Le relationnel

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Soyons clair, il ne s’agit pas ici de trouver la moindre excuse et le moindre début de justification au comportement de Benalla. Ses violences sont inadmissibles et honteuses. Mais enfin il serait d’une hypocrisie coupable de considérer qu’il n’y a pas d’autres exemples de ces personnes recrutées sur des critères mal définis et par la seule volonté du prince.
C’est ainsi dans notre république qu’il existe des intrigants et des courtisans qui gravitent dans l’entourage immédiat des puissants. J’avais dans le temps, un collègue qui affirmait haut et fort qu’il vaut mieux être relationnel que professionnel. Cela en dit long sur la conception de certains sur ce qu’il convient de faire ou d’accepter pour bénéficier d’un avancement prioritaire ou d’un passe droit. Alors essayons de comprendre comment cet individu, Benalla, a pu se voir attribuer tous ces avantages qui le situaient dans une catégorie d’intouchables.
Il bénéficie du grade de lieutenant-colonel de la gendarmerie. Même si ce grade ne lui confère aucun avantage particulier, il est honorifique et il lui a été octroyé par quelqu’un. Il est une constante que lorsqu’on permet cet avantage à quelqu’un proche de la plus haute autorité de notre république, on en attend sans l’avouer un retour. Cela s’appelle le renvoi d’ascenseur. De même que les policiers qui lui ont permis d’arborer un brassard de police, d’utiliser des moyens de transmission radio et qui lui ont adressé des extraits du film qui matérialisait son odieux comportement, ne l’ont pas fait sans une arrière pensée. On n’agit pas ainsi par simple philanthropie. On n’imagine pas réellement ces mêmes fonctionnaires dénoncer un comportement répréhensible au procureur de la République (article 40 du code de procédure pénale, et non du code pénal comme on peut le lire trop souvent). Ils savent que faisant cela, ils prendraient le risque de déplaire à ceux qui sont à même de décider de leur carrière. Ainsi dénoncer les infractions commises par un proche du président de la République ne se fait pas aussi facilement que certains, maintenant, le laissent entendre. Parler de « copinage malsain » comme le fait le Préfet de police de Paris, est une formule qui ne tient que peu compte de ces réalités.
Il a été recruté par des politiques, comme cela se pratique bien plus souvent qu’on ne l’imagine sur des critères mal définis. Car enfin quels sont ses mérites pour parvenir à accéder au statut qui est devenu le sien ? Il n’y a pas de réponse à cette question. Il aura eu l’heur de plaire, de savoir se rendre utile à un moment donné et de laisser penser qu’il était incontournable. Les politiques lorsqu’il s’agit de leur entourage proche préfèrent faire eux-mêmes leur choix que de se voir imposer des fonctionnaires. Ici se pose bien évidemment la question du mérite. Il y a eu dans le temps un président de la République qui clamait haut et fort que l’avancement devait se faire au mérite. Une fois passé l’effet d’annonce, tout le monde s’accorde maintenant à considérer qu’il a beaucoup privilégié le relationnel.
Le mérite se réfère-t-il davantage à des qualités professionnelles et morales qu’à celui qui est chargé de l’évaluer, de le reconnaître. Car enfin ces politiques qui ces jours-ci dénoncent ce système, sont à l’origine de bien des passe-droits. Dans les permanences des députés que viennent donc chercher les citoyens si ce n’est une priorité ou un avantage qu’ils ne peuvent obtenir sans une aide ? Souvenons-nous par exemple du service militaire. C’est bien loin maintenant, mais ce service à la nation n’a pas disparu que pour des raisons économiques, il était devenu en raison des multiples interventions des « influents » qui pour une incorporation à proximité de chez lui, qui pour une exemption de cette obligation, qui pour une affectation en coopération, un bourbier inextricable dans lequel l’armée ne s’y retrouvait plus. Ces « influents » étaient bien sûr des élus.
On pourrait à l’envi parler ainsi des décorations qui dans certains cas sont attribuées de manière systématique et toujours sur demande. L’essentiel est souvent d’être bien parrainé. Le cas des assistants parlementaires qui a fait couler tant d’encre à l’occasion de la dernière élection présidentielle, ne peut être ignoré. On pourrait également évoquer ces structures qui n’ont d’autres objectifs que de permettre l’existence de réseaux. Certains d’ailleurs avancent masqués, d’autres élargissent le nombre de leurs adhérents grâce à des services rendus.
Notre République est ainsi faite que sous le couvert de grands principes d’égalité et de neutralité, les passe-droits et les privilèges, sont accordés avec le concours de ceux qui se veulent influents. Ceux-là soucieux de se situer dans le clan des décideurs n’envisagent pas un instant que leur statut soit remis en cause. Autrement dit, ce n’est pas près de changer.

Pau, le 25 juillet 2018

par Joël Braud

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8 commentaires

  • J’aimerai que l’on revienne sur toutes les turpitudes de Mitterrand, pendant ses deux septennats. Mais internet n’exsistait pas, dommage

  • Ce constat sur les abus de pouvoirs est tout à fait lucide. Mais la conclusion pessimiste est exaspérante : « ce n’est pas près de changer ». Il faudrait plutôt, après cette analyse, envisager les solutions pour y remédier, envisager la mise en place, la protection et le renforcement des contre-pouvoirs.
    Par exemple mieux protéger les lanceurs d’alerte, plutôt que, comme envisagé par le gouvernement, chercher à bâillonner ou affaiblir ceux qui existent encore.

    • En réalité je suis d’accord avec vous, quoique le mot « exaspérante » ne correspond pas réellement à ce que vous avez voulu exprimer. Désespérante eût été plus adapté. Peu importe d’ailleurs. Ce que je regrette, c’est le comportement des politiques. Je dis qu’ils ne changeront pas parce que c’est leur raison d’être que d’exercer une influence. J’avoue être un peu résigné face à cet état de fait. J’aurais dû ajouter que dans cette affaire Benalla, les contre-pouvoirs, et la presse en particulier, ont joué un rôle indispensable. Quant aux lanceurs d’alerte, sans être tout à fait informé de l’actualité à ce sujet, il me semble qu’au niveau de l’Europe, certaines dispositions ont été prises ou envisagées. Alors, espérons…

  • Je ne suis pas très surpris par la «stupéfiante affaire» mais plutôt par ses conséquences; elle met au grand jour ce qui se passe depuis bien des septennats et quinquennats, souvent beaucoup plus graves, mais qui étaient étouffées par le pouvoir:dérives du S.A.C, tuerie d’Auriol, affaire Boulin…….
    Comme la calomnie , elle enfle, surtout maintenant, car:
    +Le Président a osé et réussi à se mettre à dos les structures intermédiaires entre lui et les Français: oppositions, médias, syndicats, associations, et même actuellement la gendarmerie, la police..; que chacun et chacune en profitent pour manifester leur «malaise profond» est utile et justifié pour notre démocratie.
    +Ce qui ne m’étonne pas non plus est que l’on pouvait prévoir une telle façon de faire, les Français ont pris ce risque en plébiscitant l’élection d’E.Macron.
    On voulait du changement, fini les politiciens professionnels, il faut une nouvelle gouvernance, des élus, jeunes, issus du peuple, des godillots( jusqu’à maintenant!) qui n’y connaissent rien au fonctionnement des institutions mais qui seront d’accord par définition, du fait d’un encadrement rigoureux, avec ce que le «saigneur» aura décidé de ce qui est bon pour la France. Ce type de recrutement des futurs députés et sénateurs a permis, après une filtration bien légère, l’arrivée au pouvoir de décision de courtisans, très légitimes et compétents dans leur métier d’origine, mais incapables de juger des tenants et aboutissants des mesures qu’ils vont voter.
    Au niveau supérieur de l’État, ce n’est plus l’ignorance mais le relationnel qui intervient. La confiance que l’on porte l’emporte sur la compétence officielle. M.Benalla s’est infiltré dans la filière la plus porteuse, celle du Président et de sa famille. Ceux qui doutaient ou savaient se taisaient! Motus et bouche cousue, l’omerta est la règle en haut lieu. L’Élysée c’est sacré!
    Comme toutes les turbulences politiques, la fièvre retombera, la justice passera, quelqu’un d’autre remplacera M.Benalla et les lois présentées seront adoptées, plus tard que prévu; une baisse de popularité dans les sondages? Peu importe, tout au plus des débats sans intérêt à C dans l’Air . Ce n’est pas cela qui améliorera le sort des Français et la résolution des vrais problèmes: emplois, pouvoir d’achat et surtout pollution, réchauffement climatique, biodiversité!

  • Cet exemple de népotisme ahurissant me fait penser à ce qu’a connu Pau du temps de Labarrère. Oui, je sais , il n’y a que les anciens qui s’en souviennent

    • Népotisme chez Labarrère…soit ! On ^peut toujours trouver matière à critiquer…mais j’ai peur que le sens de ce mot soit pour vous à « géométrie variable »….et donc traduise une certaine partialité de jugement trahissant vos convictions.Car accuser Labarrère de Népotisme sans trouver à redire dans l’actualité paloise relève de l’exploit.Il semble que le maire de Pau actuel, batte tous les records dans ce domaine avec la nomination de la fille Sémavoine et surtout de la fille de l’ex maire de Biarritz, nommée de façon discrétionnaire et dont le talent semble plus que discutable….Comme disait La Fontaine….la paille dans l’oeil du voisin….

  • Propos totalement partagés. Le monde politique est un monde totalement à part qui
    s’ affranchit des règles qui prévalent dans d’ autres domaines professionnels. Pour être instituteur ou professeur il faut justifier de diplômes, pour être conseiller du Prince nul besoin de diplôme. Le relationnel à  » vista de nas  » accompagné de quelques accolades et tapes dans le dos suffit.
     » Il a été recruté par des politiques, comme cela se pratique bien plus souvent qu’on ne l’imagine sur des critères mal définis….. »
    J’ espère que cette affaire servira de leçon et que des mesures sérieuses seront prises pour faire cesser cette société de copinage, qui n’ a que trop durée, mais surtout éviter que cela ne se renouvelle à l’ avenir. Cela devrait faire l’ objet d’ une loi, pour justement changer leur statut.

    • Hum…

      Le monde politique est un monde totalement à part qui
      s’ affranchit des règles qui prévalent dans d’ autres domaines professionnels.

      et hier dans un commentaire sous un autre article sur le même sujet :

      Il n’ y a pas que la vie politique qui est dans ce cas, mais également le monde professionnel, pour avoir connu des exemples.