit photo : Ouest-France.fr

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9 commentaires

  • . « On livre toujours la moyenne arithmétique; elle fausse la transparence car il suffit que les extrêmes dans la richesse ou la pauvreté augmentent considérablement pour que la moyenne se déplace à droite ou à gauche, l’enrichissement ou l’appauvrissement est donc relatif et non réel. Tout dépend aussi des choix des revenus comptabilisés. De qui à qui comptabilise-t-on? »
    C’est pourquoi on utilise la MEDIANE.

  • «On aura beau leur dire qu’ils n’ont pas à se plaindre, que leur revenu moyen – 1376 € brut – les situe parmi les privilégiés et qu’ils gagnent plus que les actifs,»
    «Le principe est celui de la solidarité entre les actifs et les retraités.»
    Effectivement, soit par copiage, soit par manque de réflexion, soit par position politique, on voit fleurir, dans les médias, le principe que les retraités gagnent plus que les actifs et qu’il est normal qu’ils participent à la cohésion générationnelle!!!
    C’est une fausse information, il faut comparer ce qui est comparable.
    1°) Entre la retraite d’un haut fonctionnaire, d’un patron ou cadre d’une entreprise du CAC 40….et le salaire d’une caissière chez Auchan ou d’un instituteur du public, c’est exact. Entre le salaire d’un policier ou d’une infirmière et le montant de sa retraite cela n’a rien à voir!
    2°)Solidarité entre les actifs et les retraités, parlons en avec les présents du classement Forbes, les vrais privilégiés en somme!
    3°)Les retraités disposeraient de revenus permettant de vivre plus confortablement que ceux qui travaillent, assure le Conseil d’orientation des retraites dans un rapport.
    Là encore, rien à voir! Qu’est-ce qu’une vie confortable? Elle est complètement différente pour un actif et un sénior. L’un a des contraintes professionnelles, familiales, l’autre des contraintes de santé, d’isolement allant jusqu’à l’abandon.
    4°) Les séniors auraient des revenus en dehors de leur retraite, ce que n’ont pas les actifs.
    D’abord, ce n’est pas général, en plus n’est-il pas normal qu’après une vie de travail, non encore vécue par les actifs, il y ait un peu d’argent en prévision des vieux jours. Je n’appelle pas cela un privilège!!! Pourquoi devraient-ils donner ce principe de précaution a des entreprises qui le donneront à des actionnaires?
    5°)Une remarque est à faire, basée sur la méthode de calcul utilisée. On livre toujours la moyenne arithmétique; elle fausse la transparence car il suffit que les extrêmes dans la richesse ou la pauvreté augmentent considérablement pour que la moyenne se déplace à droite ou à gauche, l’enrichissement ou l’appauvrissement est donc relatif et non réel. Tout dépend aussi des choix des revenus comptabilisés. De qui à qui comptabilise-t-on?
    D’autre part, on est retraité depuis la cessation d’activité rémunérée jusqu’à la mort; c’est la seule garantie «d’emploi», elle est toujours en CDD! On peut parler de jouissance réelle pendant quelques années pour ceux qui ne sont pas morts avant ou peu après; pour ceux qui ont «le privilège» de survivre, croyez moi ce n’est pas toujours «un privilège»physique, physiologique, affectif!!!
    Pourquoi n’utilise-t-on pas «la valeur modale»ou valeur la plus fréquente au sein de la population? Elle serait plus significative de la répartition des «privilèges»!
    Donc il est faux de dire qu’un actif qui travaille gagne moins qu’un retraité, s’il est normal que la solidarité fonctionne, ce serait plutôt dans l’autre sens! (SDF, chômeurs, utilisateurs des resto du cœur, du secours catholique..)

    • Quel long discours alambiqué pour éviter d’admettre ce que toutes les stats montrent : oui, les retraités ont actuellement en France des revenus supérieurs à ceux des actifs, qu’on prenne les moyennes, les médianes, ou ce que vous voulez.
      Du coup vous n’argumentez pas là où il faut argumenter : l’écart est faible (une poignée de %) et ne justifie pas qu’on montre du doigt les retraités et qu’on les ponctionne, et surtout cet écart est très conjoncturel. Il y a 20 ans les retraités avaient des revenus significativement inférieurs à ceux des actifs, et les prospectives montrent que dans une dizaine d’année ce sera à nouveau le cas (tout simplement parce que ceux qui partent à la retraite actuellement le font dans de moins bonnes conditions qu’il y a 15 ans).

      • Dire que « les retraités sont montrés du doigt » ressemble plus à un slogan qu’à une réalité.
        Si les retraités partent dans de moins bonnes conditions qu’il y a 15 ans. En est-il de même pour les ménages de retraités ? Le nombre de femmes au foyer doit continuer à diminuer.

        • Le gouvernement est dans une campagne de communication pour justifier l’alourdissement de la taxation des retraités, parce qu’ils ont un meilleur niveau de vie que les actifs : c’est bien la réalité, non ?

      • Ainsi, vous trouvez mon texte «alambiqué». en voici un autre sans doute!
        Au sens figuré, je le regrette vraiment.
        Au sens originel, beaucoup moins, car l’alambic distille et sépare des substances. C’est justement ce que je souhaitais faire pour bien expliciter mon ressenti sur ce sujet, déformation professionnelle.
        Le bilan est que je n’ai rien à changer, «j’assume», comme dit bien plus grand que moi!
        En ce qui concerne vos propos, je ne suis pas d’accord sur plusieurs points:
        +«oui, les retraités ont actuellement en France des revenus supérieurs à ceux des actifs» dîtes-vous.
        Absolument pas, vous utilisez, comme les autres, un jeu de mots; un retraité n’a jamais eu un revenu supérieur à son état d’actif!
        Si on compare, comme je le disais, des retraités différents et des actifs différents, cela n’a aucun sens, c’est ce que font les statistiques.
        A propos des statistiques dont vous semblez avoir entière confiance, je ne vous citerai pas les nombreux avis portant sur l’intérêt et la valeur des statistiques ainsi que la valeur des chiffres, vous devez les connaître.
        Alors, je ne m’associe absolument pas au raisonnement qui consiste à justifier les résultats par «ce que toutes les stats montrent»
        Elles ne montrent rien du tout, ou plutôt elles montrent ce qu’on a envie qu’elles montrent!
        Dernièrement le mathématicien français Nicolas Gauvrit, dans l’un de ses livres récemment réédité; «Statistiques: méfiez-vous!» (Ellipses poche) prétend qu’on peut faire dire aux chiffres ce qu’on veut.
        Éliminons, si vous le souhaitez, « les moyennes, les médianes, ou ce que vous voulez», le problème des retraités n’est plus alors axé sur du quantitatif mais du qualitatif, une valeur incontournable pour apprécier le sort des actifs et des retraités.
        Actuellement le travail est vénéré, ceux qui ne produisent pas ou plus sont inutiles. Or, la souffrance sociale d’une grande partie des séniors est indexée à la dignité, l’humiliation, le dédain, la solitude ou l’exclusion, autant de plaies qui ne sont pas mesurables et qui ne sont pas prises en considération dans la gestion du mode de vie apprécié par l’administratif, le politique et certains.
        Combien d’actifs à «bas revenu», comme on dit, souhaiteraient prendre la place des retraités à «hauts revenus» de 70 ans et plus? La retraite actuelle étant actuellement de 62 ans, pas pour longtemps sans doute, admettons le privilège de pouvoir enrichir les agences de voyages, donc l’économie, en période creuse, et aider sa progéniture, mais pendant un très petit nombre d’années.

        • Je résume en deux points :
          – les stats je m’en fous
          – il vaut mieux avoir 20 ans que 70 ans (certes)

        • « un jeu de mots; un retraité n’a jamais eu un revenu supérieur à son état d’actif! »
          En fait oui Georges.
          Car 70% des retraités sont propriétaires de leur logement, ce qui correspond à un pouvoir d’achat réel plus élevé que ceux des actifs qui louent ou qui remboursent des emprunts…
          Ceci dit, il est quand même bien logique d’être plus riche à 65 ans qu’a 25 ans…
          Et ce n’est pas une injustice…
          Et on peut bien payer qqs points de CSG d’autant que cela ne touche pas les plus mal lotis.

          • Que les retraités soient largement plus souvent propriétaires que locataires, cela ne m’étonne pas. Ils ont eu le temps et un emploi en général régulier et stable pendant les 30 glorieuses permettant de s’engager dans des emprunts à taux souvent élevés, bien plus que maintenant. Ils n’en sont pas responsables!
            Les actifs actuels sont confrontés à une toute autre réalité; les emplois sont surtout en CDD et ils sont obligés de changer de logement souvent.
            De plus en plus, les compétences s’expatrient puis reviennent, il y a là une bonne raison de ne pas s’engager dans l’achat d’un logement dont les contraintes d’entretien et la fiscalité, associées à celles de la vente puis de l’achat, ne garantissent pas un véritable bénéfice et assurent une perte de temps considérable.
            Le fait de ne pas être propriétaire n’est pas pour beaucoup de jeunes et d’actifs diplômés une question d’argent, ils auraient largement de quoi faire des achats avec les taux très bas qui existent et les durées consenties. C ‘est une pure adaptation au mode de vie actuel!
            Il y a aussi ceux dont les emplois précaires et peu payés, obligés de partir souvent à de longues distances, ne permettent pas de s’engager dans des paiements importants.
            D’autre part, ce n’est pas négligeable non plus, les couples de maintenant, bien plus qu’avant, «suivent l’évolution de l’emploi!!!!», les mœurs ont changé, on vit ensemble un temps, on se sépare parfois par incompatibilité, parfois par la rencontre de nouvelles opportunités lors d’une mutation à l’autre bout de la France ou à l’étranger! L’individualisme règne en maître. Dans une classe à côté de chez moi un enfant seulement vivait dans une famille non recomposée ou monoparentale. La question de l’achat d’un logement est compromise.
            Voyez-vous, je veux bien que les retraités aient plus de pouvoir d’achat car ils sont propriétaires mais en comparant ce qui est comparable, dans la société actuelle!
            Il y a aussi quelque chose de choquant, pour ne pas dire plus, quand on considère comme normal qu’un retraité paye quelques points de CSG en plus alors qu’on ne fait pas participer les revenus insolents de beaucoup!