Le sourire de Madame L.

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Étant Palois, ma banque se trouve dans l’agglomération. L’autre jour en me rendant à l’agence dont je dépends, Madame L. chargée de l’accueil avait triste mine. Son sourire habituel n’était pas au rendez-vous. Elle m’apprit que très prochainement, son poste allait être supprimé.
Cette banque qui est sans doute une des plus puissantes du pays a décidé de se tourner vers le numérique. Toutes les opérations que je pouvais faire auparavant au guichet devront se faire en ligne. Finies les commandes de chéquier, par exemple en se rendant à l’agence, le renouvellement de la carte bancaire se fera par voie postale etc. Pour obtenir une rendez-vous avec une ou un conseiller, il faudra passer par internet. Oui par internet plutôt que par téléphone parce que si vous utilisez ce moyen, la communication sera non seulement payante, mais il vous faudra taper 1 ou 2 ou 3 selon votre intention et si vous désirez avoir un interlocuteur, ce sera encore plus long et plus cher.
Alors si je prends l’exemple de ma banque c’est parce que je ne comprends pas bien pourquoi cette évolution à un moment où les bénéfices des banques progressent, et où le dividendes qu’elles versent n’ont jamais été aussi élevés. J’ai du mal à croire qu’il faille encore augmenter ces chiffres. Et pourtant, j’ai appris que tandis que le bénéfice net est de 2,81 milliards d’euros pour 2018, à l’horizon 2020 cette banque, la Société Générale, envisage la suppression de 300 agences et de 900 emplois. J’observe également que les frais bancaires qui me sont prélevés sont aussi en augmentation constante.
J’ai parmi mes relations deux banquiers, l’un est en retraite et juge que les banques sont insatiables et qu’il leur faut toujours augmenter les bénéfices. Il ajoute que durant sa carrière il n’avait jamais constaté une telle avidité. L’autre encore en activité m’explique que les taux d’intérêt étant devenus historiquement bas, il faut bien aux banques trouver des moyens de gagner de l’argent. Ce dernier se soucie bien peu du cas des personnes âgées qui, dépourvues de moyens informatiques, ne pourront se débrouiller seules et faire connaître leurs besoins. C’est ainsi affirme-t-il de manière péremptoire, c’est l’évolution de notre société. Le côté humain lui échappe et il assume.
Belle évolution en effet. Ce n’est pas tant que cela me pose un problème insurmontable de m’adapter, du moins à mon niveau, à cette nouvelle manière de faire, mais cela correspond à une forme de déshumanisation de notre vivre ensemble. Ils parlent, ceux qui emploient les bons termes, de dématérialisation. A l’évidence ce sera quand il n’y aura plus de Madame L. pour vous sourire. Une société froide et sans âme.

Pau, le 2 janvier 2019

par Joël Braud

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9 commentaires

  • Effectivement j’ai eu le même ressenti lorsque j’ai lu, dans les bureaux de la Macif du Bd des Pyrénées, la fermeture de cette agence fin 2018 et l’invitation à aller rejoindre les agences de Lons ou Bizanos (cf. un commentaire passé sur A@P). J’avais pourtant déjà abandonné le bureau d’Orthez où l’accueil m’avait paru avoir été réduit.
    J’ajoute que le bureau du CA d’Arthez de Béarn est également en pleine reconfiguration avec une diminution des heures de présence du personnel. Le bureau voisin de Groupama a fermé ses portes et les services sont regroupés à Artix.
    Mais je note aussi que mes enfants fonctionnent avec Boursorama. Tout se fait par téléphone ou simples clics. J’observe également depuis pas mal de temps, que beaucoup de personnes changent fréquemment d’opérateur téléphonique ou de compagnie d’assurances. Les tarifs pour attirer de nouveaux clients sont toujours très attrayants.
    La fidélité ne paye plus. Je suis peut-être un vieux schnock dans un monde de fous.
    Certes les entreprises sont voraces. Mais cette caractéristique me paraît partagée bien plus largement et depuis bien longtemps (par exemple à noter un article récent à méditer sur le transfert du CA à Serres-Castets en … 1984 ( http://www.larepubliquedespyrenees.fr/2018/12/21/credit-agricole-une-presence-qui-rapporte-a-serres-castet,2490932.php ).
    Le monde évolue. Je suis plutôt un vieux stock dans un monde de flux.
    Une anecdote sur Groupama :
    J’ai subi des dommages suite aux intempéries de juin. Un mur de clôture a cédé. Malheureusement pour moi, c’était également un mur de soutènement que le contrat d’assurance excluait.
    Ma commune ayant été classée en zone de « catastrophes naturelles », j’ai relancé Groupama.
    J’ai été invité à assister à une réunion à Salies le 17/07. Des élus étaient présents comme les maires de Salies (personnalité intéressante) et de Sauveterre (aspect plus jeune que sur des photos) . Le Président du Conseil Départemental s’était excusé le matin même.
    Le personnel régional de Groupama d’Oc, identifiable par leur tenue vestimentaire notablement correcte, était venu en nombre (venant du et sur leur… 31).
    Dans la salle les représentants locaux élus de Groupama, majoritairement liés au monde agricole et qui accréditent l’ancrage territorial, occupaient les premiers rangs. A l’arrière, quelques assurés davantage préoccupés par leurs dommages que par la situation de l’agriculture.
    La séance a été ouverte par M. Saint Jean (administrateur de l’entreprise Groupama D’oc et également co-gérant de l’EARL LANDALDEA à Ustaritz), flanqué de plusieurs syndicalistes du milieu agricole.
    Après des discours de Directeurs divers qui ressemblaient à des sermons est venu le temps des questions. Des assurés ont exposé leurs situations et pratiquement chaque fois, des réponses convaincantes ont été apportées par des membres de Goupama. Visiblement, les dossiers des assurés étaient bien étudiés.
    Pour clôturer la séance, les administrateurs et quelques élus (M. Labour par exemple) sont partis sur l’incompétence des pouvoirs publics qui n’écoutent pas les élus locaux en ce qui concerne la prévention des catastrophes naturelles. Je ne suis pas sûr que les assurés présents aient été très réceptifs à ces considérations.
    Peut-être qu’à la place de M. Lasserre, M. Saint-Jean aurait dû inviter M. Lassalle. Il serait surement venu…
    Le buffet qui a clôturé la réunion était magnifique. J’ai pu m’entretenir avec un agent de Groupama qui connaissait mon dossier. J’ai pris un encas et puis la route.

  • Pierre-Michel Vidal

    Bravo Joël pour cet article. La recherche de la compétitivité à tout crin de la part d’une banque (elle n’est pas la seule) qui ne tient compte ni du bien-être de son personnel ni de celui de ses clients, c’est le symbole d’une société qui oublie l’essentiel: la relation humaine, le service. Les banques ne seraient rien sans leurs clients, elles leurs doivent une relation de proximité; l’ont-elles oubliées?
    Tant que ce type de comportement ne sera pas sanctionné, d’une manière ou d’une autre, il n’y aura rien à espérer de ce « nouveau Monde » qu’on nous a tant vanté.

    • Les banques ne seraient rien sans leurs clients, ……
      Alors aux clients de s’ organiser et de créer si nécessaire des banques mutualistes qui correspondent à leurs besoins et leurs souhaits et non plus à des profits mercantiles sans fin. Les banques mutualistes existent déjà, mais sont obligées actuellement de se soumettre aux lois du marché, qui est entre les mains des plus forts et de perdre pour partie l’ esprit mutualiste qui devrait les inspirer.
      Alors abandonnons les banques d’ inspiration capitalistique pour donner plus de pouvoir aux banques mutualistes. Ce pouvoir est entre nos mains alors utilisons le sans modération, afin que nos besoins soient conformes aux idées humanistes.
      Personnellement il y a des années que j’ ai franchi le cap sans aucun regret à ce jour.

  • Contribuable Palois

    Je ne sais pas juger la Société Générale Monsieur Braud, mais tant qu’à discuter autant que ce soit sur des faits complets et exacts.
    « j’ai appris que tandis que le bénéfice net [pour la Société Générale] est de 2,81 milliards d’euros pour 2018… » , ce résumé isolé n’est pas suffisant. Pour nourrir notre réflexion donnez toute l’information à disposition.
    Pour ces 2,81 milliards il s’agit du chiffre de 2017(*) , « en recul de 27% sur le chiffre de l’année précédente », « une mauvaise » année », « une piètre année » comme tous les journaux français l’avaient martelé en leur temps , des citations qu’on retrouve sur google. Ce qui va probablement avec cette annonce de projet de réorganisation.
    (*) 2018 s’est terminé il y a 2 jours, pour toutes les sociétés exerçant en France les comptes et le bénéfice de 2018 seront arrêtés dans 2 ou 3 mois.

  • Triste constat… : cela va constituer un problème pour les personnes qui n’ont pas accès à internet chez eux (Ex : idem pour les déclarations d’impôts… même si on pourra effectuer directement ses déclarations sur place au Centre des Finances Publiques : centre des impôts).
    Est-il utile de rappeler, la suppression de guichets à la SNCF, à GDF et autres entreprises : l’impact de la vague du numérique a déjà commencé depuis très longtemps et va, hélas, continuer à s’amplifier avec des conséquences inéluctables, mais parfois justifiées économiquement (humble avis…).
    L’orientation pour les banques et de beaucoup d’autres entreprises (Ex : transport ferroviaire et transport aérien : ce qui existe aussi depuis longtemps) est de traiter une partie des clients… à distance, digitalisation des services oblige, même si cela nous fait parfois râler…
    Et que dire :
    1) des fermetures d’agences bancaires ou rationalisation des réseaux via des fusions dans plusieurs régions ?
    2) de la diminution et/ou suppression de guichets de retrait d’argent liquide (DAB : distributeurs automatiques de billets) , un peu partout en France et particulièrement dans les zones rurales, obligeant les clients à parcourir plusieurs kilomètres…
    Pour faire, un p’tit tour d’horizon sur l’actualité du secteur bancaire, voir svp le site de la « Fédération Bancaire Française » :
    URL : http://www.fbf.fr/#
    Et pour avoir une p’tite idée de l’évolution dans ce secteur (sélection de sites = liste non exhaustive):
    1) Site « La Tribune » : article L’emploi dans la banque baisse encore, en attendant la vague numérique » (Par Delphine Cuny et Gabrielle Thin, publié le 13/06/2018)
    URL : https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/l-emploi-dans-la-banque-baisse-encore-en-attendant-la-vague-numerique-781678.html
    2) Site « Les Echos » : article « Les banques contraintes de repenser l’accueil de leurs clients en agence » (article Sharon Wajsbrot – Les Echos, publié le 11/07/2017)
    URL : https://www.lesechos.fr/11/07/2017/LesEchos/22484-098-ECH_les-banques-contraintes-de-repenser-l-accueil-de-leurs-clients-en-agence.htm
    3) Site de l’association « ADEIC » : « L’évolution du modèle bancaire à l’ère du numérique » (article publié le 20/02/2018)
    Présentation de l’association (extrait) : « Pourra-t-on consommer demain comme nous le faisons aujourd’hui ? Non. Les générations à venir risquent de devoir faire face à une situation plus que délicate. L’ADEIC, Association de Défense, d’Éducation et d’Information du Consommateur, propose à partir de ce postulat de changer les modes de consommation. »
    URL : https://www.adeic.fr/2018/02/20/levolution-modele-bancaire-a-lere-numerique/
    Espérons qu’un jour, nous n’aurons pas à passer principalement par l’alternative suivante : celle de passer par une banque en ligne, comme le font déjà beaucoup de personnes…
    Pour info, voir svp, le site de l’ACPR (l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) . Banque de France (Analyses et synthèses) : « Etude sur les modèles d’affaires des banques en ligne et des néobanques » (N° 96 publié en octobre 2018 : 19 pages)
    URL : https://acpr.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/20181010_etude_acpr_banque_en_ligne_neobanque.pdf
    « As usual » : bonne lecture… 😉 😉 😉

    • Et que dire des conséquences environnementales de la vague numérique?
      Une consommation énorme d’électricité, une production de GES, une pollution par les ondes électromagnétiques du wifi, pollution par le silicium, production de CO2….
      Et il y a des gens qui affirment ou croient que l’on va s’engager dans la transition écologique!!!

  • Encore une affaire de déshumanisation qui va l’ affaire des extrêmes.
    Après la  » bien pensance » découvrira avec étonnement qu’ il puisse y avoir des GJ, alors qu’ ils cherchent en permanence à faire notre bonheur.

  • Bel article de Joël Braud.
    Bonjour et Bonne année à tous. La santé, la joie, l’épanouissement pour chacun et pour vos proches. La paix, la solidarité et l’éveil pour l’humanité.
    Le sourire ? Ben non il va disparaitre. Le contact et la chaleur humaine, aie, cela semble bien menacé. Un monde de coopération ? Ouille, les banques préfèrent la compétitivité. L’homme doit céder la place à la machine, à la technicité. Ellul nous avait prévenu au sujet de la perte de liberté avec la technicité. Les gens de bons sens voient très bien les limites d’un « progrès » basé uniquement sur le profit.
    Peut-on garder espoir et espérer que nos bons vœux aient du sens ?

  • Bel exemple du monde dans lequel nous vivons. Et réflexions que nous pouvons partager, mais qui ne sont pas accessibles à tous, trop perdus dans leurs sphères comptables.