Il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne
« En entendant les cris des oies du Capitole depuis sa maison, Marcus Manlius Capitolinus, en 390 avant J.C., partit à l’assaut des Gaulois qui tentaient d’envahir discrètement la colline et, ainsi, sauva Rome. Manlius fut couvert d’honneurs. Cependant, il fut peu après accusé de tenter de se faire sacrer roi et fut jeté de la roche Tarpéienne ». (Wilkipedia)
Les images du Grand Débat reprise en direct par les trois chaînes d’information continue sont-elles convaincantes ? Rarement en tout cas un débat aura eu dans notre pays un aussi grand écho et selon ses promoteurs une participation aussi massive. Ainsi les Français se désintéresseraient du scrutin européen –puisqu’ ils sont à peine 50% à vouloir y participer, selon les sondages- préférant cet exercice de « démocratie directe »… C’est inquiétant pour la démocratie représentative et pour le système électoral en place pour ces élections européennes : la proportionnelle, réclamée à cor et à cri par ailleurs, notamment dans le Grand Débat. Notre pays, passionné par la politique, est plongé dans le paradoxe… on veut débattre mais on ne vote plus ; dans ce contexte, le Grand Débat recueille la parole des élus vilipendés par ailleurs.
On voit le Président, sur ces images télévisées, en bras de chemise, passionné, investi. Il a réponse à tout même s’il oublie parfois les questions. L’accueil est bon. Il est souvent ovationné… ovationné au Grand Débat mais hué dans les défilés du samedi, parfois par les mêmes. C’est un dur métier que la politique…
Tout baigne désormais pour ses fidèles, Jupiter est revenu sur terre, il s’est mué en Apollon et le charme, un temps rompu, fonctionne à nouveau. C’est reparti pour un tour. S’agit-il de méthode Coué ? D’une vague impression ? Ou d’un lien durable renoué avec le pays ? Faudra-t-il décompter le temps de parole du président et des élus de la REM et du Modem du quota du à chaque formation politique que le CSA fait respecter ? Sommes-nous entrés dans la campagne électorale ? La majorité des participants à ce Grand Débat sont-ils acquis d’avance ? La jeunesse est-elle là et sinon où est-elle ? Tout cet énorme barnum dispendieux et énergivore débouchera sur quoi puisque le Président l’a indiqué par avance il ne changera pas de politique ?
La communication est une donnée essentielle de la politique. Macron/Jupiter ce n’était surement pas le bon concept et il a bien fallu que l’homme descende de son nuage face à une dure contestation, violemment réprimée -Jupiter manie la foudre. Féru d’histoire, le Président sait bien que « le parti de l’ordre » l’emporte toujours dans notre république -les Gilets Jaunes feraient bien de le méditer avant de poursuivre leur dérive. S’agit-il avec le Grand Débat de contribuer à une sorte de repositionnement, de montrer un Président proche des gens dorénavant, à l’écoute des malheurs des uns et des autres ? Un Président qui ne se départirait pas de son rôle de « sachant », à la main dure mais capable de câliner.
Le Grand Débat se résumerait alors, bien que l’on s’en défende du côté de ses organisateurs, à une opération cosmétique, au « relooking » présidentiel, passant à côté de la demande réelle. Notre pays –privilégié, si on se place sur le plan mondial- est en pleine interrogation : comment conserver nos avantages sans souffrir ? Garder un système social équivalent en payant moins d’impôts, par exemple ? La pression sur les salaires décourage-t-elle l’appétence pour le travail ? Le travail manuel devrait-il être mieux payé ? Une revalorisation du SMIC est-elle possible ? Les hausses de rémunérations s’adressent-elles uniquement aux salaires les plus élevés ? Comment motiver les chômeurs, alors ? L’impératif environnemental doit-il reposer sur les épaules les plus fragiles ? Doit-on, au contraire, en faire porter le poids sur les plus costauds ? Et d’ailleurs est-il un véritable impératif ou une nouvelle toquade médiatique ? Quid du ruissellement annoncé dont on attend les effets ? A toutes ces questions et à celle plus brûlante encore de l’accueil des migrants que peut-on attendre du Grand Débat ?
Poser la question c’est y répondre et rares sont ceux qui se font des illusions… La forme même est en cause : « nous voulions parler, échanger, nous n’avions pas besoin de leçons. Nous voulions passer pour une fois de la verticalité à l’horizontalité et cette démarche qui aurait été nouvelle nous a été confisquée ». Nous avons, avec ce Grand Débat, un nouvel exposé de la vulgate macronienne dans sa version douce.
Bravo l’artiste ! On évoquera un nouveau tour de force, un exploit inattendu, mais les sommets sont souvent inhospitaliers et il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne.
Pierre Michel Vidal
Photo shutterstock
M. Vidal, que vous n’aimiez pas Macron celà est votre droit, mais vous voulez le retour de Hollande, de Sarkozy, l’avénement de Marine Le Pen, de Mélanchon, de Dupont Aignant, vous avez le choix. Bon courage
Qui vous fait dire que je n’aime pas Macron ? Il ne s’agit pas d’aimer. Ni d’aduler. Comme vous, je conviens que depuis son élection il n’y a pas d’alternatives crédibles. Par ailleurs le « Sarkozy bashing » qui a précédé le « Hollande bashing » n’apportent pas grand-chose au débat. On en reviendra…
Xavier Bertrand ce matin sur twitter:
« La France est en train de crever d’un système bureaucratique. L’ENA est le symbole de cette technostructure déconnectée de la réalité et de l’humain. Je le dis : il faut supprimer l’ENA. »
» il faut supprimer l’ENA. »…..
L’ ENA n’ est que la pointe superficielle d’ un immense système administratif colbertisme
qui pèse de tout son poids sur la société française. Araser cette pointe qu’ est l’ ENA ne supprimera pas les conséquences sous-jacentes qui continueront à agir.
C’ est réformer l’ ENA qu’ il faut, mais surtout tout le système administratif qui en découle.
Sans cela peine perdue, la société sera aussi bloquée. Il faut revenir aux fondamentaux ,
l’ administration doit être au service de la société et des citoyens et non le contraire.
Pour cela il faut une séparation totale entre le monde administratif et le monde politique. Or aujourd’hui’ hui l’ imbrication entre ces deux mondes est trop complice et sans frontière.
Les responsables politiques pour ne pas à avoir à prendre des décisions qui pourraient parfois les rendre impopulaires préfèrent » taper en touche » sur le dos de l’ administration et vice versa, exactement comme ce que les politiques font avec l’ Europe, quand cela ne les arrange pas. On est là au coeur du problème que l’ on vit actuellement avec les GJ entre autre. Maintenant attendons les résultats du Grand Débat, pour voir si les responsables politiques auront le courage de mettre en place cette réforme majeure.
« Notre pays, passionné par la politique »
Non, pas vraiment, passionné par la politique de comptoir du Café du Commerce où on déblatère sans savoir, comme sur les ronds points, leur protubérance actuelle. Non car plus de 9 français sur 10 n’ont jamais fait l’effort de comprendre qui fait quoi dans l’organisation territoriale et étatique de comprendre les équilibres financiers d’un Etat, ou l’organisation de l’Europe (et ne parlons pas de l’économie…)
Quel débat sérieux peut on avoir sans ces connaissances indispensables ?
On obtient la bouillie sauce gilets jaunes on veut plus de tout ce qui est bon moins de ce qui fait mal: le pire de la démagogie infantile.
« Tout cet énorme barnum dispendieux et énergivore débouchera sur quoi puisque le Président l’a indiqué par avance il ne changera pas de politique ? »
Bien évidemment le grand débat n’apportera rien de majeur en terme de changement de la politique du président (car compte tenu des données macroéconomiques : Dépense publique, chômage, prélèvements, dette, commerce extérieur, dépenses sociales et redistribution, IL N’Y A PAS D’AUTRE SOLUTION!). Par contre il a un impact majeur sur l’explication de la logique du programme. Et les performances de Macron face aux Maires, aux agriculteurs ou aux citoyens est absolument exceptionnelle tant au point de vue de la forme où son contact retourne les plus vindicatifs que dans le domaine de la connaissance des dossiers.
Les réformes a venir seront mieux comprises et sans doute mieux acceptées mais c’est sûr, elles auront lieu.
Vous risquez d’être déçu. J’ai écouté une longue interview (30mn) de la ministre de la cohésion des territoires ce week-end, et il y a un clair rétropédalage sur certains sujets : elle a encensé les collectivités locales sans jamais évoquer la question qui fâche à savoir les dérives bugétaires, elle a réaffirmé le rôle important des départements dont la suppression n’est certainement plus envisagée, elle a plaidé pour de la souplesse dans les intercommunalités, pour des compétences quasi à la carte entre toutes les strates, et cerise sur le gâteau a émis l’opinion qu’il n’y avait sans doute plus assez de fonctionnaires dans les territoires. Bref, la simplication du mille-feuille administratif n’est pas pour demain.
une très bonne analyse, dont on peut (éventuellement) ne pas partager les conclusions, et puis avec philosophie je dirais à propos du Grand Débat, et comme on me l’a souvent répété tout au long de ma vie, « il en restera toujours quelque chose »…
libre à qui le souhaite de reprendre le flambeau et de tenter de faire évoluer la situation !
Merci de ce commentaire modéré comme l’est ce papier. Je ne condamne rien ni personne. On peut avoir des doutes sur les effets du grand Débat sans être taxé d’anti-macron (quelle époque intolérante!) Car, sans doute avez-vous raison a propos de ce débat : « il en restera toujours quelque chose ».