à l’heure où rosit la campagne
Après que l’augmentation de la taxe sur les carburants eut « enjauni » la campagne bien au-delà de l’automne, le glyphosate « enrosit » la campagne avant le début du printemps.
La problématique « fin du mois, fin du monde » n’est toujours pas dépassée.
« Ah ! ça ira, ça ira, ça ira ! » semble toujours s’entendre sur tous les ronds-points de France. Jusqu’à quand ?
Lors d’une séance du Grand Débat à Pau, M. Braud (*) avait relevé le talent et la présence de
Mme Lagaronne dans la défense des intérêts du monde agricole avec un usage « raisonné » du glyphosate.
Lors de réunions sur l’agriculture et l’énergie, organisée par la Chambre d’Agriculture le 11 décembre 2018 à Morlaàs, j’avais eu le même ressenti au cours d’une présentation de Mme Lagaronne sur la problématique production de viande et production de carbone, défavorable aux éleveurs (**) :
Mon propos n’est pas de discuter la pertinence des arguments qui se font face mais d’interroger les processus, les rapports de forces qui conduisent à des décisions ainsi que les perspectives politiques qu’ils portent.
Je suis surpris que les producteurs de viande réagissent lorsque des conclusions sont déjà bien avancées. Pour beaucoup la Commission Européenne et ses élites œuvreraient dans leur coin et les professionnels réagiraient du mieux qu’ils peuvent.
Je
suis frappé par la profondeur de l’argumentation déployée par
la profession agricole. Elle défend ses intérêts qui sont certes
financiers mais aussi humains. Beaucoup d’emplois sont en
jeux.
Cependant cette argumentation reflète la force, non
seulement d’une organisation et de ses membres mais également de
tout une filière économique dont les intérêts s’entrecroisent.
Les lobbys ont aussi leurs élites. Les victimes sont également
otages.
Face aux mobilisations de moyens privés, je me suis demandé si la recherche publique est dotée de moyens suffisants pour démêler les arguments et arbitrer les débats.
Je
constate que la Société Civile est également invitée aux débats
et que les pouvoirs publics subventionnent de nombreux ONG ou
Syndicats, vraisemblablement pour équilibrer les points de
vue.
Mais il n’est pas rare d’entendre des responsables
socioprofessionnels qui payeraient des impôts et apparemment ne
percevraient jamais de subventions, s’indigner de cette situation
ressentie comme déloyale.
« Sans scrupule, avec
un cynisme achevé et d’énormes moyens », ces membres de la
Société Civile (cf. membres de FNE, Yann Arthus-Bertrand ou
Nicolas Hulot) viendraient saboter les actions des « êtres
exceptionnels » que sont les gens du terroir, lesquels agissent
toujours de leur mieux malgré les injonctions des élites.
(***)
Ces éléments révèlent aussi une dimension manichéenne dans la mise en cause de la verticalité de notre Société et de ses élites ainsi que dans la victimisation des classes populaires.
Si
les rouages du développement social voire économique ou
environnemental, ont tendance à se gripper, les évolutions
sociétales tournent à plein régime. Ainsi dans mon village,
j’observe que les valeurs rurales traditionnelles ont été
balayées en moins d’une génération. Tout n’est pas
bénéfice.
Certes notre Société regorgerait d’argent
dissimulé qu’il suffirait de débusquer pour résoudre nos
problèmes. Or en France, le niveau de redistribution de l’argent
public au bénéfice des classes les plus modestes est déjà très
élevé. En plus l’histoire nous enseigne que seule la croissance
économique, avec la généralisation du salariat, a assuré le
développement social.
D’autre part, on entend de plus en plus
que le monde serait en perdition, que l’Etat de droit ne serait
plus légitime et qu’il faudrait rétablir les traditions voire
des structures patriarcales (ou… matriarcales si on observe
l’occupation récente des ronds-points).
Je ressens ces
discours comme « poisseux ». Ils s’étalent sur tous
les problèmes, davantage pour les obscurcir que pour les éclairer.
La
refondation de la croissance nécessite clarté et limpidité dans
l’analyse et le discours.
En attendant, le glyphosate coule
encore, le carbone s’échappe toujours autant dans l’atmosphère
et l’univers de Notre Dame s’est effondré.
Les gilets
jaunes continuent de défiler dans leur « univers shadokéen »,
sans doute à la recherche du « cosmogol ».
Larouture
(*) : https://alternatives-pyrenees.com/2019/02/25/grand-debat-palois-acte-iii/
(**) :
La viande est considérée, notamment par l’UE, comme le plus
gros producteur de carbone. L’élimination des protéines
« viandes » réduirait d’1/3 la production de
carbone.
Toutefois, suivant Mme Lagaronne, il faudrait corriger
ces bilans carbones en considérant, l’eau, le sol, le territoire
et l’air. Ainsi la taxe carbone devrait valoriser l’air. Parmi
les leviers de réduction du décompte carbone figureraient les
prairies (y compris le fumier) ainsi que la filière viande.
(***) : C’est ce que je déduis de la lecture de « Le retour de citoyen de Jean Lassalle ; Le cherche midi ; 2012 ; chapitres 9 « Sauver notre agriculture » et 10 « L’écologie ou la dictature d’une idéologie » par exemple.
PS : Le présent article prolonge un article publié en 2013 : https://alternatives-pyrenees.com/2013/07/25/la-france-et-larbre-affaibli/