Le Hédas, cœur de la béarnitude ? Praubë Biar !
1 – Une initiative culturelle de M. Bayrou
La République / L’Éclair d’avant-hier mardi, reçus hier, m’ont fait découvrir le projet grandiose de M. Bayrou, avec pour titre Le Hédas, futur cœur battant du Béarnais. Je joins cette page pour ceux qui ne l’auraient pas lue. On peut aussi se reporter à l’article correspondant sur Internet : http://www.larepubliquedespyrenees.fr/2018/07/09/pau-le-quartier-du-hedas-futur-coeur-battant-de-la-culture-bearnaise,2382285.php.
D’emblée, on redécouvre l’irrésolution (tactique ?) de M. Bayrou, qui, 25 ans après le Proclam de Pau, est toujours incapable de trancher entre les trois noms de béarnais, gascon et occitan. D’où le commentaire du journaliste :
Occitan, béarnais, gascon : la bisbille dessert la langue ?
Si Bayrou répète que « l’ensemble des acteurs du monde culturel béarnais, gascon et occitan » s’est retrouvé autour de ce projet « partagé », il confie que l’élaboration s’est jouée depuis un an et demi, dans la « discrétion, pour éviter les surenchères, spéculations et bêtises des esprits partisans ».
« J’espère convaincre de bonne foi, quel que soi [sic] le nom qu’on lui donne et la manière de l’écrire, c’est la même langue, la même culture. Il faut se battre ensemble pour la défendre. On verra comment on la nomme, je voudrais d’abord qu’on la parle, même sans en connaître les règles et les nuances ». On imagine les puristes s’étrangler
Au demeurant, la même nouvelle distillée deux jours avant avait le mérite de la franchise : http://www.larepubliquedespyrenees.fr/2018/07/07/le-quartier-du-hedas-a-pau-future-capitale-de-l-occitan,2381175.php : Le quartier du Hédas, future capitale de l’occitan.
Féru de ma « bêtise d’esprit partisan », je réagis, tant que les nouveaux démocrates ne m’auront pas réduit au silence.
2 – Et d’abord, un rappel historique
M. Bayrou s’étant affiché comme historien avec son Henri IV, le roi libre (1993), sans doute appréciera-t-il les informations qui suivent et qu’il n’a sans doute pas eu le temps de chercher par lui-même pour lever ses doutes, à partir de certitudes bien établies :
– la première mention du mot gascon pour nommer cette langue est dans un acte notarié du 29 novembre 1313, conservé aux Archives de Navarre à Pampelune et concernant un moulin à La Bastide-Clairence ; alors que les Leys d’amors publiées à Toulouse en 1356 n’auront aucun nom propre pour désigner leur langue, dite banalement « notre roman » ;
– en visite chez Gaston Fébus à Orthez de fin novembre 1388 à février 1389, Froissart n’a que « gascon » pour nommer la langue de Fébus lorsqu’il ne s’exprime pas en français ;
– la variété gasconne parlée en Béarn est nommée pour la première fois « bearnes » dans une délibération des États du 1er mars 1533, en réaction à la lettre écrite en français par laquelle le roi Henri II accrédite l’évêque de Rodez pour les présider en son nom : les États protestent et prient l’évêque d’en autoriser la traduction en bearnes avant de les insérer dans les registres (A. D. Pyr.-Atl. C. 681, f°. 92 r°) ;
– en juin 1967, le premier numéro de la revue Per nouste de l’association béarnaise de même nom qui vient de naître s’affiche par ces mots :
Et le numéro s’ouvre par un éditorial « Qui sommes-nous ? », signé par « L’Équipe de “PER NOUSTE” ». La nouvelle association se déclare « Section départementale de l’I.E.O » et précise aussitôt : « Son seul but : Faire connaitre par l’enseignement et l’Action populaire la langue et la civilisation d’Oc : pour nous, le Gascon et le Béarnais. ».
En 1977, Michel Grosclaude, « Membre de l’Association PER NOSTE », publie chez l’éditeur Omnivox une méthode d’enseignement du gascon avec disques d’accompagnement, Lo gascon lèu e plan. Le Pr. Pierre Bec, président de l’I.E.O., en écrit la Préface qui débute ainsi : « Après l’Occitan lèu-lèu e plan, de Gaston BAZALGUES, qui a ouvert la présente collection, voici maintenant son pendant gascon : Lo Gascon lèu e plan, de Michel GROSCLAUDE. » On ne peut dire plus clairement que l’Occitan et le Gascon ne sont pas la même chose !
Notre passé, c’est cela : une langue nommée « gascon » depuis plus de 700 ans, ou encore « béarnais » en ne considérant que les variétés parlées (naguère…) sur le territoire de l’ancienne province de Béarn.
3 – Hic et nunc : choisir et le dire honnêtement
Mais il est permis d’avoir en vue l’avenir qu’envisageait le Pr. Patrick Sauzet dans l’éditorial du n° 11 d’octobre 1998 du bulletin Institut occitan : « …l’occitanisme est difficile parce que ce n’est pas un retour, une régression, mais un projet. C’est parce qu’il n’y a jamais eu d’Occitanie qu’il est intéressant de la faire. Sans la vue large de l’espace occitan, nous ne sommes que des patoisants. » Si tel est le but poursuivi par M. Bayrou, la moindre des honnêtetés est de le dire haut et fort.
Mais s’il est sincère dans son attachement à l’héritage béarnais comme à la mémoire d’Henri IV, alors, qu’il dise haut et clair que la langue romane autochtone des Pyrénées-Atlantiques — qu’il présida — a pour nom « gascon » et que ses variétés de l’ancien Béarn ont légitimement le droit de se nommer « béarnais ». Et laisser l’occitan aux terres de l’ancien Languedoc, terme que le Moye âge avait latinisé en Occitania.
4 – Questions concrètes autour du Hédas
Cette langue gasconne et béarnaise étant l’âme de notre identité culturelle, je suis stupéfait de constater le silence total fait sur le du sens du mot Hédas, nom d’un maigre affluent du Gave qui servit longtemps d’égout du centre de Pau. J’en appelle à trois grands lexicographes dont la connaissance est indispensable pour qui veut garder notre culture :
Frédéric Mistral, Lou Tresor dóu Felibrige, t. II, 1886
HEDAS, s. m. Le Hédas, égout qui passe à Pau, v. merdari.
Ce mot, comme le mot hedulh, a pour radical le rom. fet, fétide, lat. fœtidus.
HEDULH, s. m. Odeur fétide, en Guienne, v. pudentour. R. (rom. fet, fétide).
MERDARI, MARDARI (a.), MERDARIC (l.), (rom. Mardaric), s. m. Torrent qui sert d’égout à une localité : le Merdari, à Saint-Péray (Drôme) ; le Merderie, à Orange ; le Mardaric, à Digne ; le Maldaric, affluent du Payré (Ardèche) ; le Médéric, à Thueyts (Ardèche), v. remerdié ; […]
Vastin Lespy, Dictionnaire béarnais ancien et moderne, 1887
Fetor, infection : Fetor deus retreyts. arch. L’infection des latrines. — Lat. « fœtor. ». [En l’écrivant en minuscules, Lespy classe Fetor comme de l’ancienne langue.]
HEDE (Aspe), HEDI, puer. — Lat. « fœtere. »
HEDIENT, qui sent mauvais, fétide.
HEDOU (Aspe), mauvaise odeur, puanteur, infection. — Voy. Fetor.
HEDOUS, , fétide, infect.
HEDOUSAMENT, « puamment », avec puanteur.
Simin Palay, Dictionnaire du béarnais et du gascon modernes, 3ème éd., 1980
hedà,-dì; v. — Puer (vieux). Le Hédas, ruisseau de Pau.
hédẹ,-dì (As. Bar.). — C. hedà.
hedién,-te, hedoùs,-e; adj. — Puant,-e, fétide.
hedoù; sf. — Fétidité, odeur puante.
hedoùs,-e. — V. hedién.
hedousamén; adv. — D’une manière fétide.
hedùlh (L.); sm. — C. hedoù.
Autrement dit, lou Hedas que put ! (Le Hédas pue !) Tout un symbole !
Accessoirement, si Récaborde évoque pour moi un collègue cheminot de ma mère dans les années 1940 et l’abbé Robert Récaborde († 1998), son fils si je ne me trompe, c’est le rugbyman et résistant François Récaborde (1902-1951) qui a donné son nom à la place Récaborde du quartier du Hédas. Mais sait-on qu’il s’agit d’un patronyme basque et non béarnais ou gascon : « l’étymologie de ce nom provient de l’agglutination des mots erreka borda qui signifie : la grange du ruisseau ou du ravin ; ce patronyme précise la localisation de la demeure ancestrale. »
5 – … et questions sur l’« association de préfiguration »
À lire les articles de presse déjà cités, M. Bayrou a tiré de son chapeau une « association de préfiguration » dénommée La Ciutat, avec pour président M. Jacques Roth assisté par trois vices-présidents, MM. Vincenç Javaloyès et Jean-Loup Fricker et Mme Claudie Monin plus un membre sans fonctions précises, M. Jérémie Bazet. Belle armée mexicaine, avec probablement à la clé de substantielles “indemnités” payées par le contribuable…
On n’en sait pas plus, mais il est probable que c’est le résultat de manœuvres secrètes menées, dans la « discrétion, pour éviter les surenchères, spéculations et bêtises des esprits partisans » (je cite M. Bayrou d’après le journal). Comme par hasard, sur cinq personnes nommées, trois au moins sont connues pour leur liens avec l’occitanisme.
Et si je me réfère au livre de l’occitaniste Michel Grosclaude, Dictionnaire étymologique des noms de famille gascons (1992), seul M. Bazet a un nom gascon, localisé en Bigorre.
Que voilà des gens qualifiés pour défendre l’authentique culture du Béarn ! Et pour se faire une idée de ce que peut penser M. Javaloyès des autochtones béarnais et de leur attachement à leur culture, je mets en Annexe un billet publié par son père en 2004…
Finalement, qu’il s’agisse de la méthode ou de l’impartialité, cela donne une idée de ce que parait être la démocratie pour le président du « Mouvement Démocrate », dit MODEM.
12 juillet 2018
par Jean Lafitte
L’exemple catalan est le parfait repoussoir : au début il ne s’agit que de défendre la langue et la culture locale, puis petit à petit on instaure le bilinguisme obligatoire, ensuite on marginalise la langue nationale (en Catalogne il est devenu quasiment impossible de suivre un enseignement en castillan dans le public) : la stratégie indépendantiste a parfaitement fonctionné. Il y a toujours un projet politique derrière les tentatives de faire renaître une langue, ce n’est pas juste pour la beauté du geste.
Tout à fait d’accord, la Corse est dans la trajectoire et nombre d’occitans y pensent. C’est ce que j’ai écrit plus loin :
« Derrière certains de ces défenseurs de langues disparues se dissimulent des visées politiques bien connues et incompatibles avec l’évolution de notre monde.
Il est d’ailleurs étonnant que le débat ne soit pas sur ce terrain, l’article y incitait. »
Si problème politique il y a c’ est que les Etats sont faibles sur les positions qu’ ils doivent défendre en démocratie. On l’ a bien vu en Espagne avec le problème Catalan.
Si Rajoy avait été fort le résultat aurait sûrement été différent. Si un problème linguistique débouche sur un problème politique c’ est qu’ il y a avant tout un gros problème politique.
Je ne crois pas que les états soient faibles; ils sont le résultat d’une longue histoire. La Nation française est le fruit d’un État tout d’abord féodal, monarchique, puis révolutionnaire, quoi que précaire (de 1789 à1799, année du coup d’état du 18 brumaire du futur empereur des Français, Napoléon Bonaparte, corse, parlant le corse avec sa mère et ses frères qui a tout fait pour éradiquer sa langue maternelle), puis encore monarchique, républicain après la Révolution de 1848, impérial encore après le coup d’Etat de décembre 1851 fomenté et réussi par Louis Napoléon-Bonaparte, neveu du 1er Bonaparte, puis enfin républicain après 1875 (la III ème république) qui fut hélas sous influence, faut-il le préciser, du bonapartisme ambiant, que le gaullisme après le coup d’État de mai 1958, a repris à son compte.
L’axiome monarchique français qui voulait qu’il y eut qu’un seul Dieu, donc qu’une seule religion, un seul roi, un seul peuple et enfin une seule langue, a été repris in extenso par les révolutionnaires jacobins qui éliminèrent par une justice expéditive, l’emprisonnement ou la déportation son opposition girondine qui désirait la continuation de la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 qu’il nous faudrait honorer plus que la prise de la Bastille, ce me semble.
Il n’est pas étonnant que nos républicains de la I ère, IIème, IIIème, IVème et Vème République jusqu’à nos jours, Macron est la pâle copie de Charles de Gaulle (qui avait une autre stature et qui fut éliminé car il voulait justement réformer cet état qu’il trouvait anormalement centralisé), aient conçu la langue française comme la seule langue qui pouvait dire la République et ses valeurs. Aujourd’hui encore, je constate que l’universalité des principes républicains est entachée de cette forte contradiction.
En ce qui concerne l’état espagnol, c’est l’histoire de l’Espagne qui l’a modelé. Elle a toujours été celle des « Espagnes » et non de l’Espagne. Prenons simplement l’exemple catalan ou basque : seule la période dictatoriale et répressive franquiste a cadenassé la volonté de parler, d’écrire de créer dans leur langue historique des citoyens espagnols d’Euskadi, de Catalogne, de Galice voire des Aragonais qui possèdent une vieille langue pyrénéenne très proche du gascon méridional ou béarnais.
La Constitution de 1978 pris acte de cette longue histoire pour octroyer à ces provinces des droits linguistiques très importants que le franquisme avait brutalement supprimés. La Catalogne a toujours eu une forte autonomie politique, fiscale, juridique et linguistique, et ceci depuis le haut moyen-âge. Comme notre Béarn qui garda sa souveraineté et sa langue littéraire et administrative jusqu’en 1793. Peu de Béarnais le savent, l’ignorent. Je ne leur fais pas reproche, mais l’histoire éclaire d’un autre jour notre présent.
Vous avez raison, mais qui le sait ? Qui le dit ? Les Français dont je fais partie ont une peur parfois panique devant le bilinguisme quelle que soit la langue apprise en second. Il s’y voient hélas un danger qui pourrait menacer la langue française. La France et son système éducatif, exception faite des grandes écoles (Normale Sup, etc.) ne sait pas appréhender cette problématique. Il est vrai que nos chers compatriotes sont d’une arrogance délétère à l’étranger; ils se pensent encore représentants privilégiés d’un Empire qui pourtant n’est plus. Je vous remercie de votre clairvoyance et votre franchise.
Ce que vous dites de la Catalogne relève sans doute de l’ignorance. Le système scolaire géré par région autonome catalane, depuis l’adoption de la Constitution de 1978 instaurant un bilinguisme effectif pour les régions historiques possédant une langue autochtone, Pays-Basque, Navarre, Galice, Catalogne — provinces qui avaient subi et souffert de la répression linguistique monolingue et dictatorial franquiste—, possède trois filières : A,B, et C. comme au Pays-Basque et en Navarre. A est le système immersif où la langue espagnole est présente (grosso modo 20%). Tous les élèves sortis de ce système sont totalement bilingues; B, le système bilingue à parité horaire (50 % pour chaque langue concernée) et enfin le système C. où la langue espagnole est majoritairement enseignée à l’instar du système A pour le catalan avec une partie en catalan.
Ces trois systèmes cohabitent depuis 1978. Hélas, les derniers soubresauts voyant les indépendantistes catalans, le référendum réprimé sans ménagement par la police espagnole (voir pour ce faire les reportages des télévisions anglaises, allemandes, etc.), les élections gagnées, l’arrestation pour le moins contestable des dirigeants de la Generalitat de Catalunya ont de facto exacerbé les points de vue des uns et des autres. La droite espagnole, Partido Popular, gangréné par une corruption incroyable et ses alliés Ciutadanos et Parti Socialiste Ouvrier Espagnol contrôlant d’une façon unilatérale les moyens de communication (les chaînes de télévision, les grands quotidiens nationaux dont El Païs, les radios, etc.), ont développé tout un argumentaire sur l’enseignement de l’espagnol qui serait dangereusement menacé par l’enseignement du catalan.
C’était et c’est encore un lamentable mensonge. En effet, la réalité est autre : le nombre de plaintes de parents concernant les difficultés qu’ils rencontraient pour que leurs enfants puissent apprendre uniquement le castillan, ne dépasse pas le nombre de doigts de ma main. Un seul exemple a été monté en épingle, et voilà que toute la presse y compris la correspondante du Monde, est tombée dans le panneau de la manipulation. Toutes les études réalisées dans les autonomies où l’enseignement est bilingue, selon le mode des trois filières, démontrent, s’il en est, que l’intégralité des enfants entrant dans les universités d’État ou autonomes, sont totalement bilingues. Il ne peut pas en être autrement.
Comment voulez-vous que les dirigeants catalans qui sont pour la plupart d’entre eux trilingues voire quadrilingues (comme ceux du Val d’Aran où l’occitan aranais est reconnu par la Generalitat de Catalunya) puissent prendre le risque de voir des générations entières ignorer la langue de Cervantès ou de Javier Marías (cet immense écrivain espagnol) ? Tout discours sur la Catalogne est désormais piégé, il est sous-tendu par une idéologie inconsciente ou délibérée. Le Partido Popular et plus encore Ciutadanos, parti bonpartiste mène une guerre idéologique contre les indépendantistes catalans qu’ils leur rendent bien. Fait nouveau, le PSOE de Sanchez, le nouveau chef du gouvernement espagnol, semble vouloir aller à la négociation avec les dirigeants catalans appliquant enfin le principe de réalité. Nul ne veut aller à de nouvelles élections en Catalogne qui verraient sans nul doute une victoire plus importante des catalanistes, réponse du berger à la bergère, après toutes les erreurs commises par Madrid; tout particulièrement l’abrogation de la modification constitutionnelle par la majorité de Rajoy que José Luis Zapatero, chef du gouvernement espagnol, issu du PSOE, avait fait voter par les deux chambres et par le parlement catalans en 2005.
Enfin, le problème catalan est vieux comme l’histoire de l’Espagne.
Le dernier épisode sanglant fut la répression des troupes franquistes et du régime militaro-catholique de Francisco Franco, après la prise de Barcelone le 26 janvier 1939. Les conséquences de la la répression linguistique pendant plus de quarante ans furent terribles dans la population catalane et elles continuent à nourrir un vrai et douloureux ressentiment chez les citoyens catalans.
C’ est bien un problème politique et même très ancien, comme vous le démontrez bien mieux que moi, qui a provoqué la crise catalane. Pour moi si Rajoy avait été fort et assuré d’ un soutient de la part de sa majorité l’ affaire aurait été traitée différemment. Il y aurait eu ouverture de négociations et non une situation de blocage.
Dommage qu’ au sein de l’ Europe qui reconnait la différence linguistique il n’ y ait pas eu une volonté forte de le résoudre, car plus il y aura anglicanisme des langues, plus il y aura de résistance de la part des minorités linguistiques. Les problèmes ne font que commencer suite au problème Catalan, qui a été révélateur.
Discours lénifiant… Le fait qu’il existe sur le principe 3 filières avec des proportions plus ou moins importantes de castillan ne dit rien sur la disponibilité réelle d’établissements avec 50% de castillan ou plus. Et il n’y a tout de même pas que Le Monde qui a écrit sur le sujet, le même constat a été fait par de nombreux medias, qui ne sont pas tous à la solde Madrid ou fainéants pour ne faire que reprendre des dépêches AFP.
De toutes façons il est totalement anormal que des écoles puissent n’utiliser la langue nationale que de façon minoritaire, comme si c’était une langue étrangère. Et on est arrivé à une situation où il est de fait obligatoire de parler catalan pour vivre et travailler en Catalogne, érigeant de fait une barrière à la mobilité pour les non-catalans. Je n’ai envie de vivre dans un pays où demain il faudrait obligatoirement parler béarnais pour travailler à Pau, alsacien pour travailler à Strasbourg, etc.
Non, Monsieur Lacanette, vous vous trompez, je connais, comme écrivain, traducteur et tout simplement résident la Catalogne depuis 1971, et je peux vous dire que le regard que portent les médias français, exception faite de Libération ou du Monde parfois, dont vous me parlez, est notablement parasité par la projection trop souvent inconsciente qu’ils effectuent sur la valeur suprême du monolinguisme franco-français ou la dangerosité du bilinguisme avec une langue de France, en France (c’est ainsi que la Délégation Générale à la Langue Française et aux Langues de France, au Ministère de la Culture et de la Communication, les dénomment, depuis le gouvernement Jospin ; elles sont par ailleurs reconnues par l’article 75 de la Constitution Française comme faisant partie du patrimoine de la Nation).
La langue française est en effet, pour nombre de Français mal informés ou idéologiquement malhonnêtes — exception faite des élites françaises qui savent combien le bilinguisme français-anglais, allemand, espagnol, russe ou chinois est une opportunité à ne pas manquer pour leur progéniture : pour ce faire, relisez, si vous le pouvez, La Noblesse d’Etat de Pierre Bourdieu —, l’alpha et l’oméga de la réussite sociale.Ils le croient et vont même jusqu’à une forme hystérique de nationalisme que j’ai toujours trouvé infantile. Il faut le dire, la France fait hélas exception en Europe et dans le Monde. Partout en Europe occidentale, le bilinguisme avec les langues autochtones fait florés et n’est pas considéré comme ringard, inutile.
Ce regard trop souvent caricatural et lacunaire ne prend pas en compte la réalité complexe de la Catalogne. La langue espagnole y est parlé par la grande majorité des Catalans, et je peux vous dire qu’il ne viendrait pas à l’idée des élites catalanes de ne pas la faire apprendre à leurs enfants, de la parler, de l’écrire, de l’étudier. Les programmes des collèges et lycées comportent toute la littérature espagnole du siècle d’or jusqu’à la génération de 1898, et bien sûr la période contemporaine.
S’il est vrai que toute société, la nôtre y compris, produit inexorablement de la xénophobie, de l’intolérance voire du racisme, je ne sais pas que la Catalogne soit devenu subepticement le pays le plus caractéristique en la matière. Je crains fort que la France, l’Angleterre depuis le Brexit (les preuves s’accumulent), l’Autriche et l’Italie récemment en sont pour le moins de malheureux exemples.
Le conflit entre Madrid et Barcelone date déjà du XIII ème siècle ; la guerre de succession d’Espagne aux premiers temps du XVII ème siècle qui a vu écrasée la Catalogne par les armées des Bourbons (los Fueros accordées depuis le XIII ème siècle furent alors supprimés) n’a fait qu’exacerber ce conflit. N’oubliez pas que le capitalisme moderne a vu le jour en Catalogne (relire la thèse de Pierre Vilar sur la naissance du capitalisme en Catalogne) alors que la politique de la monarchie espagnole en était encore au vieux monétarisme alimenté par l’or des Incas, c’est à dire à la gestion d’un immobilité qui ne profitaient qu’aux grands d’Espagne. Les élites madrilènes ont toujours cordialement détesté les élites barcelonaises.
Enfin, une preuve supplémentaire : une des causes et raisons de la guerre d’Espagne fut incontestablement l’émancipation de la Catalogne républicaine octroyée par el Frente Popular. Les quatre généraux, dont trois se réclamaient du fascisme de Primo de Rivera — Franco se méfiait de ses acolytes qui moururent par le plus grand des hasards dans un accident d’avion — se réunirent quelques mois avant El Golpe d e uillet 1936, à Burgos, dans le fameux couvent où sont ensevelis Isabel et Fernado, pour déclarer l’España una, grande y libre. Tout un symbole !
Le golpe de Tejero avait les mêmes justifications. Je regrette que les commentateurs divers et variés de la situation politique française soient si piètres connaisseurs de l’Espagne. Ils deviennent les ventriloques d’une histoire tronquée, falsifiée, mensongère.
Oui oui, on sait que seuls les Catalans ont souffert du fascisme, et pas du tout les autres Espagnols… On sait aussi qu’il n’y a eu aucun fasciste catalan.
Mais le texte suivant vous dit-il quelque chose ? Ce n’est pas dans un journal français qui ne comprend rien à la Catalogne, c’est dans les documents officiels de la Généralité catalane :
« El model lingüístic de l’escola catalana, ratificat per l’Estatut d’Autonomia del 2006 i la Llei d’educació de Catalunya (2009), estableix el català com la llengua vehicular de
l’aprenentatge, instrument referencial i preeminent, i element clau per a l’equitat i la cohesió socials. »
Transposé chez nous cela donnerait : « Le modèle linguistisque de l’école occitane, ratifié par le statut d’autonomie de 2030 et la loi d’éducation d’Occitanie (2035), établit l’occitan comme la langue véhiculaire de l’apprentissage, instrument de référence et prééminent, et élément clé pour l’équition et la cohésion sociale ».
Bien que le castillan soit en théorie langue co-officielle en Catalogne, vous ne pouvez pas nier que dans la pratique il est désormais traité comme une langue étrangère au même titre que l’anglais. Et cela dépasse évidemment l’école : pour vivre, travailler, étudier en Catalogne, il est quasi obligatoire de parler catalan. On a largement dépassé le stade de la sauvegarde d’une langue et d’une culture, on est dans l’aboutissement d’un projet politique nationaliste dont la langue a été l’instrument.
Ce que vous écrivez est factuellement vrai…mais c’est la Catalogne avec son histoire singulière dans le royaume espagnol. N’en faites surtout pas un élément de référence ici. Sur les 400 000 personnes qui vivent en Béarn, en dehors d’une poignée de « romantiques », souvent jeunes ‘( je l’ai été moi aussi) qui rêvent d’une sorte d »au-delà linguistique, vous n’en trouverez aucun qui pense véritablement à un gascon qui serait dominant par rapport au français….nous n en sommes plus là depuis longtemps. Même du temps , au XVIIIème siècle où les délibérations du parlement de Navarre étaient rédigées en Béarnais, personne n’envisageait sérieusement que le Français ne soit pas la langue de communication du Royaume.
Alors n’utilisons pas les « turpitudes catalanes » pour justifier les turpitudes des « serial killer » des identités locales. Moi je ne trouve dans l’expérience catalane qu’une chose positive c’est de clouer le bec à ceux qui associent l’usage ou l’enseignement d’une langue locale au passéisme ou à la régression….pourquoi pas à l’obscurantisme….Et si les obscurantistes n’étaient pas ceux que l’on pense ?
Réponse à Joseph.
Où avez-vous lu que j’allais (au galop) instrumentaliser la situation catalane pour en faire un modèle — que l’on penserait idéal, comme hélas tous les modèles politiques — pour le Béarn et la Gascogne. Il faudrait être de ces illuminés, excités du bocal, qui prennent leurs désirs et fantasmes pour des réalités.
La Catalogne comme je l’ai écrit précédemment n’est en rien comparable à notre Béarn — d’aucuns penseront aux relations politico-économico-linguistiques qu’entretint jadis Fébus avec le Royaume d’Aragon, mais tout cela est bien loin maintenant.
L’occitanisme qui fut longtemps marqué par la théorie dite « lafontienne » du néocolonialisme intérieur qui lui même était inspiré par les ouvrages de Franz Fanon (Robert lafont, écrivain, poète, essayiste et linguiste de renom), s’est égarée voire bel et bien évanouie, depuis très longtemps. Depuis bientôt dix ans, il s’est converti au pragmatisme, à une réalité française qu’il ne fallait jamais prendre en compte pour des raisons idéologiques qui étaient prégnantes à l’époque.
Félix Castan, résistant, militant communiste, penseur et écrivain, fondateur en 1944 à Toulouse de l’Institut des Etudes Occitanes sous la président d' »honneur de Jean Cassou, commissaire de la République et la présidence d’honneur de Tristan Tzara (il fut un des mes amis et soutien) comme Bernard Manciet avaient eux dénoncé en 1984, cette dérive nationaliste qui ne pouvait que déboucher que sur une impasse.
Prenons simplement comme exemple le mouvement laïc des établissements Calandreta. Il est devenu, Dieu merci, un mouvement soudé autour de la langue (vous l’appellerez comme bon vous semble) et de la pédagogie Freinet qui permet aux enfants à tous les enfants quels que soient leur origine sociale, géographique d’apprendre la variante du gascon de l’endroit où se trouve l’établissement scolaire.
Le projet Calandreta avec ses trouvailles, ses avancées et ses défauts bien sûr, permet une intercompréhension entre les différents parlers, variantes de la langue d’oc. Les élèves béarnais, dès lors qu’ils maîtrisent lo « bearnés natre e blos/natre e blous » apprenent les autres formes territoriales de cette langue une et diverse, comme le disait Simin Palay, Miquèu de Camelat, Césaire Daugé, Julien Casabonne, etc. tous membres du félibrige gascon, à travers l’Escole Gastoû Febus// Escòla Gaston Febus. L’idéologie autonomiste ou indépendantiste qui imprégnait l’occitanisme des années 1970-1990 est aux derniers instants, car le monde a changé radicalement de paradigmes, que la sociologie des parents d’élèves a été totalement renouvelée et que le Béarn n’est plus ce qu’il a pu être naguère et jadis.
Donc, n’ayez crainte, le modèle catalan reste un rêve pour certains, fort minoritaires et un cauchemar pour d’autres qui le sont autant.
Hilh de pute, diu biben, Jean Claude, Marcellin de Lurbe et tant d’ autres n’ y reconnaissent plus les derniers enfants qui parlent encore le Béarnais. Rien de très bon pour l’ avenir de nôtre belle langue.
De toute façon, quand les costumes / cravates commencent à parler d’ une langue c’ est qu’ elle est pas loin de mourir . Ils ne sont là que pour en faire l’ éloge qui pourra rapporter quelques subsides arrachées à Paris ou plus à l’ Europe, mais en ayant mis l’ homélie funèbre dans la poche pour ne pas être pris de court.
La généralisation de l’ Anglais n’ est que l’ appauvrissement de la façon de penser.
Que l’ Anglais reste une langue d’ affaire dans un monde mondialisé est une chose, mais surtout que l’ on nous dise pas que parler le Béarnais ou l’ Occitant est une tare, bien au contraire. Si les petits Béarnais parlaient bien le Béarnais, ils feraient sûrement bien moins de fautes en Français et auraient bien plus d’ atouts pour apprendre l’ Anglais.
Il est prouvé que les bilinguistes et plus pour ceux qui ont la change dans ce domaine, ont des analyses intellectuelles plus développées. C’ est vers cela qu’ il faut tendre et non vers l’ uniformisation. Demain, avec l’ IA ça ne sera même pas l’ anglais que l’ on parlera mais » le langage machine » . Adishatz …..tant qu’ on sait encore le dire, avec tout ce que cela comporte de sensibilité derrière. Demain ça sera 😀 ou ça ☹️
Je suis toujours admiratif devant cette querelle de spécialistes d’une langue ancienne dont la pratique a disparu. Il est normal qu’il existe ces spécialistes pour nous conter ces détails de l’histoire.
Mais l’avenir n’est pas à la pratique du Béarnais ou du Gascon, ce qu’ont d’ailleurs compris l’immense majorité des populations vivant aujourd’hui en Béarn.
La mondialisation, l’incontournable mobilité, font que c’est aujourd’hui l’anglais qu’il faut parfaitement maitriser et plutôt que de subventionner des « calendretas » on ferait mieux de généraliser l’apprentissage de l’anglais dès la maternelle, et d’avoir tous nos collèges bilingues en anglais. L’argent de l’éducation nationale serait bien mieux utilisé ainsi.
On continuerait par ailleurs a écouter avec intérêt les spécialistes du grec ancien et du béarnais.
Cher Monsieur Sango,
Je suis fort étonné que vous puissiez, une fois encore, méconnaître à ce point la réalité de la situation sociolinguistique du Béarn et du Bas-Adour. Comment pouvez-vous prétendre que sa pratique a disparu alors que vous n’avez aucun élément scientifique pour corroborer votre déclaration.
Je pense aux études sociolinguistiques, par exemple; aux rapports annuels dévaluation du DASEN des P.A. sur le nombre d’enfants scolarisés dans le système immersif laïc et gratuit Calandreta ou dans les sections bilingues de l’Education Nationale en très forte progression cescinq dernières années (cette année 7% des enfants scolarisés dans les P.A. le sont dans cette langue), prouvant, s’il en était, la réalité de l’augmentation notoire de la demande sociale en la matière.
Ce qui me surprend le plus, c’est qu’au nom de la mondialisation et de la rationalisation mortifère qu’elle porte, vous appeliez les parents à privilégier d’une façon unilatérale l’anglais pour leur progéniture, ce qui est si je ne m’abuse la » langue de l’Empire » comme on disait jadis ou celle de l’administration Trump que je m’autorise à condamner sur bien des points.
Qu’importe la langue enseignée quand elle est bien enseignée dans un bilinguisme bien compris. Les collégiens du collège Calandreta, arrivés des écoles Calandreta du Béarn et de Bigorre, sont trilingues a minima quand ils ne sont in fine, au sortir de la 3 ème, avant leur entrée au lycée, quadrilingues. Car, comme l’a fort bien étudié M. Dalgalian, il faut donner la possibilité aux enfants d’apprendre la langue de la proximité géographique (quand elle existe bien sûr) associée à la langue française. Ils peuvent ainsi le paysage (la toponymie, la patronymie, etc) dans laquelle s’inscrit leur vie quotidienne. Puis rapidement introduire une autre langue européenne : l’anglais, le castillan, l’allemand, etc.
Le problème ici posé n’est pas linguistique mais est clairement civilisationnel. En effet, la langue d’Oc possède mille ans de productions littératures qui n’a rien à envier aux autres littératures de l’Union Européenne. Un seul exemple : l’œuvre de Bernard Manciet — il fut un de mes amis et un soutien fidèle quand j’ai entrepris de bâtir une œuvre littéraire digne de ce nom — est mondialement connue comme celle de Max Rouquette. En outre, il y a aujourd’hui, de part le monde, plus 800 universitaires qui enseignent étudient cette langue et sa littérature.
Les études en maîtrise d’ouvrage publique État-Drac-Région Aquitaine et les 5 départements aquitains qui ont été menées, il y a bientôt douze ans, dans la langue d’oc sous ses variantes aquitaines (gascon, languedocien et limousin) et la seconde en maîtrise d’ouvrage du Département des Pyrénées-Atlantiques, montrent que la langue béarnaise, gasconne ou occitane (vous ferez votre choix) n’est pas morte comme vous le prétendez. Il y aurait entre 14 et 17 % de la population du Béarn qui la pratiquerait encore. D’aucuns tous les jours, d’autres plus irrégulièrement, enfin d’autres encore lors de situation particulières. Certes, la transmission familiale est résiduelle, mais elle repart lentement mais sûrement avec les jeunes parents ayant fait leur scolarité dans le système bilingue immersif.
De surcroît, ces études montrent combien les Béarnais, quelle que soit leur origine territoriale ou sociale, sont non seulement attachés à cette langue, mais qu’ils veulent que cette langue soit soutenue, enseignée et développée.
Seriez-vous de ceux qui participent à « la chronique annoncée de la mort d’une langue » ? Seriez-vous de ceux qui espèrent, comme au XIX ème siècle, sa lente mais inexorable éradication ?
Hètz beròi//Hèt beroy
Monbula
Quelle est la réalité de la situation ? Vous estimez le nombre de locuteurs à 14%. Il y a des chiffres bien plus faibles sur Sud Ouest ou la République, mais peu importe.
Enlevez donc les ruraux de plus de 60 ans et posez vous d’abord comme première question combien croisez vous de personnes qui parlent en béarnais dans la rue ?
Combien de jeunes échangent dans ce patois ? Aucun, pire, ils doivent trouver cela particulièrement ringard. Je passerai sur les motivations des parents qui envoient leurs enfants dans ces écoles, je suis certain qu’ils ne leurs rendent pas service. Où vont ils utiliser cette langue en voie d’extinction ?
« Le problème ici posé n’est pas linguistique mais est clairement civilisationnel. En effet, la langue d’Oc possède mille ans de productions littératures qui n’a rien à envier aux autres littératures de l’Union Européenne. »
Y a t il en Grèce des classes bilingues grec ancien ? ou latin en Italie ?
Posons d’entrée de jeu que bien sûr chacun est libre de pratiquer le béarnais, ou toute autre activité, à ses frais. Ceci dit, oui l’anglais est indispensable pour tout français quelque soit son métier et s’il doit y avoir au collège des classes bilingues c’est bien avec l’anglais, d’abord et seulement.Collège unique oblige.
Allez en Norvège, au Danemark vous pourrez vous adresser à n’importe quel habitant il parle un anglais courant.Langue universelle absolument indispensable y compris dans le Béarn profond si un jour on souhaite y développer le tourisme.
« l’anglais pour leur progéniture, ce qui est si je ne m’abuse la » langue de l’Empire » comme on disait jadis ou celle de l’administration Trump que je m’autorise à condamner sur bien des points. »
Aïe voilà que l’idéologie débarque… Non l’anglais est tout simplement la langue d’échange dans le monde. C’est ainsi, les Chinois et les brésiliens apprennent l’anglais pour communiquer, les petits béarnais doivent savoir qu’ils sont d’abord des jeunes du monde, des petits européens aussi, bien sûr des français, et s’ils ont le temps, et s’ils en ont envie ils peuvent s’intéresser au Béarn.
Oui, le béarnais ou l’occitan est mort, ce qui n’empêche pas des personnes comme vous de venir nous conter l’histoire de ces patois, ce qui reste d’un intérêt certain tout comme la vie en Béarn dans les siècles passés.
Je n’estime rien. J’ai lu in extenso les résultats de l’étude ayant participé à son élaboration avec les universitaires et l’entreprise en charge de l’étude. Vous nous dites trouvent la langue béarnaise ringarde; les résultats nous disent le contraire.
Vous avez le droit de proclamer haut et fort la mort de cette langue que vous semblez attendre comme un réussite voire un exploit civilisationnel, mais de grâce ne venez pas le justifier au motif qu’il est plus utile de parler l’anglais, langue utile et universelle que la langue d’oc qui ne l’est pas. L’utilitarisme est une des fondements les plus terrifiants de tous les totalitarismes. Lisez pour ce faire, le remarquable ouvrage consacré à génocide cambodgien. Pour ma part, je ne serai pas fier même de l’imaginer. Aucune langue sur cette terre ne mérite cette condamnation hâtive et surtout stupide. Le Quechua andin renaît, le basque aussi, le catalan je n’en parle pas, la langue berbère aussi, etc. Les élites françaises centralisatrices (bonapartistes pour l’essentiel même quand elles se réclame de la République) — Pierre Bourdieu l’avait compris lui parlait l’idiome de nos terres béarnaises — pensent, depuis le 1er Empire qu’en tuant lentement mais sûrement les langues de France, elles renforceront de facto, dans une dialectique mortifère, la pratique de la langue française. Ils se trompent. Tous les exemples européens où l’anglais est mis à toutes les sauces (les études des pays concernés en attestent) voient leur langue nationale dévalorisée voire infantilisée par leurs élites puis par le peuple qui a toujours besoin de modèles. En France, il ne tardera pas le temps où le français sera un langue régionale marginalisée dans une Europe où le globish règnera en maître. C’est ce que dit depuis des lustres Claude Hagège, notre grand linguiste.
Il y a au moins un point sur lequel je vous donne raison c’est la propension pour ceux qui ont laissé péricliter la langue qu’ils avaient reçu en héritage, à se faire donneurs de leçons au nom d’une sorte de pureté ethnique aux accents maurrassiens qui ont si bien inspiré le félibrige dont ils se réclament.
Mais mon propos n’est pas là : autant j’apprécie vos analyses notamment économiques autant je ne peux adhérer à une vision de la culture et des valeurs qui ne serait que comptable, le tout enveloppé dans un paquet cadeau condescendant avec un soupçon de mépris…notamment la référence au grec ancien…
La mondialisation a tous les droits et je ne suis pas de ceux qui crient « halte à la mondialisation » comme qui dirait « halte au mauvais temps »… Mais si la mondialisation…et le modernisme commandent de ne garder que l’essentiel en matière de langue et de culture….alors soyons efficaces et pragmatiques, abandonnons le français et apprenons et parlons anglais à nos enfants….en attendant qu’au nom de ce même utilitarisme, le mandarin finisse par s’imposer sur la terre.
Au fond, vous donnez raison aux bergers les plus radicaux des Pyrénées…A quoi bon sauvegarder des ours et autre sauvagine….la montagne ne demande que de l’herbe et des brebis….comme pour les langues locales, cela ferait des économies.
Et il faut la folie des Suisses ( dont le manque de réalisme politique est bien connu) pour dépenser autant d’argent à sauvegarder le Romanche et ses 50 000 locuteurs des vallées des Grisons. Sans parler de l’aranais, petit îlot gascon, perdu à l’extrèmité d’un bout de Catalogne et qui bénéficie de toutes les attentions de l’Espagne et de la Catalogne.
Et l’on pourrait continuer sur le destin de ce patois du moyen-âge,sous la domination du Français et même du Gascon, devenu cette belle langue qu’est l’anglais…
J’arrête là pour conclure sur l’idée que la mondialisation ne justifie pas que l’on abandonne ses propres repères, qu’ils viennent du Béarn…ou d’ailleurs… ,je prétends que chaque fois que ce sera possible les hommes doivent pouvoir se retrouver à trois niveaux : celui d’une langue de biotope lorsqu’elle s’est transmise, celui de la langue nationale qui rassemble derrière les institutions de la République, et une langue internationale de communication. Etant bien entendu que la langue nationale reste l’élément incontournable qui ne souffre aucune remise en cause de la part des autres échelons.
« alors soyons efficaces et pragmatiques, abandonnons le français et apprenons et parlons anglais à nos enfants »
Oui, le monde évolue, aujourd’hui la langue de travail dans de grandes sociétés comme Total est l’anglais et c’est une évolution logique.
« Au fond, vous donnez raison aux bergers les plus radicaux des Pyrénées…A quoi bon sauvegarder des ours et autre sauvagine….la montagne ne demande que de l’herbe et des brebis….comme pour les langues locales, cela ferait des économies. »
Pas du tout. Comme je l’ai écrit dans plusieurs articles l’avenir des vallées béarnaise se situe dans un tourisme durable basé sur un grand parc national préservé où cohabiterons tourisme et pastoralisme. Et l’ours est un vecteur formidable en plus de sa place naturelle.
« les hommes doivent pouvoir se retrouver à trois niveaux : celui d’une langue de biotope lorsqu’elle s’est transmise, celui de la langue nationale qui rassemble derrière les institutions de la République, et une langue internationale de communication »
Pourquoi pas, c’est une question d’ordre : National bien sûr , international évidement, quand à la langue de biotope on la mettra en optionnel et encore… car la question de fond reste son utilité…
Daniel Sango says:
14 juillet 2018 à 07:41
«La mondialisation, l’incontournable mobilité, font que c’est aujourd’hui l’anglais qu’il faut parfaitement maitriser»
Pour combien de temps encore? Pour l’avenir immédiat de notre commerce et de notre P.I.B, le chinois me semble beaucoup plus porteur; ce n’est pas qu’une simple langue véhiculaire, c’est une autre culture, une autre civilisation, une autre approche de la diplomatie et des échanges qui est à apprendre et à comprendre pour commercer efficacement; mais restons en là sur ce point!
«Je suis toujours admiratif devant cette querelle de spécialistes d’une langue ancienne dont la pratique a disparu. Il est normal qu’il existe ces spécialistes pour nous conter ces détails de l’histoire.»
Je suis beaucoup moins admiratif pour ceux qui considèrent que les langues anciennes sont«les détails» de l’histoire!
Elles constituent, au contraire, le fondement du patrimoine culturel; elles sont une ouverture sur la compréhension du passé et donc l’évolution du présent; les langues sont une des caractéristiques de l’espèce humaine. Si on fait l’effort de se pencher sur les liens entre la culture et les tendances des peuples, en Europe par exemple, on peut comprendre, pour mieux gérer, les réactions différentes entre les populations du N et du S, de l’ E et de l’ W….; la langue basque est toujours bien vivante et porte une culture très riche sans frontières dont l’enracinement n’est pas encore entièrement élucidée; la langue d’Oc, sous ces différentes formes, s’étendait de la méditerranée à l’Auvergne et dans tout le sud; dans notre région, elle était encore bien vivante, quand je me suis marié, dans les foyers et les marchés de Chalosse, elle n’est d’ailleurs pas entièrement éteinte dans les arènes où se pratiquent les courses de vaches landaises. C’est la somme des apports des différentes cultures, portées et brassées, des langues anciennes, et vivantes actuelles, qui a fait la France, son identité. On ne peut pas comprendre notre pays sans cela, ou alors, comme vous semblez le souhaiter, avec notre Président, c’est imposer une néo-culture sans fondement historique qui ne peut que déboucher sur des conflits.
Rayer ce passé, c’est rayer l’histoire, c’est détruire tout ce qui permet de comprendre le présent et d’être mieux armé pour l’avenir.
En poussant un peu plus loin votre bouchon, si considérer que l’histoire est inutile, la géographie, la littérature, la philosophie, la musique, les arts…le sont tout autant. A quoi bon dépenser de l’argent pour enseigner ces matières, Google peut s’en charger, les robots n’en ont pas besoin!
Comme c’est triste, stérile, et surtout dangereux, la civilisation que vous souhaitez!!
«Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir »Aimé Césaire.
Geoges, vous nous avez habitué à des réponses bien plus nuancées !
Comme vous j’ai connu les marché de Chalosse et du Béarn avec mes parents et mes grands parents marchands de volaille (Morlaas, Lembeye, Mugron, Tartas, …etc où les paysannes venaient vendre leurs trois paires de poulets ou leurs six lapins…) , mieux, ma mère a parlé basque avant de parler français. Mais ce monde là n’existe plus !
Ce monde où les gens naissaient vivaient et mourraient dans un espace de 30 km.
Nous sommes d’abord citoyens du monde, puis européens, ensuite français. Ce n’était pas le cas il y a 50 ans. Ceci posé et comme je l’ai écrit je trouve normal que certains s’intéressent à ces patois, par contre il est totalement anormal que l’Etat finance des écoles primaires ou des collèges bilingues, encore moins que cela soit une langue obligatoire comme en Corse. Quelle scolarité pour un gamin dont les parents auraient des mutations dans une France morcelée en terme d’éducation… Où est le collège unique ?
Derrière certains de ces défenseurs de langues disparues se dissimulent des visées politiques bien connues et incompatibles avec l’évolution de notre monde.
Il est d’ailleurs étonnant que le débat ne soit pas sur ce terrain, l’article y incitait.
Tout à fait d’accord avec vous pour constater que ce monde a disparu et qu’il n’est pas question de le faire resurgir, c’est une évidence.
Ce qui m’avait fait réagir c’est de donner l’impression que se pencher sur le passé linguistique était une perte de temps et d’argent du fait que les langues disparues sont un détail de l’Histoire. Elles ne sont pas un « détail » mais le « fondement » de notre Histoire et de les aborder, même superficiellement, dans nos établissements scolaires, est un enseignement culturel pour devenir de vrais citoyens.
Les fossiles ne seraient donc que de détails sans importance, les micro-fossiles entre autres! Ce n’est pas pareil me direz-vous!
Cela vient du fait que notre désaccord porte sur la notion d’utilité; en effet, vous écrivez: » car la question de fond reste son utilité… » Votre utilité n’est pas la mienne! Mais restons en là, cela nous entrainerait trop loin!
Je suis ravi de lire vos commentaires qui nuancent ce vide idéologique qui consiste à dire « il faut vivre avec son temps »…balayant ainsi toute velléité de vivre dans le modernisme ( je crois l’être) avec la volonté de ne pas jeter l’enfant ( nos origines et notre culture) avec l’eau du bain de la mondialisation. Cet utilitarisme porté à son paroxysme m’a fait écrire que si on voulait aller au bout de cette logique il fallait suivre les plus radicaux des éleveurs et condamner l’ours en ne faisant de la montagne qu’une zone dédiée à l’herbe et aux ovins.Il va de soi, que je ne partage pas l’idée que l’ours pourrait être maintenu que comme vecteur touristique….ce n’est pas la conception que je me fais de la place de cet animal et de la diversité biologique…..quant au béarnais pour Sango il ne serait qu’un patois et’un sujet d’étude pour rats de bibliothèque, toute dépense étant forcément indue…et passéiste. Là encore je laisse la liberté du mépris mais elle doit être compensée par la liberté de donner droit de cité à cette culture pour ceux qui le souhaitent.
La Catalogne est venue opportunément percuter l’actualité….en raison de l’impéritie de Rajoy et de sa majorité qui auraient pu régler la question par le dialogue….car la principale demande des catalans est d’obtenir la même politique fiscale qu’en pays basque. Je disais opportunément car un certain nombre d’adversaires des cultures locales…par modernisme ou idéologie … ont vu là l’occasion de pointer le danger d’une reconnaissance des langues locales….C’est du pain béni car en même temps l’exemple catalan renvoie à leurs chères études ceux qui comme Sango assimilent le modernisme à l’abandon des parlers régionaux….en attendant l’abandon du parler national. Cela a été l’argument de la troisième république et il a contribué à l’abandon des parlers locaux….au nom de la réussite sociale et du « faut vivre avec son temps »…. La jeunesse catalane est au minimum trilingue: catalan, espagnol et anglais…..Qui pourrait prétendre que cela a freiné son dynamisme économique…et qu’elle ne vit pas avec son temps…
» La jeunesse catalane est au minimum trilingue: catalan, espagnol et anglais…..Qui pourrait prétendre que cela a freiné son dynamisme économique…et qu’elle ne vit pas avec son temps… »
Point de vue totalement partagé par mes précédents propos:
» Que l’ Anglais reste une langue d’ affaire dans un monde mondialisé est une chose, mais surtout que l’ on nous dise pas que parler le Béarnais ou l’ Occitant est une tare, bien au contraire. Si les petits Béarnais parlaient bien le Béarnais, ils feraient sûrement bien moins de fautes en Français et auraient bien plus d’ atouts pour apprendre
l’ Anglais. »
Il faut tendre vers le multilinguisme équilibré et partagé. Après, à chacun de donner le poids qu’ il souhaite à la langue de son choix. C’ est le meilleur moyen de développer le dynamisme social,culturel et économique qui fait la richesse d’ une société équilibrée.
Monsieur Bayrou a travaillé en toute discrétion, ce qui dit en langage ancien (non édulcoré) se disait « clandestinement ». Pour une œuvre qui DOIT être publique, c’est un comble. Ou alors Le beau François (je ne cède pas à ses charmes bordérois) est-il de ceux qui, complexés de ne comprendre la culture locale et authentique, aimeraient à uniformiser ce qui a toujours été diversifié. Je m’explique : le Béarnais regroupe un ensemble complexe de variantes de vallées en quartiers et parfois même de maison en maison. Le mouvement occitaniste tend à uniformiser, à lisser ces différences et donc à terme, à appauvrir un langage riche. Nous ne parlons pas le Toulousain, ni le Languedocien.
Et quelle mouche a piqué les ruineurs (ceux qui appauvrissent) pour inverser dans leurs propos et leurs écrits les notions de graphie classique et normalisée? La graphie classique, c’est celle du mouvement des félibres (Frédéric Mistral et ses amis). La graphie normalisée, c’est celle du « Gascon lèu e plan » de Michel Grosclaude. Cette dernière permet d’écrire les mots de la même façon (uniformisée) avec par exemple le « parpalhon » qui est le même animal que le parpailloou » mais évidemment, les futurs occupants (sic) du bas-fond palois (le Hédas) ne l’admettront pas ainsi. Il suffit de voir où est le Béarn dans le « Carnaval Béarnés » à chaque fin d’hiver. Il est dans l’affiche. Les armoiries des Occitans sont en fait celles de comtes de Toulouse un blason rouge avec une croix jaune dits « de gueules à la croix vidée, cléchée et pommetée d’or » ne représentait pas une illusion politique, mais une réalité terrienne et terrestre les pièces d’or représentaient leurs possessions. D’ailleurs, si Occitans nous étions, notre région serait celle de Toulouse et non celle de Bordeaux! Pas l’Occitanie actuelle n’a rien à voir avec l’histoire où les états de Languedoc ne s’en laissaient pas compter par un roi qui vint moultes fois guerroyer dans ce Midi rebelle. Son autorité y était contestée par des parlements qui ne se laissaient pas dicter leur conduite. Qu’on se le dise! Par contre, le Béarn était un carrefour d’échanges puisqu’il possédait les passages vers le royaume de Navarre avec lequel les Béarnais faisaient commerce et parfois famille. Les noms de famille hispaniques de ce côté-ci, Béarnisans de l’autre part, sont encore légion (pas romaine) et ce pour le plus grand bonheur de leurs titulaires. Nous sommes riches de ces diversités. Si François de Bordères, dit l’Européen, veut bien se souvenir que ce pays de Béarn n’est pas le sien, mais le NÔTRE, alors, nous devrions pouvoir nous entendre, per ma fé!
Mais si le Hédas doit engloutir une nation, alors ce sera la chasse qui sera tirée dans l’égout de la ville. La pente naturelle emportera les déchets vers le Gave…
Seriez-vous le fils de Gaston Fébus qu’il a bel et bien occis ? Je plaisante. Vous êtes effectivement bien en vie.
Vous nous dites « pour inverser dans leurs propos et leurs écrits les notions de graphie classique et normalisée? La graphie classique, c’est celle du mouvement des félibres (Frédéric Mistral et ses amis). La graphie normalisée, c’est celle du « Gascon lèu e plan » de Michel Grosclaude. Cette dernière permet d’écrire les mots de la même façon (uniformisée) avec par exemple le « parpalhon » qui est le même animal que le parpailloou » mais évidemment, les futurs occupants (sic) du bas-fond palois (le Hédas) ne l’admettront pas ainsi. »
Vous vous trompez » Mossur/Moussû » le félibrige béarnais et gascon, fondé en 1896, à l’initiative entre autres de Miquèu de Camelat, Simin Palay, Adrien Planté, a rapidement dénommé la langue « béarnais ou gascon » selon son origine géographique, ce qui était déjà une erreur puisque le béarnais est une forme méridionale. Ce félibrige naissant intégrait dans le concert plus large de la langue d’oc les langues béarnaise et gasconne. Ils n’ont jamais changé de point de vue sur l’unité de langue d’oc et de sa grande diversité jsuq’à leur disparition ; leurs écrits — je pense particulièrement aux « Clams de douctrine de Simin Palay, publiés dans la revue Reclams de Biarn e Gascougne ( Reclams de Bearn e Gasconha, aujourdh’ui).
En outre, la graphie du béarnais et du gascon a été élaborée par Edouard Bourciez, universitaire bordelais en charge des langues romanes, à la demande du conseil d’administration de L’Escole Gastoû Febus, présidée par Adrien Planté, maire d’Orthez, en 1900 et appliquée réellement par les contributeurs de la revue Reclams de biarne gascougne, créée en février 1897, à partir de 1905.
Elle fut notablement modifiée par la publication du « Dictionnaire du Béarnais & du gascon modernes », de Simin Palay, en deux tomes, en 1932. Dès lors, la graphie fut dénommée « graphie moderne ».
En revanche, la « normalisation » de la graphie du gascon fut, elle, à l’initiative de Maurice Deixonne, ministre de l’Education Nationale, après le vote de la loi éponyme, du 11 janvier 1951. Ce sont trois linguistes béarnais et gascons qui l’élaborèrent : Jean Bouzet de Pontacq, par ailleurs grand hispaniste, Jean Séguy (auteur de atlas linguistique de la Gascogne) et Pierre Bec, linguiste et universitaire, gascon du Comminges. S’il est vrai que dans un premier temps cette graphie fut appelée « normalisée », elle fut une vingtaine d’année plus tard dénommée « classique » car les linguistes susnommés avaient basé leur travaux sur les textes classiques béarnais et gascons ainsi que de la réforme alibertine.
Jean Lafiite, aura toujours raison, jusqu’à combattre même ce qu’il a naguère aimé et défendu contre vents et marée, lorsqu’il était militant de l’Institut d’Etudes Occitanes de Paris. Sa démonstration peut bien sûr s’entendre et être recevable, mais on trouvera — on ne manque pas et on ne manquera pas — nombre de personnes compétentes, bardées de diplômes, historiens de renom, linguistes pour avancer des thèses contredisant la sienne. Mais qu’importe, l’avenir nous dira peut-être ce qui in fine de quoi il sera fait. Son travail linguistique est respectable, sans doute contestable pour d’autres, mais il existe et il faut le prendre en compte.
Ce qui me heurte pourtant c’est le fiel de Jean Lafitte, la vieille amertume dont j’ignore l’origine, qu’il distille dans cet article ; par exemple sur les membres bénévoles de l’association de préfiguration qu’il qualifie d’armée mexicaine et qui seront inévitablement rétribués, ce qui est totalement faux. Il ne sait rien des négociations longues, larges et ouvertes qui ont présidé à cette association de préfiguration. Il ne sait pas ou feint de ne pas le savoir que l’association dont il fait peut-être encore partie, l’Institut Béarnais & Gascon, a été sollicitée pour ce faire. Il ne sait pas que l’occitanisme qu’il a pratiqué jadis, qu’il a côtoyé quelques années, qu’il a combattu après et qu’il combat encore et toujours, n’est plus ce qu’il était, lui aussi a fait son aggiornamento. En effet, le pragmatisme et le principe de réalité ont fini par prévaloir : une seule réalisation le prouve « La Passem », organisée par la fédération départementale des écoles laïques Calandreta et les enseignants des écoles bilingues de l’Education nationale, qui a vu une large partie de la population béarnaise participer à cette course pour la langue.
Ce que je déplore enfin, ce qui me semble grave, c’est que lui comme bien d’autres, hélas, touché par le syndrome du « Dernier des Mohicans », déclarent désormais en catimini (on dirait en bearnés natre « ad escurs/ad escûs », dans les deux graphies, fébusienne et classique) que la langue béarnaise est morte, et qu’il lui faut de belles et mémorables obsèques (beròjas aunors/ berojes aunoùs). Il se trouve que mes enfants parlent cette langue, ils l’ont apprise à l’école Calandreta de Pau, comme nombre d’enfants aujourd’hui scolarisés dans le système laïc et gratuit Calandreta et dans les écoles bilingues de l’Éducation Nationale : aujourd’hui plus de 7 % des enfants scolarisés dans les P.A. le sont dans ou avec l’idiome historique du Béarn et de Gascogne. Je crois qu’on peut encore sauver cette langue. Je suis peut-être naïf, stupide, pèc, pourquoi pas ?, mais je le crois. Atau qu’ei e qu’ei atau/ Atau qu’ey e qu’ey atau.