Benaise
Dans sa prochaine édition à paraître en 2020, le dictionnaire Larousse a choisi d’inclure 150 mots nouveaux. Beaucoup comme divulgâcher, survivalisme, klouber et darhnut sont particulièrement rébarbatifs, cependant il en existe un, benaise, que je trouve à la fois chantant et plein de charme.
Il faut préciser qu’il doit se prononcer : beunaise et surtout pas bénaise, comme j’ai pu l’entendre sur une radio. Il s’agit d’un mot qui trouve son origine dans un « parler » local. Il nous vient de la saintonge, un patois saintongeais qui possède une personnalité spécifique. Il se rapproche d’ailleurs davantage de la langue d’oil. Il évoque chez moi, le pays gabay, une enfance dans une région qui se situe entre le nord de la gironde et la région de Saintes en Charente Maritime.
Ce choix du dictionnaire Larousse va bien sûr réjouir Michel Feltin-Palas, journaliste à l’Express et défenseur acharné des langues régionales*.
Il faut traduire benaise par « bien à l’aise », ou réjoui si vous préférez. Certains qui se souviennent, le rapprocheront du nom de Goulebenéze, célèbre barde saintongeais qui avait acquis une solide réputation locale avant de finir dans la misère en 1957. La traduction de son pseudonyme est évidente. Il est d’ailleurs possible de retrouver trace de ses contes sur internet.
Le parler gabay possède un dictionnaire où l’on apprend que gamin ou gamine se dit drôle ou drôlesse. Selon le Petit Robert, ces mots ont dans le passé été utilisés par Balzac et Mauriac ; excusez du peu !
Pour revenir au pays « Gabay » (prononcer gabaille) il faut bien dire que peu connaissent cette zone. Il s’agit d’une région qui englobe le Blayais, Coutras, jusqu’à l’Isle et avant Libourne. Il s’agit, selon les géographes et historiens, d’une sorte de charnière, une zone de transition, entre la langue d’Oc et la langue d’Oil. La culture gabaye existe, mon enfance a baigné dedans.
En vérité, sur les cent cinquante mots que vient ainsi d’intégrer le dictionnaire Larousse, seuls deux ont été piochés dans les langues régionales. A « benaise », il faut ajouter « klouder », mot d’origine bretonne qui signifie se goinfrer. Deux mots seulement se référant aux parlers locaux ont été retenus, une façon de leur donner une identité.
Pau, le 13 mai 2019
par Joël Braud
- Auteur d’un blog intitulé : « Sur le bout des langues »
Cela nous laisse encore un peu de répit avant d’être complètement cannibalisé par des synonymes anglo-saxons !
Article très sympa. Très sympa aussi d’en savoir davantage sur ce « benaise » qui est très joli en effet. Se vulgarisera-t-il ? La langue a tellement de ressources et ne cesse de nous étonner.
Mais je ne partage pas votre sentiment sur divulgâcher que je trouve joli, chantant et très utile (il remplace *spoiler*, je suppose ? ça paraît tellement évident. C’est bien trouvé). Le survivalisme, s’il n’est pas joli est au moins nécessaire vu l’engouement pour la chose