Au Mélies de Pau : « Un berger et deux perchés à l’Elysée ? »

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berger « Un berger et deux perchés à l’Elysées ? », le film qui retrace la campagne de Jean Lassalle aux dernières élections présidentielles est actuellement diffusé au Mélies de Pau comme il l’est aussi à Tarbes. Cette sortie cinéma d’un documentaire complètement décalé, réalisé avec des moyens très réduits, auquel peu croyaient –ni l’establishment politique et encore moins les professionnels traditionnels du  cinéma- est en soi un exploit. Il est dû à la ténacité des deux réalisateurs Pierre Carles et Philippe Lespinasse. Son succès, inattendu pour beaucoup de bons esprits formatés, est fondé en premier lieu sur le héros de ce « road movie » inédit qui crève l’écran et qui donne tout son cachet à cet Ovni cinématographique. Démarche paradoxale mais aussi amusante, où l’on retrouve un « petit » candidat chaleureux et enthousiaste, qui détonne dans un monde politique médiocre, standardisé et désespérant ferraillant avec ses adversaires et un univers médiatique impitoyable à son égard.
Le film néanmoins a ses limites. Elles tiennent aux partis pris des deux réalisateurs qui, se mettant en scène, veulent absolument faire rentrer le berger de Lourdios-Ichère dans des cases préétablies qui leur appartiennent mais qui ne correspondent pas au personnage. Pierre Carles et Philippe Lespinasse le disent avec honnêteté : leurs conseils ne seront jamais écoutés et c’est tant mieux. Car Lassalle est inclassable, car même s’il peut avoir comme ami André Chassaigne le brillant député communiste ou une proximité ponctuelle avec le candidat trotstkiste –NPA- Philippe Poutou, il ne se range dans aucun camps si ce n’est le sien. Il vient de refuser de participer à la liste du PC pour les prochaines élections européennes. Avant-lui, Emmanuel Maffre-Beaugé, un autre paysan inclassable, chrétien pratiquant, vigneron du Languedoc en colère, avait accepté de se placer sur la liste communiste où il avait été élu largement. Mais les temps ont changé et la voie de Lassalle est différente, ses objectifs autres. Il fera sa liste…
Lassalle n’est pas ce crypto gauchiste qui s’ignorerait comme l’avait cru un peu vite les deux réalisateurs. Espéraient-ils le manipuler et l’amener sur cette voie ? De ce point de vue ils ont échoué et le film d’ailleurs se termine par l’aveu de leur déception. Leur propos, le film pâtit un peu de ce parti pris récurrent qui les conduit jusqu’à plusieurs explications sévères mais vaines avec le montagnard têtu que rien n’ébranle troquant alors sa bonhomie pour une rudesse insoupçonnée. Nous ne dirons pas les raisons de ces « fâcheries » pour ne pas nuire à l’intrigue ; disons qu’elles ont un caractère moral et qu’elles peuvent troubler. Leurs mises en scènes montrent l’ambiguïté d’un personnage dont la naïveté troublante peut être « contre-productive » mais qui est assumée.
En fait, dans ce film et c’est ce qui en fait l’intérêt, la saveur, Lassalle fait du Lassalle et rien ne l’en empêche, pas même les considérations tactiques. Il ne se laisse pas enfermer dans un système politique. Il a compris la grande loi de la communication : avant toute chose, il faut être soi-même.
La question des moyens, il en faut pour se lancer dans une aventure politique de cet acabit, ne le préoccupe pas : il y croit c’est tout. Il y a une sorte de discours messianiste chez le Béarnais. Un constat que personne ne peut discuter : celui de la destruction du lien social, de l’urgence à reconstruire un monde plus juste. Le comment n’est pas son problème ; son problème c’est la prise de conscience de la dégradation de notre société. Lui se situe dans l’action, dans le verbe qu’il porte haut en bon Gascon et dans le symbole, le geste qui touche plus que de pénibles explications ce fut le cas récemment lors du port de son gilet jaune à l’Assemblée Nationale durement sanctionné.
Enfin et peut-être surtout, Jean Lassalle devient le porte-parole d’une France rurale maltraitée, reniée par des élites méprisantes mais dont nous nous sentons tous plus ou moins les fils et dont les valeurs nous touchent dans ce que nous avons de plus intimes : nos racines. Le film illustre bien cet enracinement rural, pyrénéen : sa ferme, ses brebis, ses chevaux, son fromage, les amis qui montent les pistes en 4×4, la tronçonneuse en panne… La beauté de la montagne, la nôtre, très présente, donne une dimension esthétique à l’ensemble et le vol de l’aigle royal sur le col d’ Iraty vaut bien que l’on interrompe une discussion politique fusse-t-elle cruciale.

Pierre Michel Vidal

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10 commentaires

  • Il ne faut pas oublier que ce sont les électeurs qui ont élu Jean Lassalle. Il raconte une histoire rigolote lors d’un repas du 3ème âge. Il tourne en dérision son parcours de combattant pour que son permis de conduire lui soit restitué. Il parle béarnais quand il le faut. Il se montre torse nu, la sueur au front, pour débroussailler un terrain pentu. Bref, les gens aiment bien les personnes qui nous distraient, qui nous font rire.En gros, c’est un rigolo dans la classe politique perçue comme une pièce de théâtre ou chaque membre fait son numéro.

  • Hum… Le (co-)réalisateur est Pierre Carles, pas Karl Zéro. Difficile de confondre les deux, quand même… Mais peut-être que seuls les esprits non formatés connaissent Pierre Carles pour son travail de critique des médias depuis les années 90 😉

    • Pierre-Michel Vidal

      Pierre Carles oui! comme indiqué sur l’affiche du film jointe. « Pas vu pas pris »… vous vous souvenez ? Rendons à César…

  • « Il ne se laisse pas enfermer dans un système politique. Il a compris la grande loi de la communication : avant toute chose, il faut être soi-même. »
    On a l’air d’oublier un peu vite la très longue carrière servile de Lassalle dans le sillage de François Bayrou. Où est la logique qui le voit passer d’un centrisme classique qu’il a anoné durant des décennies a des positions plus gauchistes ou sur réaliste les unes que les autres ?
    Jean Lassalle est l’exemple pitoyable de la dégénérécence mentale d’un professionnel de la politique spectacle qui de surcroit n’a jamais rien apporté.
    Une honte pour le Béarn.

    • Pierre-Michel Vidal

      Il faut aller voir le film avant de porter un jugement définitif. Puisque c’est du film dont je parle ici.

      • De mon côté je n’ai aucune envie d’aller voir un film dont le héros (dans le sens que voudrez du terme) est une caricature grossière et dégradante de la fonction de député. Au mieux il sert de porte-voix, bien plus souvent il sert des causes locales qui lui permettent avant tout d’exister « dans le poste ». Son souci principal : ne plus entendre dire, comme il l’a lui même raconté : »Jeannot, qu’est-ce que tu fais, on ne te voit plus à la télé ? »

        • Pierre-Michel Vidal

          « Porte Voix » comme vous le dites, cher Hotoctone, c’est déjà pas mal… C’est même essentiel pour un élu. Pour le reste nous avons des techniciens énarques ou autres. Il sont bien plus compétents que le plus calé de nos élus.
          Mais encore une fois il s’agit d’un film. Original et critiquable; en ce sens intéressant. Libre à vous d’avoir une opinion sans l’avoir vu…

          • Cher Pierre-Michel Vidal, je n’ai aucune envie de faire le critique amateur. Ne pas avoir vu le film n’empêche pas de critiquer le personnage qui en est l’objet, qui, quoi qu’il soit dit dans le film, sera satisfait : on parle de LUI.

          • Moi aussi, je n’irai pas voir le film. Les gens ont oublié qu’il nous avais dit que sa candidature serait retenue au second tour de la Présidentielle. En fait, il n’a recueilli que
            un % (1%°) des voix. Il nous a pris pour des cornichons. Au lieu de prendre des distances avec le personnage, il se trouve que les personnes s’en approchent davantage parce que çà les fait rire.