Le droit à la vérité
A une époque dans laquelle les fausses nouvelles et les rumeurs pullulent, ce droit est plus précieux que jamais. Mais quelle patience ne faut-il pas pour l’obtenir !
La famille de Maurice Audin a attendu plus de 61 ans pour obtenir une explication officielle sur sa disparition, survenue après son arrestation le 11 juin 1957 à Alger par des parachutistes du général Massu, devant sa femme et ses trois jeunes enfants. Maurice Audin était un jeune mathématicien de l’Université d’Alger, militant anticolonialiste. Pendant des années la thèse officielle était qu’il s’était échappé durant un transfert et qu’on ne l’avait pas retrouvé. Des témoignages, dont celui d’Henri Alleg, l’auteur de « La question » affirmaient qu’il était mort sous la torture, un cas non isolé. Le général Aussaresses a confié avant sa mort qu’il avait donné l’ordre de son exécution au couteau, afin de faire croire que le crime avait été commis par les indépendantistes algériens.
Pendant des années, mon collègue Gérard Tronel, un homme d’une grande culture qui nous manque, a animé un comité afin que la vérité éclate. Inlassablement, il a collecté des fonds pour un prix scientifique visant à promouvoir des relations de qualité entre les communautés mathématiques algériennes et françaises. Plusieurs mathématiciens de grande envergure (Laurent Schwartz, Pierre-Louis Lions, Cédric Villani entre autres) ou de stature plus usuelle ont soutenu cette initiative et un colloque s’est tenu à Paris l’an passé, devant une assistance nombreuse.
Espérons que les fortes paroles du Chef de l’Etat en ce jour auront des conséquences pour sa famille, que toutes les archives seront ouvertes, y compris à la caserne Bernadotte et que des témoignages nouveaux contribueront à dévoiler l’entière vérité. Il s’agit de notre honneur à tous.
Jean-Paul Penot
Des liens sur
https://www.franceinter.fr/emissions/comme-un-bruit-qui-court/comme-un-bruit-qui-court-16-juin
L’Affaire Audin, Pierre-Vidal Naquet (1958)
Une vie brève, Michèle Audin (2013)
excellent article, et le visage de Maurice Audin est tres emouvant
Je suis d’accord sur la qualité de l’article mais il ne doit pas nous faire oublier l’essentiel et l’état de guerre avec des exactions dans les deux camps.
Le président a eu raison de présenter des excuses sur les conditions de sa mort et sur le silence « institutionnel » qui en a résulté. Il a stigmatisé les conditions qui ont permis ce fait à savoir la torture et les exécutions sommaires. Il n’est pas allé et j espère, n’ira pas, jusqu’à la repentance. La France doit être capable de regarder sa propre histoire sans forcément la juger, en la détachant de son contexte, ce qui n’est jamais sain.
Maurice Audin est une victime, c’est certain….attention de ne pas en faire un héros. Il était emprisonné avec des charges susceptibles de mettre du sang sur ses mains….mais le scandale c’est qu’en fonction de notre droit, il était présumé innocent. Il aurait donc eu droit à un procès équitable en lieu et place d’une exécution sommaire maquillée en fuite.
S’en tenir à cette analyse c’est ne pas oublier les victimes innocentes de cette guerre qui ne voulait pas dire son nom et qui a creusé pour longtemps un fossé infranchissable entre deux peuples dont le destin aurait été de vivre ensemble.
Parler de « charges susceptibles de mettre du sang sur ses mains » c’est abusif, les historiens s’accordant à reconnaître que rien ne permet dire qu’il avait été mélé de près ou de loin à des attentats.
Il était nécessaire que l’état français reconnaisse sa responsabilité dans la mort de Maurice Audin.
J’attends toujours la moindre excuse des algériens pour le massacre des harkis et de nombreux pieds-noirs.